Выбрать главу

Il fit décrire un mouvement circulaire à son arme pour bien appuyer ses paroles, puis se recula légèrement, entrouvrant la porte qui menait à la classe touriste. Lance aperçut une autre silhouette debout dans le couloir. Un autre Cubain, qui tenait en respect les passagers touristes. Ceux-ci se gardaient bien de faire un mouvement. Il y a peu de héros dans les voyages organisés.

La porte du cockpit s’ouvrit brutalement. Le second pilote fut poussé en avant. Une large tache de sang s’élargissait sur le devant de sa chemise. Il titubait, le visage livide. Un homme le tenait par le bras. Petit, râblé, le visage marqué de petite vérole et un énorme revolver à la main. L’homme dit méchamment à la cantonade :

— Voilà ce qui se passe quand on nous résiste.

Celui-là parlait bien anglais.

Le second pilote vint s’effondrer sur le siège à côté de Lance. Il murmurait des mots sans suite :

— Ils sont fous… C’est un assassinat… Piraterie… Le Commandant, le Commandant… J’ai mal… Attention.

Lance lui appuya la tête contre l’accoudoir et glissa son mouchoir entre la chemise et la peau, pour étancher le sang. Il devait y avoir une trousse de pharmacie à bord. Il regarda le petit Cubain droit dans les yeux et dit :

— Cet homme est blessé. Il faut le soigner, ou il va saigner à mort.

— Bougez pas, fit l’autre. Il n’avait qu’à ne pas faire le malin. Qu’il crève !

Il regarda Lance d’un air méchant et ajouta :

— D’ailleurs, vous, vous feriez mieux de vous faire oublier. Vous êtes bien le major Lance, hein ?

Lance ne répondit pas. Comment cet homme connaissait-il son nom ? Soudain, il pensa au contenu de sa serviette. Ce n’était pas par hasard que cet avion avait été attaqué ; ce n’était pas un simple hold-up aérien. C’est à lui qu’ils en voulaient !

Il lui restait peu de temps pour agir. Une sueur froide imbiba sa chemise quand il pensa à ce qui arriverait si le contenu de sa serviette tombait entre les mains des castristes. Quels idiots, ces généraux, de l’avoir envoyé dans un avion civil, au lieu d’employer un appareil du M.A.T.[1] ! Une erreur qu’il risquait de payer de sa vie.

L’homme à la mitraillette avait disparu dans la classe touriste. Le petit, debout derrière Lance, surveillait les passagers de première, appuyé à la porte de communication. Il devait y en avoir un autre dans le poste de pilotage pour tenir en respect le pilote. L’avion continuait à voler normalement. Le major Lance colla le visage au hublot, espérant apercevoir des avions américains, trois ou quatre bons chasseurs qui forceraient le Jet à atterrir.

Mais le ciel était vide. Très loin, en bas, on voyait la mer des Caraïbes, calme et lisse…

Alors Lance comprit qu’il ne pouvait compter que sur lui-même. Ce qu’il portait ne devait pas tomber aux mains des Cubains.

Son gardien, de l’endroit où il était, ne pouvait pas voir les mouvements de ses bras. Lentement, il tira de son aisselle son revolver et le posa sur ses genoux. Avec d’infinies précautions il l’arma.

Son plan était simple : abattre l’homme par surprise et bondir jusqu’au cockpit. La surprise aidant, il pourrait désarmer celui qui surveillait l’équipage. Il s’enfermait dans le cockpit et ceux de l’arrière ne pourraient pas empêcher le pilote de faire demi-tour.

Il se tourna à demi sur son siège et leva le bras. Le gardien, les yeux dans le vague, ne se doutait de rien. Le major Lance appuya sur la détente du 45 et bondit.

La balle frappa l’homme en pleine poitrine et il fut rejeté contre la cloison. Un rictus d’étonnement aux lèvres, il lâcha son pistolet qui tomba par terre, et se laissa glisser à son tour.

