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Rachid Mounir ne cilla pas.

— Oui.

Il cria quelque chose en arabe, le moteur de l’ambulance gronda, elle s’éloigna en marche arrière, laissant les deux civières au milieu de la cocoteraie. L’Arabe revint en courant.

— On leur a fait une piqûre, dit Rachid Mounir d’une voix égale, 3 cc de Valium. Allons-y.

Malko mourait d’envie de s’approcher des deux femmes, mais il sentait l’Irakien extrêmement nerveux. Zvi et le Derviche s’en occuperaient.

Brownie Cassan entra le premier dans le youyou et les quatre autres s’y entassèrent tant bien que mal. L’Australien tira la ficelle du démarreur. Ils étaient partis. Pas un mot. Juste le teuf-teuf du petit moteur. Malko aperçut le Derviche et Zvi qui se dirigeaient vers les deux civières.

Il avait hâte d’être au soir.

* * *

Le soleil disparaissait derrière la pointe sud de Mahé. Malko n’en pouvait plus du silence tendu qui régnait à bord. Il n’avait pas échangé plus de dix mots avec l’Irakien, ni pendant la traversée, ni durant les recherches. Il leur fallut tourner deux heures avant de retrouver la bouée mouillée par Rhonda. Puis Brownie Cassan avait plongé pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas d’un leurre…

Malko n’avait pas quitté le flying-deck pendant les dix heures du voyage. Surveillé en permanence par les deux gardes du corps de Mounir Rachid. L’Irakien n’avait même pas exprimé de joie en voyant la bouée. Ce qui avait étonné Malko. Comme si quelque chose le tracassait. Malko se demanda s’il avait éventé son plan, mais c’était impossible… Plus on s’approchait de Mahé, plus l’Irakien semblait nerveux. Au contraire de Brownie Cassan. Soudain, Rachid Mounir se tourna vers l’Australien.

— Stoppez, dit-il.

Comme Brownie Cassan le regardait surpris, l’Irakien abaissa lui-même les manettes des diesels. Le Koala courut sur son erre. Ils se trouvaient encore à 500 mètres du rivage.

— Mettez le dinghy à l’eau, ordonna l’Irakien. Je vous quitte ici. Nous nous retrouverons tout à l’heure.

Cassan se leva et descendit l’échelle. Aidé d’un des gardes du corps, il détacha le youyou attaché sur le pont avant, fixa le moteur et le mit à l’eau. Aussitôt, Mounir sauta dedans suivi des deux gardes du corps.

Le petit moteur toussa et l’esquif prit la direction du Coral Sands. Brownie regarda Malko, pas rassuré.

— On va au Fisherman’s ?

— Oui, dit Malko.

Décidément, Rachid Mounir était un homme prudent. Il regarda la plage s’approcher. Personne en vue. Des pêcheurs triaient des poissons près des rochers noirs.

Brownie Cassan coupa les moteurs et fila jeter l’ancre. Ils se trouvaient à moins de cinquante mètres du rivage, l’avant vers la plage. Malko observait machinalement l’Australien lutter avec la chaîne. Cassan prit la lourde ancre à bras-le-corps et la jeta dans l’eau.

Au même instant, il y eut comme un coup de tonnerre lointain. Assourdi par la distance. L’Australien fit un saut en arrière, comme frappé par un poing invisible et resta étendu sur le dos, sa tête dépassant du bastingage. Malko dégringolait déjà l’échelle. Il réprima une nausée en voyant Cassan de près. Toute la partie frontale gauche de sa tête n’était plus qu’un magma de sang et d’os, où on ne voyait même plus l’œil. La balle avait dû le frapper en pleine tempe lorsqu’il se redressait. Son visage était encore agité de quelques mouvements réflexes, mais son œil valide était vitreux.

Malko regarda la cocoteraie, mais n’aperçut rien. Les pêcheurs continuaient à trier leurs poissons. Il y eut soudain une vague plus forte, le Koala roula et Brownie Cassan glissa par-dessus le bastingage et disparut dans la mer avec un « ouf » sourd. Il ne restait qu’une grosse tache de sang, là où il était tombé.

