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Si je m’écoutais, je choperais son encrier de cristal et le lui renverserais sur la bouille à ce croquant de mes deux ou trois.

— D’ac, réponds-je. Sosie remplace Bok résidence Sassédutrou. Stop. Bok emmené appartement souterrain de vieux maboul de peintre. Stop. Ledit peintre : ancien bagnard richissime fait partie de la bande. Stop. Un certain Marcellin, appartenant également à la bande, tente circonvenir ex-empereur. Stop. Mais Bok intraitable. Stop.

« Bande se tourne alors vers Stromberg, crapule internationale. Stop. Ce dernier, amant d’Arabella Stone qui lui sert d’assistante. Stop. Les amants maudits ayant antennes tous milieux trouvent solution. Stop. Russes possèdent entre autres gadgets un petit appareil nommé neutraliseur. Stop. Celui-là même posé sur votre bureau. Stop. Ledit annihile toute volonté chez un individu et le met à merci. Stop. Stromberg était décidé à réduire la volonté de Bok à son seul profit. Stop. »

Je reprends souffle. Le Vieux opine.

— Eh bien voilà. On suit, San-Antonio, mon vieux lapin. On suit lorsque vous parlez clairement, que dis-je, on suit ! On précède. Votre Stromberg et sa dulcinée ont fauché l’un des appareils aux Soviétiques, à Paris, je gage ? Oui ! Je le savais ! Je sais toujours tout. Mais les Russes en constatant le vol n’ont pas tardé à réagir et se sont lancés sur la piste des voleurs. Ils ont failli avoir Stromberg à Victoria Station, l’ont raté, se sont alors rabattus sur sa donzelle qu’ils ont arrêtée. N’est-ce pas ? Ha ! Ha ! Vous voyez bien que je sais tout, mon pauvre petit. Faire parler la fille n’a été qu’une formalité, car ils disposent d’autres appareils, hein ? Ben voyons, San-Antonio, ben voyons ! Vous auriez pu trouver cela tout seul ! Par moments, ma parole, vous manquez de jugeote ! Pendant ce temps, Stromberg est parti pour l’Afrique, bien que les Soviétiques et vous-même soyez sur sa trace. Vous m’écoutez, San-Antonio ? Il m’écoute, vous croyez, mademoiselle Samantha ? Je n’ai pas l’impression. L’on dirait qu’il baye aux corneilles. Un peu d’attention, que diantre, mon garçon. Vous croyez que je n’ai que cela à faire : vous tenir au courant ? Mademoiselle Samantha, j’espère que vous me ferez le grand plaisir de dîner avec moi ce soir ? Quoi ? Vous êtes prise ? Quel dommage ! Demain alors ? Non ! Vous rentrez déjà à Londres ! Seigneur, vous me navrez de la tête aux pieds. Qu’étais-je en train de raconter à ce grand benêt d’Antonio ?

« Vraiment, mademoiselle Samantha, vous ne pouvez pas… Non ? Ne me dites pas que je ne suis pas votre genre ! Oh ! la vilaine petite moue ! Savez-vous que les hommes d’âge jouissent (si je puis employer ce mot) d’une expérience qui… Bon, enfin… Mais je n’ai pas dit mon dernier mot, ma chère ravissante, attendez-vous à un assaut en règle. À un siège ! La Rochelle ! Où en étais-je de mes explications, San-Antonio ? »

— Vous disiez que Stromberg est parti pour l’Afrique…

— Ah ! voilà ! Ah ! mais oui ! L’Afrique… Les autres de la bande, se méfiant de lui, ne lui ont pas dit que Bok avait été déplacé en secret. Ce qui les intéressait, c’était uniquement l’appareil. Le tueur leur flanquait plutôt la frousse, vous pensez ! Et l’autre copain s’ingénie à se rendre à Sassédutrou. Là, il contacte le cousin de l’ex-empereur et découvre la supercherie. Avec ou sans l’appareil, il lui fait dire où est Bok. Ensuite…

Il fait avec la bouche ce bruit si réjouissant que Bérurier réussit avec l’anus. Je m’hâte d’enchaîner.

— Ensuite Gagnoa. Stop. Stromberg débarque chez Gauguin-Dessort. Nous après lui. Stop. Le peintre en faction sur la place, surveillant de ce point névralgique les arrivées intempestives. Stop. Les Russes rappliquent avec retard ayant enquêté comme je l’ai fait et suivi mon itinéraire. Stop. Ont amené la fille pour appâter Stromberg qu’ils veulent retrouver coûte que coûte. Stop.

Et je lui narre ce que tu sais déjà alors, dis, on va pas se prendre les pinceaux dans les trous du tapis à récapituler cette chierie, non ? Je lui explique qu’on a fait au mieux : livré Gauguin et Marcellin à la police après avoir ramené Bok à Sassédutrou, pour que tout soit bien qui finisse bien. Qu’on lui foute un peu la paix à ce gastronome qui a tant aimé les hommes (surtout lorsqu’ils étaient tendres).

— Et ces fichus diamants, San-Antonio ?

— L’Impérissable Suisse veille sur eux.

— Vous auriez tout de même pu…

— J’aurais pu quoi, monsieur le directeur ?

— Non, rien. C’est bien. C’est normal… Dites-moi, quel est cet immense Noir qui vous attend sur une banquette de l’antichambre ?

— M. Gracieux, un aimable mercenaire ivoirien que Lady Meckouihl a engagé comme factotum.

Pinaud se lève, verdâtre :

— Monsieur le directeur, si vous vouliez bien me permettre de me retirer, je… J’ai commis la sottise de manger du foie gras dans l’avion et je… Oh ! Oh !

Un affreux bruit retentit et Pinuche gagne la porte en marchant comme une pince à linge.

— Bon, eh bien j’espère que vous avez tout bien compris, San-Antonio, que mes explications étaient suffisamment détaillées. Pour m’en convaincre, vous serez gentil de m’écrire tout cela noir sur blanc, ainsi pourrai-je me rendre compte…

Je me lève.

— Comptez sur moi, monsieur le directeur.

La chère lady m’imite, ainsi que Béru et Samantha.

Le Vieux se précipite, brandissant le révélateur.

— Mademoiselle, puisque vous ne pouvez, ou ne voulez pas, accepter mes invitations, vous ne refuserez pas de rester un instant encore dans mon bureau, j’aimerais étudier avec vous le maniement de ce gadget. Si, si, vous avez bien le droit de voir satisfaire une légitime curiosité. D’accord ? Parfait, parfait ! Ce sera l’affaire d’une demi-heure à peine. Huissier ! Raccompagnez Lady Meckouihl jusqu’à son carrosse. Débranchez mon téléphone. Dites que l’on ne me dérange sous aucun prétexte : je vais procéder à une expérience scientifique.

FIN