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— Un organisme ? » Wu restait poli.

« Un unique organisme, et Marlène l’appelle du nom même de la planète, puisque les cellules sont intimement apparentées à elle.

— Vous parlez sérieusement ? dit Wu. Comment avez-vous appris l’existence de cet organisme ?

— Essentiellement par Marlène.

— Par cette jeune femme qui est peut-être une … hystérique ? »

Genarr leva un doigt. « Ne dites rien contre elle, même en plaisantant. Je ne suis pas certain qu’Erythro — l’organisme — ait le sens de l’humour. Nous le connaissons essentiellement par Marlène, mais pas seulement. Quand Saltade Leverett s’est levé pour partir, il a été renversé. Quand vous vous êtes à moitié levé tout à l’heure, peut-être aussi pour quitter la pièce, vous ne vous êtes pas senti bien. Ce sont les réactions d’Erythro. Il protège Marlène en agissant directement sur nos esprits. Lorsque nous nous sommes installés sur ce monde, il a, par mégarde, déclenché une petite épidémie de maladie mentale que nous avons appelé la Peste d’Erythro. J’ai bien peur que, s’il le souhaite, il puisse provoquer des dommages mentaux irrémédiables ; et s’il le veut, il peut tuer. Je vous en prie, n’en faites pas l’expérience.

— Vous voulez dire que ce n’est pas Marlène qui … dit Fisher.

— Non, Crile. Marlène a des capacités indiscutables, mais elle n’est pas destructrice. C’est Erythro qui est dangereux.

— Comment l’empêcher d’être dangereux ? demanda Fisher.

— En écoutant poliment Marlène, pour commencer. Vous n’avez qu’à me laisser parler avec elle. Au moins, Erythro me connaît. Et croyez-moi quand je dis que je veux sauver la Terre. Je n’ai pas envie de provoquer des milliards de morts. »

Il se tourna vers Marlène. « Tu comprends, Marlène, que la Terre est en danger ? Ta mère t’a expliqué que Némésis pourrait détruire la Terre.

— Je le sais, oncle Siever, répondit Marlène d’une voix angoissée, mais Erythro appartient à lui-même.

— Il pourrait vouloir partager, Marlène. Il permet bien au Dôme de rester sur la planète. Nous ne la dérangeons pas, apparemment.

— Mais il n’y a même pas mille personnes dans le Dôme et qui ne sortent pas. Le Dôme ne gêne pas Erythro parce que, grâce à lui, il peut étudier des esprits humains.

— Il pourra en étudier encore plus si les Terriens viennent ici.

— Huit milliards ?

— Non, pas huit milliards d’un coup. Ils ne viendront s’installer ici que temporairement et puis ils partiront ailleurs. Il n’y aura ici, en même temps, qu’une fraction de la population.

— Ce seront tout de même des millions. J’en suis sûre. On ne pourra pas les fourrer tous sous un dôme et leur fournir l’eau, la nourriture et tout ce dont ils auront besoin. On sera obligé de les répartir sur Erythro et de terraformer la planète. Erythro ne pourrait pas y survivre. Il faudra qu’il se protège.

— Tu en es certaine ?

— Il sera bien obligé.

— Cela signifierait la mort de milliards de personnes.

— Il n’y peut rien. » Elle pinça les lèvres et dit « Il y a un autre moyen.

— De quoi parle cette fille ? demanda Leverett d’un ton bourru. Quel autre moyen ? »

Marlène jeta un bref coup d’œil sur lui, puis se tourna vers Genarr.

« Je ne sais pas. C’est Erythro qui sait. Du moins … du moins, il dit que la connaissance est ici, mais qu’il ne peut pas l’expliquer. »

Genarr leva les deux bras pour arrêter ce qui allait être une avalanche de questions. « Laissez-moi parler. »

Puis il dit doucement : « Marlène, calme-toi. Cela ne sert à rien de t’inquiéter pour Erythro. Tu sais qu’il peut se protéger contre n’importe quoi. Dis-moi pourquoi Erythro ne peut pas expliquer cette connaissance. »

Marlène était oppressée et suffoquait. « Erythro sait que cette connaissance est ici, mais il n’a pas l’expérience humaine, la science humaine, les manières de penser humaines. Il ne la comprend pas.

— Cette connaissance est dans les esprits ici présents ?

— Oui, oncle Siever.

— Peut-il sonder nos esprits ?

— Il pourrait les blesser. Il ne peut sonder que mon esprit sans lui faire de mal.

— Je m’y attendais, mais as-tu cette connaissance ?

— Non, bien sur que non. Mais il peut se servir de mon esprit pour sonder les autres. Le vôtre. Celui de mon père. Tous.

— Est-ce sans danger ?

— Erythro le pense, mais … oh, oncle Siever, j’ai peur !

— C’est de la folie », chuchota Wu et Genarr mit aussitôt le doigt sur ses lèvres.

Fisher s’était dressé sur ses pieds. « Marlène, il ne faut pas que … »

Genarr lui fit signe, avec colère, de se rasseoir. « Nous ne pouvons rien faire, Crile. Il y a des milliards d’êtres humains en cause — nous n’avons pas cessé de le répéter — et il faut laisser l’organisme faire ce qu’il peut. Marlène ?

Les yeux de Marlène s’étaient tournés vers le haut. Elle semblait entrée en transe. « Oncle Siever, chuchota-t-elle. Tiens-moi fort. »

Elle s’avança en titubant vers Genarr qui la saisit pour l’empêcher de tomber et la serra contre lui. « Marlène … détends-toi … tout ira bien … » Il s’assit avec précaution dans son fauteuil en tenant le corps rigide de la jeune fille.

92

Ce fut comme une explosion de lumière qui obscurcit le monde. Rien n’existait en dehors d’elle.

Genarr n’était même pas conscient d’être Genarr. Le moi n’existait plus. Il n’y avait qu’un brouillard lumineux d’une grande complexité, capable de communiquer, s’étendant et se divisant en fils qui gardaient la même complexité lorsqu’ils se séparaient de lui.

Il tourbillonna, recula, puis s’étendit et se rapprocha de nouveau. Encore et encore, d’une façon hypnotique, comme quelque chose qui avait toujours existé et existerait toujours, éternellement.

Le brouillard tombait sans fin dans une ouverture qui s’élargissait lorsqu’il approchait, sans pour cela devenir plus large. Il continuait à changer sans s’altérer. De petites bouffées se déployèrent pour former une nouvelle complexité.

Encore et encore. Pas de son. Pas de sensation. Pas même de vision. La conscience de quelque chose qui avait les propriétés de la lumière sans être la lumière. C’était l’esprit qui devenait conscient de lui-même.

Et puis, douloureusement — s’il y avait quelque chose comme la douleur dans l’univers — et avec un sanglot — s’il y avait quelque chose ressemblant à un bruit dans l’univers — il commença à se ternir, et à tourner, tournoyer, de plus en plus vite, pour devenir un point lumineux qui lança un éclair, puis disparut.

93

L’univers faisait lourdement sentir son existence.

Wu s’étira et dit : « Est-ce que quelqu’un d’autre a éprouvé la même chose ? »

Fisher hocha la tête.

Leverett dit : « Bon, j’y crois. Si c’est de la folie, alors nous sommes tous fous. »

Mais Genarr, tenant toujours Marlène dans ses bras, se pencha avec inquiétude sur elle. Elle respirait irrégulièrement. « Marlène, Marlène. »

Fisher lutta pour se remettre sur ses pieds. « Va-t-elle bien ?

— Je n’en sais rien, murmura Genarr. Elle est vivante, mais cela ne suffit pas. »