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Il chercha à chasser dans son esprit ce qui venait de se passer pour se concentrer sur son problème immédiat : empêcher les Irakiens de trouver le Laconia B. Le seul qui pouvait l’aider efficacement était le Derviche. Mais où aller chercher l’agent israélien ? Il devait attendre que ce dernier le contacte. Cela pouvait être trop tard… Découragé, il se préparait à regagner son bungalow lorsque son regard tomba sur la porte-fenêtre de sa voisine. Ce qui lui donna une idée.

Pourquoi ne pas lui rendre visite ? Au pire, elle l’enverrait promener. Au mieux, il calmerait au moins sa frustration sexuelle… Ce qui ne pourrait qu’activer sa réflexion.

Se dressant sur la pointe des pieds, il poussa le vasistas semblable au sien, envoya la main, trouva le verrou, le dégagea. Il ne restait plus qu’à pousser la porte-fenêtre. Doucement, il la fit coulisser. N’ouvrant que de cinquante centimètres, il se glissa à l’intérieur de profil, écartant doucement le rideau.

Le choc le prit tellement par surprise qu’il tomba. L’assaut brutal d’un fauve. Un bras musclé comme celui d’un catcheur s’enroula autour de son cou et serra, tandis qu’un autre appuyait sur sa nuque. Il sentit ses vertèbres craquer. En un éclair, il réalisa qu’il se trouvait à une fraction de seconde de la mort par rupture des vertèbres cervicales. Sa dernière pensée cohérente fut de reconnaître un parfum sur le bras qui l’étranglait : Cabochard. Dans un effort surhumain, il libéra partiellement ses cordes vocales et cria :

— Irja ! c’est moi, Malko.

Aussitôt, le bras qui l’enserrait relâcha son étreinte. Il resta quelques secondes à reprendre son souffle, des lueurs rouges devant les yeux. Une lumière jaillit. Irja, uniquement vêtue d’un slip de nylon blanc, décoiffée, les prunelles assombries, le fixait avec un mélange de curiosité et de colère.

Son regard ne s’éclaira pas lorsque Malko se releva, essayant de sourire.

— Vous avez cru que je voulais vous violer ?

La Finlandaise lui jeta un regard noir.

— J’ai entendu du bruit. Je suis judoka, c’est tout. J’ai cru que c’était un voleur…

— Cela aurait fait un voleur mort, remarqua Malko.

— Que faites-vous dans ma chambre à cette heure-ci ?

Malko tenta d’oublier la douleur cuisante de sa gorge pour sourire :

— Devinez… Maintenant que vous m’avez à demi-étranglé, il faudrait vous faire pardonner…

Il s’avança, enlaça Irja. Celle-ci se dégagea doucement.

— Pas maintenant, dit-elle. Vous m’avez fait trop peur. Si vous voulez, dormez dans le lit jumeau… Je serai peut-être de meilleure humeur, demain matin.

Elle se laissa tomber sur le second lit sans ôter son slip et éteignit. Après avoir refermé la porte-fenêtre. Malko se glissa sous les draps. La soirée avait décidément été fertile en émotions… Son cou lui faisait encore mal. Il s’endormit sans même s’en rendre compte, espérant se réveiller assez tôt pour rendre hommage à la Finlandaise avant de reprendre le cours de sa mission.

* * *

C’est une sensation de tiédeur qui réveilla Malko. Il mit plusieurs secondes à réaliser qu’un souffle d’air chaud s’engouffrait par la porte-fenêtre entrouverte…

Il se dressa, la respiration bloquée, tendit l’oreille. Quelque chose le frappa aussitôt. La respiration de Irja, sur le lit voisin, était trop régulière pour une personne endormie. Contrôlée. Elle ne dormait pas non plus… Il y eut un léger grincement. La personne qui avait ouvert la porte-fenêtre agrandissait l’ouverture. Les réflexes professionnels de Malko revinrent instantanément.

Doucement, il glissa au bas du lit et s’en éloigna. Accroupi dans l’ombre. Il hésitait à prévenir la Finlandaise. Son appel risquait de déclencher une catastrophe.