Automatiquement, Malko fit un nœud au cordage d’ancre, ôta sa chemise et se laissa tomber dans l’eau. Entraîné par le courant, Brownie Cassan avait déjà disparu.

Malko nagea vers le rivage, l’estomac serré. Que s’était-il passé en son absence ?

* * *

— Je vous avais dit de ne pas traiter, fit amèrement le Derviche.

Malko ne répondit pas. La vision des deux femmes était insoutenable. Zamir surtout. Abrutie de calmants, l’Israélienne ne se plaignait pas. Les pansements cachaient son horrible blessure. Mais le Derviche l’avait longuement décrite à Malko, avec un luxe de détails volontaire. Même avec un œil artificiel, il n’était pas certain qu’elle surmonte les lésions psychiques. Quant à son visage…

Rhonda dormait aussi. Dans le lit voisin. Pour elle c’était plus simple. Nettoyée, la brûlure de son dos avait été recouverte d’une gaze et d’un onguent.

Zvi veillait à leur chevet. Sans sa pipe. Le Derviche avait ensuite entraîné Malko dans sa chambre. Celui-ci n’avait pas encore absorbé le choc.

— C’est atroce, dit-il, mais ils les auraient tuées.

— Peut-être, dit le Derviche, mais pour Zamir cela n’aurait pas été pire…

— Qu’allez-vous faire pour elle ?

— Elle part ce soir sur l’avion d’Air France, dit l’Israélien. Avec un infirmier. Elle sera demain matin à Paris. De là, elle repartira pour Tel-Aviv. Pour l’autre, il paraît qu’on peut la soigner ici. Sa blessure n’est pas trop grave. C’est surtout un traumatisme psychique…

Malko était atterré. Voilà pourquoi Rachid Mounir avait pris la précaution de descendre avant… Comme si le Derviche avait deviné sa pensée, il dit à voix basse :

— Cassan a payé et Mounir payera. Mais, avant, il faut récupérer cette cargaison.

— Le « 747 » d’Air France arrive demain matin, dit Malko. Il ne faut pas plus d’une demi-heure pour le décharger. Ensuite, nous monterons le ponton.

Le Derviche se leva.

— J’ai prévenu Tel-Aviv, dit-il. Un navire est parti hier soir de Eilat. Il arrivera ici dans quarante-huit heures environ. Je souhaite que tout se passe bien.

Il referma doucement la porte derrière lui. Le sens de ses paroles était plus clair que n’importe quelle menace.

Malko pénétra dans sa chambre. Une énorme enveloppe de kraft marron était posée sur la coiffeuse. Les plans du Laconia B arrivés par le « 747 » d’Air France.

Malko défit fiévreusement l’enveloppe. Il allait enfin savoir si son plan était réalisable. Ou s’il était le prochain candidat à la précision mortelle de Zvi le Taciturne.

Chapitre XIX

La gueule béante du « 747 » cargo « super-pélican » ressemblait à celle d’un requin. Fasciné, Malko regardait l’énorme ponton métallique sortir lentement des entrailles de l’appareil, glissant sans secousses sur les rails courant tout le long de l’intérieur de la carlingue. À côté de lui, le Derviche, des cernes bistres sous les yeux fixait lui aussi les poutrelles d’acier émergeant dans le soleil. Il était resté à l’aéroport jusqu’à une heure du matin, tant que l’autre « 747 », le vol régulier d’Air France pour Paris n’avait pas décollé, emmenant Zamir sur une civière.

Un des représentants d’Air France s’approcha de Malko, ravi.

— Hein, ça a de la gueule ! On peut charger 90 tonnes là-dedans. Avec toutes les espèces possibles de containers. 600 m3. Si vous avez des trucs périssables, c’est l’idéal. Pas tout à fait un dollar le kilo pour 5 000 kilomètres. Pas de gros emballage. Il brandit la feuille de chargement et reprit :

— Tenez, il y a trois compresseurs dans votre chargement. Eh bien, on les a même pas démonté. Ils sont prêts à marcher. Normalement, on charge et on décharge en 45 minutes au maximum. Avec ce truc-là, ça va prendre un peu plus longtemps… Dans le pont inférieur, nous avons tout le reste de votre matériel : cinq palettes et quatorze containers.