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Le Gros remercie d’un branlement de marmiton et va empoigner l’anse en corde de la bouilloire. Sa personne tout entière s’est transfigurée. Il a la gravité épiscopale, le Mastar.

S’approchant du reliquat de cousin amoncelé sur la carpette, il prononce d’une voix majestueuse ces mots :

— Comme t’as un nom à vous faire pleurer les fesses, et que je veux pas t’obliger à débroder tes mouchoirs, je te vas appeler Alexandre-Benoît, cousin. J’espère que tu sauras, doré de l’avant, t’en montrer digne.

« Alexandre-Benoît, murmure-t-il avec ferveur, en versant l’eau bouillante sur son parent : je te baptise, au nom du père, du fils, du Saint-Esprit et des Bérurier. Amène ! »

La flotte à cent degrés a ranimé le nouveau chrétien qui réussit un râle d’otarie en gésine.

Le Gravos se débarrasse de la bouilloire et déclare, agenouillé près du tuméfié :

— Ouv’ grands tes baffles, Alexandre-Benoît, que je te cause un dernier coup. Voilà : à présent t’es chrétien. Ton Coran, tu peux le carrer dans tes gogues si les pages seraient pas trop épaisses. Grâce à moi t’es devenu un vrai Bérurier. Dès que t’auras colmaté tes ébréchures, cavale chez le Nicolas de l’endroit pour acheter une caisse de pichtegorne. Lésine pas : prends du chouette, car va s’agir de te faire un palais, vu que le tien à écluser du thé, il doit pas avoir plus de sensibilité qu’une cuvette de pissotière. Pour pas trop te dépayser les musqueuses, attaque par du blanc. Un petit Pouilly de Loire, ou un Crépy d’Haute-Savoie ça serait idéal pour t’enchanter au départ les glands de sale hiver. Ensuite d’après quoi tu passeras au rouge. Le rouge, c’est un vin d’homme. Vas-y molo au début : deux trois litres par jour, pas plus ; jusqu’à ce t’apprécies pleinement.

« Mais une fois que ton gosier a chopé sa vitesse de croisière, alors là, chique pas les bêcheurs : BOIS ! Pour le coup, ta transformation s’opér’ra. Tu deviendras un brave homme, cousin. Promis, juré ! Le monde sera à ta mesure et toi à la sienne. Allez, j’te pardonne tes dégueulasseries. Encore une chose à ce propos : ta femme ! Chez les Bérurier on est tous tringleurs à ne plus en pouvoir. Ma mère disait de papa qu’il se serait cogné une chèvre pour peu qu’elle portasse un tablier. La bavouille, on a ça dans le sang, de père en fils et de paires en paires. Seulement on s’est jamais chaussé Popaul au rayon fillette !

D’un geste accablé, il désigne la mignonnette.

— Une épouse de c’t’âge-là, je te jure ! Ça fait froid dans l’échine dorsale. Aussi v’là ce que tu vas faire Immédiateli, cousin : divorcer ! T’as pas d’enfant ?

— Non, non, ânonne le dévasté.

— Parfait. Alors après le divorce tu m’adopteras cette gamine. C’est mieux qu’é soit ta fille ! Plus convenable et tout. Cette fois j’ai terminé, t’as bien tout pigé ?

Il tend sa vaste paluche à son cousin.

— Vas-y de cinq, Gars. Et garde pas rancune pour la dérouillanche, si on se mettait pas une petite peignée, ent’ cousins, ça voudrait dire quoi t’est-ce, la famille ?

CHAPITRE IX

TOUS LES MOYENS (ORIENT) SONT BONS[19] !

Ayant subrepticement récupéré la montre de feu Horry Zonthal dans le coussin où je l’avais planquée, je donne le signal du départ. Le regard désespéré que me jette la petite Mme Bérurier-Irak lorsque nous quittons sa crèche, je ne l’oublierai jamais.

Seul, les yeux d’un animal peuvent contenir autant de ferveur, parfois.

J’en suis encore remué lorsque nous revenons dans les bureaux de la Sécurité où le général Akel Gânash nous attend devant le thé de l’adieu.

— Le moment est venu de vous présenter notre agent secret, déclare-t-il. C’est le meilleur du monde, et peut-être même d’Irak ! Son nom de code est PI 3-1416. Impossible de le rouler : Il connaît toutes les ficelles du métier. Avec ça une force de caractère peu commune, les pires tortures ne parviendraient pas à lui arracher le plus menu des renseignements, fût-ce l’âge de sa grand-mère.

