— Ce soir ?
— Ce soir.
Pas trop de tension. Les femmes ont horreur de la tension. Mais de la volonté. Et du magnétisme. Malko s’aperçut qu’il serrait l’appareil à le briser. La voix hésitante qui vous torture.
— Je… j’allais me coucher. Je suis fatiguée. Demain, il faut que je me lève tôt.
Même rengaine. Cette fois, ne pas se laisser piéger.
— Moi aussi. Je passe vous prendre dans cinq minutes.
Il avait déjà raccroché. Il y avait une ou deux minutes difficiles à passer. Il se jeta sur le lit, oppressé, s’attendant à chaque seconde à sursauter à la sonnerie du téléphone.
Rien.
Il gagnait la première manche.
Il se jeta sous la douche, sentit avec délices l’eau chaude couler sur la peau nue. Se savonnant longuement, s’imprégnant de Bogart, humant la senteur qu’il aimait, after-shave, déodorant, chemise fraîche. La soie douce sur la peau. Si bon de vivre.
Il sortit, fit deux mètres vers la gauche et frappa à la porte du bungalow « Bicune ».
Divine. Une robe de jersey de soie, souple comme un gant, bleu électrique, les cheveux noirs sur les épaules, les yeux soulignés de même bleu que la robe. Les effluves de Cabochard. La sophistication, le luxe. Tout ce qu’il aimait.
— Je n’ai pas eu le temps de me faire belle.
Malko sourit avec sa bouche, mais ses yeux s’étaient fixés sur le corps superbe offert devant lui. Sans qu’il lui en donne l’ordre, sa main droite partit en avant et se posa sur le jersey bleu, à la hauteur de la hanche.
— Vous êtes belle.
L’autre main se posa sur l’autre hanche, repoussant Irja à l’intérieur. La surprise dans les yeux. Un zeste de peur, vite disparu, une défense molle. Ils sont déjà dans la chambre, en face de la coiffeuse. D’un coup de pied, Malko a refermé la porte. Il tient Irja contre lui. Sa bouche se dérobe, mais pas son corps, appuyé contre le sien.
— Arrêtez.
De la mollesse dans la voix. Et ce ventre si près, offert. Elle est accoudée à la coiffeuse, le dos à la glace, les reins coincés contre le bord.
La main gauche de Malko lâche la hanche, effleure la courbe douce d’un sein, continue vers le ventre.
— Malko !
Elle se souvient de son nom. La tension dans son ventre est si forte qu’il a envie de crier. Quand même pas la prendre debout. Il sent qu’elle ne le giflera pas, qu’elle n’appellera pas. Il l’entraîne, ils tombent en travers des lits jumeaux, elle sur le dos, lui à côté. De nouveau, il caresse sa poitrine. Ses doigts glissent jusqu’au creux du ventre. Elle le repousse par les épaules, ne sursaute pas.
— Non, je ne veux pas.
La voix est calme, sans la moindre trace de panique.
Il enfouit son visage dans la chair tiède de l’épaule, continue à la caresser. Lentement, moulant la forme des seins de ses doigts, agaçant les pointes. Irja ne bouge plus, comme un animal effrayé, mais son souffle est aussi régulier que si elle dormait. Malko sent son ventre qui lui fait mal, mais n’ose pas se découvrir, ne pas rompre ce charme fragile. Pourtant, comme il a envie de la prendre. Doucement, il fait glisser une bretelle de la robe, dégage le sein gauche, pose doucement ses lèvres dessus. Il lui a semblé percevoir un frémissement dans le ventre de la jeune femme. Il la fait aussitôt basculer sur le côté, se colle à elle, afin de ne lui laisser aucune illusion sur son état.
Elle frémit doucement, ne dit rien, ne l’attire pas contre elle. Son bras droit est coincé sous elle, le gauche repose mollement sur Malko.
Passive et consentante à la fois. Il n’y a dans la chambre que le bruit de leur respiration. Malko s’enhardit, repousse le tissu, la caresse avec une retenue qui manque le faire hurler. Il voudrait la pénétrer tout de suite. À la hussarde. S’enfoncer en elle. Sans s’en rendre compte, il gémit de désir, son sexe incrusté contre le jersey de soie.
Ils ne se sont pas encore embrassés.