Deux ombres franchirent coup sur coup la raie plus claire de la porte-fenêtre. Son estomac se serra. Il se redressa lentement le long du mur, prêt à bondir. Ensuite tout se passa très vite. Une silhouette passa devant lui, se dirigeant vers son propre lit. Une autre s’approcha du second lit, hors de sa portée.

Malko bondit sur le dos du premier intrus au moment où il frappait le lit, criant :

— Irja ! Attention.

Il sentit l’odeur âcre d’un homme en sueur, étreignit un torse musclé et entendit le choc sourd de deux corps, à quelques mètres, un cri étranglé. Pas la voix de Irja. Ensuite, le bruit d’une lutte confuse. L’homme sur qui il s’était jeté se débattait furieusement. Malko sentit une brûlure au bras et lâcha prise, reculant brusquement. Heureusement, l’interrupteur était à la même place que dans son bungalow et il le trouva du premier coup.

La lumière inonda la chambre. Il se trouva nez à nez avec un Noir trapu au nez épaté, une machette à la main. Le drap déchiré disait avec quelle force, il avait frappé. Il était nu, à part un short. La lame horizontale, il s’apprêtait à frapper. Malko saisit une des lourdes fausses lampes à huile posées sur les tables de nuit et la jeta à toute volée sur le poignet de son agresseur. Avec un cri de douleur, celui-ci lâcha sa machette.

Mais aussitôt, le second, abandonnant Irja tombée à terre, se rua sur Malko, la machette haute. Cette fois il n’avait rien pour se défendre.

Du coin de l’œil, Malko vit Irja se relever avec la détente d’un cobra et plonger, les mains en avant, sur l’agresseur de Malko. Les doigts se refermèrent sur le cou de taureau. Ses longues mains fines semblaient dérisoires. D’un seul revers, le tueur allait éventrer la Finlandaise, avant de frapper Malko. D’ailleurs l’homme avança encore, sans se soucier des mains nouées autour de la gorge.

Soudain, Malko vit avec stupéfaction les ongles rouges s’enfoncer dans la gorge du Noir comme les griffes d’un fauve. Surpris, le tueur recula, les yeux exorbités. Un jet de sang jaillit de sa gorge, déchirée par les ongles de la Finlandaise. Il laissa à son tour tomber sa machette pour essayer d’arracher les griffes qui déchiraient sa gorge.

Aussitôt, celui qui venait d’être désarmé par Malko se rua au secours de son camarade, frappant Irja à la nuque avec une violence inouïe. La jeune femme tituba, lâcha prise et s’effondra en travers du lit.

Malko chercha une arme des yeux. Mais les deux hommes ne pensaient qu’à fuir. Le valide aida celui qui perdait son sang et ils filèrent vers la porte-fenêtre. Malko se souciait assez peu de les poursuivre. À quoi bon, ce n’étaient que des hommes de main…

Le cerveau, c’était Rachid Mounir. Malko se maudissait d’avoir mêlé la photographe à ce massacre. Il referma la porte-fenêtre, la verrouilla et revint vers Irja. La Finlandaise gémit, entrouvrit les yeux, à demi KO. Soudain, un détail attira le regard de Malko. Le vernis de ses ongles s’était écaillé sous le choc. Surtout celui de l’index droit. Sous le rouge, apparaissait une surface mate, argentée et non le rose d’un ongle.

Il crut d’abord qu’il s’agissait d’une couche de vernis supplémentaire. Il prit la main, l’examina, gratta un peu, fit sauter une écaille de vernis. Ce qu’il découvrit le stupéfia. Une fine lamelle d’acier collée sur l’ongle le recouvrait en entier dépassant de presque un centimètre. L’extrémité en était coupante comme un rasoir. Sur ce faux-ongle, il suffisait de passer une couche de vernis rouge pour que l’illusion soit parfaite. Malko examina rapidement les autres. Tous identiques. Les merveilleuses mains de la Finlandaise n’étaient que des armes mortelles, capables d’égorger un être humain. Du travail admirablement fait. Malko ne s’en était même pas rendu compte en faisant l’amour avec elle. Il est vrai qu’elle n’y avait pas beaucoup mis de passion…