Ayant dit, le chef des Services de Sécurité Sociale frappe sur un gong. L’une des portes du fond s’ouvre. Paraît alors une étonnante créature.

On en a illico une dilatation de la rétine, le Gravos et moi. Un brutal court-jus dans le radada. La salive comme de la ouate thermogène. Les pinceaux qui se démanchent.

Hou you youille, cette nana, mes bien chers frères z’et sœurs ! Ce lot à réclamer ! Quand elle surgit, on oublie sa propre date de naissance, la capitale du Honduras, le téléphone d’Esvépé, les gondoles de Venise, les fausses couches de Babiola. On est changé en liqueur de chique ; en bulle de savon ; en jour chômé. On ringarde du sémaphore ! C’est instantané. Fougueusement physique. Le sensoriel qui s’impétueuse ! Les petites frangines qui tyroliennent. Trou l’hallali dans l’lit ! Et troue-là-là itou !

Attendez : faut que je nous prenne un moment pour vous raconter cette extrême beauté. Si Dalida ne faisait pas seulement semblant d’être grande, elle serait à peu près de sa taille. You see ? Mais elle n’a pas l’air d’un travesti. Un profil irakien, superbe. Avec des yeux sauvages, frangés de longs cils, comme on dit dans les testes primés par les agagadémiciens. Des cheveux noirs et brillants, très longs. Une bouche épaisse, faite pour bouffer de l’homme (en anglais, to bite). Une lueur dans le regard qui vous fascine et vous intimide, oui, surtout ça ! Quant au corps, alors là, mes gueux, attachez-vous zifolo à la jambe droite que je vous raconte, sinon vous auriez l’air de faire de la contrebande de mitraillette. La donzelle a les plus fantastiques loloches que j’aie jamais vus. Écoutez, une vraie console Louis XV ! Vous pourriez poser là-dessus une bible de dix livres sans les faire fléchir. Vous parlez d’un lutrin ! Deux z’obus jumelés ! Drôlement angoissant ! On risque son vie (pardon : sa vis) à se jeter trop fougueusement sur mademoiselle. Défoncement de la cage thoracique : fraaaac ! Les cerceaux qui vous jaillissent comme à une fin de méchoui. Des hanches, je ne vous dis pas que ça, parce qu’il y a le reste, mais qui méritent un détour ! Moelleuses, harmonieuses, accapareuses. Cette mousmé pourrait s’habiller rien qu’avec des mains d’hommes. Son apothéose, pourtant, ça reste ses jambes et ses fesses (indissociables). La garce porte une minijupe de cuir (la mode vient de se faufiler jusqu’en nid-raque[20] qui dévoile tout de ses splendeurs. Seulement elle n’a pas de collants. Des bas noirs avec jarretelles roses comme dans l’ancien temps, à l’époque gaullienne. Un slip en dentelle. Des bottes montantes, noires.

Franchement, c’est Béru qui sait le mieux, et le plus succinctement, résumer l’impression générale :

— De Dieu ! s’écrie-t-il.

Le soupir qui suit est déjà une espèce d’orgasme.

Faut avouer que rien ni personne n’est plus excitant que cette fille. Un spectacle du Crazy-Horse, en comparaison, ressemble à une veillée funèbre dans un couvent de Dominicains.

L’époustouflante amazone vient se planter devant le général et le salue militairement.

— Je vous présente l’agent PI 3-1416, déclare l’officier supérieurement supérieur. De son vrai nom Mahatma Hâari. Vous allez, à dater de tout de suite, faire équipe avec elle.

— Mais, extrêmement volontiers ! m’empressé-je.

Je n’ajoute pas : « Où est-ce qu’on se met ? », mais je le pense ardemment.

Le général Akel Gânash doit lire mon désir sur ma frime (ou ailleurs) car il ajoute, d’un ton quelque peu âpre :

— Je vous mets en garde contre l’aspect, heu… disons humain de vos relations. Vous ne devez pas considérer Mahatma comme une femme, à aucun prix !

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19

boirai le calice jusqu’à l’hallali.

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20

Je vous avais prévenu que j’écrirai ça à ma façon !