Il remonte un peu, cherche sa bouche. Elle ne bouge pas, ne vient pas à sa rencontre, mais quand leurs lèvres se rejoignent, les siennes s’écartent et sa langue s’enroule docilement autour de la sienne. Il manque jouir, tellement c’est bon. Il l’embrasse à perdre le souffle.
Comme un collégien. Maintenant, Irja lui rend son baiser, le bras posé sur lui s’est noué autour de son cou, mais son corps continue à ne pas réagir… Malko n’en peut plus. Il revient à la poitrine, fait glisser la seconde épaulette, découvre l’autre sein.
Puis reprend la bouche qui s’offre de nouveau docilement. Sans qu’un mot ne soit prononcé. Il commence à retrouver le contrôle de lui-même. Sentant que la Finlandaise ne lui résistera pas. Pourtant il a l’impression qu’il s’en faudrait d’un rien pour qu’elle le repousse. Il réalise soudain que c’est la même femme qui hurlait de plaisir avec un autre homme la nuit précédente. Où est passée sa fougue ?
Il revient à la bouche et laisse errer sa main sur son ventre. Elle porte un léger slip sous le jersey de soie. D’abord, il lui masse le Mont de Vénus par-dessus le tissu. Sans obtenir la moindre réaction. Comme s’il avait frotté le parquet. Il laisse sa main gauche glisser plus bas. Atteindre la jambe, remonter, entraînant le tissu. Sa jambe est soyeuse, fraîchement épilée. Il atteint le genou, le caresse longuement, puis se hasarde le long de la cuisse, haletant quand même. Irja ne bouge toujours pas.
Une morte.
Malko arrive au nylon du slip, le caresse, sans rencontrer ni résistance, ni réaction. Agacé, il se crispe sur le Mont de Vénus descend plus bas encore, sent la chaleur du sexe. Doucement, il commence à le masser, du bout des doigts.
Enfin, la respiration de la jeune femme se modifie. Légèrement. Le bras se resserre autour de la nuque de Malko, l’attirant, l’étouffant presque. Il continue, plus excité que jamais, n’osant pas encore la prendre. C’est déjà un miracle qu’Irja ait réagi de cette façon à sa brutale attaque. Maintenant, son « massage » est de plus en plus appuyé. Ses doigts s’enfoncent dans le nylon. La jeune femme, toujours sur le dos, se laisse faire, la longue robe relevée sur ses cuisses bronzées et musclées.
Cela peut durer longtemps. Il l’embrasse de nouveau, caressant les seins au passage.
Juste au moment où ses doigts se glissent entre le nylon et la peau. Effleurant la toison rêche et descendant plus bas. Lorsqu’il sent à quel point elle est ouverte, prête à l’accueillir, il manque exploser. Sans plus se gêner, il va et vient le long de son sexe, la violant de ses doigts. Elle continue à l’embrasser mécaniquement, mais son bassin ondule, très lentement contre lui, suivant le rythme de ses doigts.
À bout de désir, il veut faire glisser la bande de dentelle, mais il sent une résistance. Elle ne veut pas de déshabillage.
Cessant de la caresser quelques instants, il se libère rapidement, se colle aussitôt contre elle. Elle ne frémit même pas en le sentant brûlant contre sa cuisse. Il recommence à la caresser, mais n’en peut plus. D’un coup de reins, il bascule sur elle. Du même mouvement, il écarte l’élastique du slip et s’engouffre en elle d’un seul coup de reins, d’une seule poussée rectiligne qui lui arrache un soupir de soulagement. Elle est si prête qu’il n’a aucun mal à la pénétrer, en dépit de la position inconfortable. Mais aussi étonnant que cela paraisse, elle ne réagit toujours pas.
Seuls ses bras se sont noués mollement dans le dos de Malko. Ce dernier se déchaîne, la prenant à grands coups de reins, égoïstement, affolé par ce consentement tacite. Si violemment que très vite, il gicle en elle et reste foudroyé. Un long moment s’écoule, tandis qu’il reprend sa respiration. Il s’écarte et aussitôt, d’un geste très naturel, Irja remonte les épaulettes de sa robe, rabaisse celle-ci sur son ventre et ses cuisses. Appuyée sur un coude, elle contempla Malko avec une expression indéfinissable.