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C’était si beau que Malko aurait pu hurler de joie. Privés de la carte, les Irakiens perdraient du temps, même avec l’aide de l’Australien.

— Terrifie ! dit-il. Tu es sûre que tout se passera bien ?

— Certaine, affirma-t-elle. Je connais Brownie. Même s’il est réveillé, je lui donnerai l’argent et il se rendormira.

Malko était déjà en train de démarrer. Ils parcoururent la route côtière en silence, puis il stoppa en face du yacht-club éteint. Tirant des livres de sa poche, il en compta 50 de plus que ce qu’il devait à l’Australien.

— Tiens, fit-il.

Elle prit les billets, les gardant serrés dans sa main.

— Comment vas-tu revenir ? demanda Malko. Si tu mets le moteur du youyou, il va t’entendre.

— Je reviendrai à la rame, dit Rhonda. Et je vais y aller de la même façon. Attends-moi là.

Elle se pencha sur lui et l’embrassa à faire tomber ses incisives. Il la regarda courir jusqu’au ponton et sauter dans le youyou. Puis, il devina plus qu’il ne vit le petit esquif s’éloigner dans l’obscurité sur l’eau sale du port. Le Koala se trouvait à cinq cents mètres environ.

Resté seul, il se détendit. Avec quand même une petite gêne. La candeur de Rhonda le gênait. Il faisait vraiment un sale métier. Une boule d’angoisse pesant sur son estomac, il commença à compter les minutes, surveillant le cadran lumineux de sa Seiko-Quartz. Rhonda allait-elle réussir ?

Chapitre X

Brownie Cassan se dressa en sursaut sur la couchette. Un bruit clair venait de le réveiller. Il écouta, agacé que Rhonda l’ait pris au mot. Il l’avait attendue au yacht-club jusqu’à onze heures. Il hésita, partagé entre la mauvaise humeur et une excitation malsaine. Lui qui n’honorait plus Rhonda que rarement, se sentait tout à coup prêt à lui faire l’amour. Il écouta, pensant qu’elle allait le rejoindre, mais la porte de la cabine ne s’ouvrit pas. Elle allait dormir sur la couchette de l’autre cabine.

Il se leva. Pieds nus, uniquement vêtu d’un slip, il se déplaçait sans aucun bruit.

Il ouvrit la porte donnant sur le carré et appela :

— Rhonda !

Il s’attendait à ce que la jeune femme lui réponde immédiatement. Au lieu de cela, il distingua, dans la pénombre, une silhouette qui s’enfuyait.

Un voleur !

Il se rua en avant, raflant, au passage un poignard qui séchait dans l’évier. Il rattrapa le fuyard à la porte du carré et parvint à lui saisir les jambes. Ils tombèrent enlacés sur le pont arrière. À la seconde même où il reconnaissait Rhonda, tenant à la main un rouleau de papier !

D’abord la stupéfaction le paralysa. Pourquoi la jeune femme avait-elle fui ?

— Qu’est-ce qui te prend ? grommela-t-il.

Ils se relevèrent ensemble et il la poussa dans le carré, puis alluma.

Rhonda lui faisait face, les yeux fous, dans une robe qu’il ne connaissait pas, une carte roulée à la main.

Il la lui arracha et la déroula. Voyant de quelle carte il s’agissait, il eut l’impression de recevoir un coup dans le ventre. Lâchant la carte, il prit la jeune femme à la gorge et la colla contre la cloison du carré.

Visage contre visage, il demanda d’une voix glaciale :

— Pourquoi tu as pris ça ?

Elle ne répondit pas, figée de terreur.

Brownie Cassan oscillait entre la rage et la peur. Ce n’était plus une histoire de fesses. C’était sa peau qui était en jeu, son bien le plus précieux. Et, au mieux, sa survie matérielle. Bill n’était pas un type à se contenter de promesses.

Il sentait les carotides de Rhonda battre sous ses doigts. Cela décupla ses instincts sadiques. Il serra un peu plus et demanda :

— C’est lui qui t’a filé cette robe. Hein ?

