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— Plus, elle mourrait, dit une troisième voix.

La purée de sang vira au noir.

La musique revint, cors et piano. Musique de danse.

CASE : : : : :

: : : : : : : DÉ

CROCHE : : :

L’image rémanente des mots clignotés dansait encore sur les yeux et le front plissé de Maelcum lorsque Case retira ses trodes.

— T’as crié, man, t’t à l’heure.

— Molly, fit-il, la gorge sèche, elle a été blessée. (Il tira une bouteille de plastique souple blanc du bord du filet anti-g et s’aspira une goulée d’eau douce.) J’aime pas du tout la tournure que prend toute cette embrouille.

Le petit moniteur Cray s’alluma : le Finnois, sur un fond de débris tordus, perforés.

— Moi non plus. On a un problème.

Maelcum se hissa par-dessus la tête de Case, pivota et lui regarda par-dessus l’épaule.

— Allons bon, c’est qui encore ce man, Case ?

— Ce n’est qu’une image, Maelcum, dit Case d’une voix lasse. Un type que je connais, dans la Conurb. Mais c’est Muetdhiver qui parle. L’image est censée nous éviter le dépaysement.

— Conneries, dit le Finnois. Comme j’ai déjà dit à Molly, ce ne sont pas des masques. J’en ai besoin pour vous parler. Car je ne possède pas ce que vous pourriez considérer comme une personnalité, enfin si peu. Mais tout ça, Case, c’est pisser dans un violon, vu que, comme je viens de le dire, on a un problème.

— Eh bien, exprime-toi, le Muet, l’enjoignit Maelcum.

— Y a la jambe de Molly qui nous lâche, pour commencer. Peut plus marcher. D’après le plan initial, elle était censée entrer, écarter Peter du passage, tirer de 3Jane le mot magique, monter à la tête et le prononcer. À présent, elle a tout foutu par terre. Alors, vous deux, je veux que vous entriez la récupérer.

Case fixa le visage sur l’écran :

— Nous ?

— Qui d’autre, à ton avis ?

— Aérol, dit Case, le gars sur le Babylon Rocker, le pote à Maelcum.

— Non. Faut que ce soit vous. Quelqu’un qui comprenne Molly, qui comprenne Riviera. Et Maelcum pour le muscle.

— T’oublies peut-être que je suis au milieu d’une petite passe, là. Tu te souviens ? La raison pour laquelle tu m’as trimbalé ici…

— Case, écoute voir. Question temps, ça devient juste, très juste. Alors, écoute. La véritable liaison entre ta console et Lumierrante s’opère par une transmission en bande latérale par l’intermédiaire du système de navigation du Garvey. Tu vas conduire le Garvey dans un appontement très privé que je vais t’indiquer. Le virus chinois a totalement pénétré la trame Hosaka. Il n’y a plus rien d’autre que le virus dans le Hosaka désormais. Quand tu aborderas, le virus sera interfacé avec le système de surveillance de Lumierrante et nous interromprons l’émission en bande latérale. Tu prendras ta console, le Trait-plat et Maelcum. Ensuite, vous me retrouvez 3Jane, lui extorquez le mot, tuez Riviera et récupérez la clé de Molly. Tu pourras à tout moment revoir le programme en branchant ta console sur le réseau de Lumierrante. Je le piloterai pour toi. Il y a une fiche standard à la base de la tête, derrière un panneau orné de cinq zircons.

— Tuer Riviera ?

— Tuez-le.

Case cligna des yeux à la représentation du Finnois. Il sentit Maelcum lui poser la main sur l’épaule.

— Eh, t’as oublié un détail. (Il sentait monter sa rage, comme une espèce d’allégresse.) T’as foutu la merde. T’as pété les commandes des grappins quand t’as fait sauter Armitage. Le Haniwa nous tient bel et bien arrimés. Armitage a cramé le second Hosaka et les unités centrales sont parties avec la passerelle, d’ac ?

Le Finnois opina.

— Alors, on est coincés ici. Et ça signifie que t’es baisé, mec.

Il avait envie de rigoler mais le rire s’étrangla dans sa gorge.

— Eh, Case, man, remarqua doucement Maelcum, l’Garvey est un remorqueur.

— C’est exact, dit le Finnois, et il sourit.

— T’t’es bien marré dans le grand monde, là dehors ? demanda le construct, dès que Case se fut rebranché. J’parierais qu’c’est le Muetdhiver qui réclamait le plaisir de…

— Ben ouais. T’as gagné. À part ça, le Kuang tourne bien ?

— Au poil. Le vrai tueur, ce virus.

— Impec. On a quelques bricoles mais on bosse dessus.

— Peut-être que si tu me mettais au courant ?

— Pas le temps…

— Bon d’accord, laisse tomber, après tout, j’suis jamais qu’un macchab, hein.

— Fais pas chier, dit Case et il décrocha, coupant le Trait-plat au milieu de son rire à vous faire crisser les ongles.

— Elle rêvait d’un état impliquant un minimum de conscience individuelle, était en train d’expliquer 3Jane. (Elle tenait dans sa main en coupe un grand camée, qu’elle tendit vers Molly. Le profil gravé ressemblait beaucoup au sien.) Le pur plaisir animal. Je crois qu’elle voyait l’évolution du cerveau antérieur comme une sorte de déviation. (Elle reprit la broche pour l’étudier de plus près, l’inclinant pour la faire jouer avec la lumière sous différents angles.) Il n’y aurait que dans certains états de tension qu’un individu – un membre du clan – devrait endurer les aspects les plus douloureux de la conscience de soi…

Molly hocha la tête. Case se rappela l’injection. Que lui avaient-ils donc donné ? La douleur était toujours là mais elle ne passait plus que comme un nœud serré d’impressions embrouillées : vers de néon qui se tortillaient dans sa cuisse, contact de la toile, une odeur de krill en train de frire – l’esprit de Case se rétracta. S’il évitait de se polariser dessus, les impressions se chevauchaient, devenaient l’équivalent sensoriel du bruit blanc. Si l’injection était capable d’engendrer cet effet sur le système nerveux de Molly, quel pouvait être présentement son état d’esprit ?

Sa vision était anormalement claire et nette, plus aiguë même que d’habitude. Les choses semblaient vibrer, objets et personnes accordés chacun sur une fréquence légèrement différente. Ses mains, toujours bloquées dans la balle noire, reposaient sur son ventre. Elle était assise dans une des chaises longues de la piscine, sa jambe brisée reposant tendue devant elle sur un coussin en cuir de chameau. 3Jane était assise en face, sur un autre coussin, engoncée dans une djellaba trop grande en laine écrue. Elle avait l’air très jeune.

— Jusqu’où serait-il allé ? demanda Molly. Pour avoir sa piquouze ?

3Jane haussa les épaules sous les plis de la lourde tunique pâle et rejeta de ses yeux une mèche de cheveux sombres.

— Il m’a dit à quel moment vous laisser entrer, dit-elle, mais sans m’indiquer pourquoi. Tout devait demeurer un mystère. Nous auriez-vous fait du mal ?

Case sentit Molly hésiter.

— Je l’aurais tué. J’aurais essayé de tuer le ninja. Ensuite, j’étais censée parler avec vous.

— Pourquoi ? demanda 3Jane, remettant le camée dans une des poches intérieures de sa djellaba. Pourquoi, oui ? Et de quoi ?

Molly parut étudier les pommettes hautes et délicates, la bouche large, le nez fin, aquilin. 3Jane avait les yeux noirs, curieusement opaques.