Comme elle ne répondait pas, il saisit le haut de la robe et tira d’un coup sec, libérant la poitrine, déchirant le tissu jusqu’à la taille.

— Salope ! Tu t’es fait sauter, hein, cracha-t-il, oubliant totalement ce qu’il avait conseillé à sa compagne, rouge brique, à demi-étranglée. Lâchant la robe, Brownie Cassan reprit son poignard et en posa la pointe sur l’estomac de Rhonda.

— Dis-moi qui t’a demandé cette carte ou je te crève, souffla-t-il.

— C’est, c’est lui, avoua Rhonda. Lâche-moi, je t’en prie.

Brownie Cassan resta silencieux, quelques secondes. Mesurant la portée de ce qui se passait. S’il avait eu le sommeil plus lourd, il se retrouvait le lendemain à la prison de Victoria sous un prétexte futile. Son bateau confisqué. À cause de cette petite garce. Lâchant sa gorge, d’un seul revers en plein visage, il l’envoya contre la cloison. Elle avait tellement peur qu’elle ne cria pas. Brownie Cassan revint à la charge, frappant au ventre, aux seins, partout où cela faisait mal, achevant d’arracher la robe, les lèvres serrées, les yeux fous. Il termina par un coup de pied dans le bas-ventre qui arracha un couinement horrible à Rhonda. Celle-ci resta recroquevillée sur le plancher du carré, entre le divan et la table basse. L’Australien se pencha sur elle, la prit par les cheveux et la traîna jusqu’à la cabine avant, où il l’allongea sur le dos. S’agenouillant sur elle, il appuya le poignard contre sa gorge. Il lui dit d’une voix vibrante de haine :

— Je t’interdis de bouger ou d’appeler, sinon, je t’égorge… Et si tu essaies de t’enfuir, c’est le même truc.

Il se releva et lui envoya encore un coup de pied. Après avoir claqué la porte, il alla fumer une cigarette sur le pont arrière pour se calmer. Il faudrait qu’il se débarrasse de Rhonda. Il la remplacerait par une Seychelloise. Mais pour l’instant, il avait besoin d’elle pour manœuvrer le cabin-cruiser. Il regarda dans la direction du yacht-club. L’autre devait attendre. Il enferma soigneusement la carte volée dans le secrétaire, prit la clef et la mit dans la poche de son maillot, fermée par un zip. Puis, il prit dans le bar la bouteille de cognac Gaston de Lagrange, s’en servit un plein verre et en vida le tiers d’un coup. Immédiatement la chaleur du cognac chassa son angoisse. Il resta là, vidant lentement son verre réchauffé dans ses doigts. Jusqu’à ce qu’il n’en reste pas une goutte.

Alors seulement, il s’étendit sur sa couchette, après avoir fermé à clef la porte de la cabine.

* * *

Malko consulta sa montre : une heure et demie depuis que Rhonda était partie sur le Koala. Plus aucune chance qu’elle revienne. Il n’avait rien entendu et se maudissait d’avoir ainsi envoyé la jeune femme au massacre. Machinalement, il mit en marche la Cooper et s’éloigna du yacht-club.

Bouleversé et fou de rage.

En roulant sur Badamier Avenue, il essaya d’apercevoir, en vain, le cabin-cruiser. Qu’était-il advenu à Rhonda ? Avait-elle changé d’avis ou s’était-il passé un drame ? Maintenant, il ne possédait plus aucun moyen direct d’accéder à la carte. À part prendre le Koala d’assaut, ce qui posait certains problèmes techniques… Il traversa Victoria en trombe et s’engagea dans la montée menant à la route de Beauvallon. Le lendemain, Rachid et ses hommes commenceraient leurs recherches. Avec la carte. Il se gara dans le parking désert du Fisherman’s Cove et gagna son bungalow.

Cette fois, personne ne l’attendait… Il tourna en rond, ouvrit la porte-fenêtre donnant sur le jardin, sortit se détendre. Tout l’hôtel semblait dormir. À sa déconvenue professionnelle se mêlait la frustration sexuelle. Encore pire qu’avec la Finlandaise la veille…