Le major Lance tenait déjà la poignée de la porte. Il la tourna, mais la porte ne s’ouvrit pas : elle était fermée de l’intérieur ! Il hésita un instant avant de tirer dedans. Il avait peur de blesser le pilote. Pendant qu’il se tenait debout ainsi, le DC 9 plongea brusquement vers la gauche. Le ciel bascula dans les hublots et Lance, déséquilibré, tomba, lâchant son arme. Le pilote avait dû entendre le coup de feu et tentait de lui venir en aide à sa façon.

L’avion eut encore un mouvement bizarre : il se redressa brusquement et s’inclina sur la droite. Des cris venaient de la cabine touriste : les passagers étaient complètement affolés. À quatre pattes, Lance cherchait son pistolet, quand l’homme à la mitraillette entra dans la cabine. Il vit tout de suite le corps de son complice et comprit la situation. Au moment où Lance mettait la main sur la crosse de son colt, l’homme lâcha une rafale qui frappa l’officier en pleine poitrine.

Le major Lance sentit une brûlure affreuse, tout devint noir autour de lui et il tomba en avant, bloquant la porte de son corps.

Dans le cockpit, le pilote serra rageusement les poings en entendant les coups de feu.

— Salauds ! cracha-t-il. Vous ne l’emporterez pas en paradis ! Pour ce coup-là, vous passerez tous à la chambre à gaz. Et je viendrai vous voir crever.

L’homme qui était derrière lui, un grand gaillard basané, vêtu d’un complet presque blanc, taché de transpiration, lui frappa la nuque du canon de son revolver.

— Ta gueule. Sinon, c’est toi qui vas y passer, et tout de suite encore. Avec tous ceux qui sont derrière.

— Vous aussi, répliqua le pilote.

— Nous, on s’en fout. Un peu plus tard ou un peu plus tôt, du moment qu’on ne part pas seul…

Le pilote le sentait décidé à tout. Quand il avait entendu le coup de feu, il avait fait basculer l’avion, espérant déséquilibrer son adversaire pour permettre au navigateur de l’attaquer. Mais l’autre se méfiait. Accroché au dossier du siège, il ne lâcha pas son pistolet :

— Fais pas le con, siffla-t-il, ou je te flingue. Du coup on y va tous, en bas.

À sa voix, le pilote sentit qu’il allait tirer. Il redressa lentement l’appareil. Dans ses oreilles, les écouteurs crachaient sans arrêt. Toutes les radios, à cinq cents milles à la ronde, cherchaient à le contacter. Au moins, il avait eu le temps de donner l’alarme. Ce qui, peut-être, coûterait la vie à son copain, le second pilote.

— Qu’est-ce que je dois faire ? demanda-t-il rageusement au pirate.

— Fermer ta gueule et continuer sur Cuba. Si tu essaies de te poser ailleurs, tu es mort et les autres avec.

Résigné, le commandant ne répondit pas. Seul un miracle pouvait maintenant empêcher le coup de réussir. Dans dix minutes il serait au-dessus de La Havane.

Stanley Lovell n’était pas allé déjeuner. Penché sur sa radio il cherchait à capter tous les messages se rapportant au DC 9 attaqué. Lovell était un maniaque de la radio. Il avait bricolé son poste de façon à attraper des tas de fréquences militaires qu’il n’aurait pas dû avoir normalement. Parfois, c’était distrayant à écouter. L’éther fourmillait de communications. Justement, il venait d’en saisir une nouvelle, très claire, un dialogue que d’abord il ne comprit pas.

— Général, fit une voix, nous sommes en contact avec Tangle-Able I. Vous pouvez parler sur le canal 7.

— Ici Tangle-Able I, fit une voix jeune et forte au milieu des parasites. Je vous reçois cinq-cinq.

— Tangle-Able I, ici le général Sidney, de l’état-major de Washington. Tous les moyens ont échoué pour rattraper le DC 9, dont des inconnus se sont emparés et qui vole maintenant vers Cuba. Passez sur post-combustion, rattrapez-le et attaquez-le.

Il y eut un moment de silence, et la jeune voix, toujours aussi claire, reprit :

— Roger. Passez sur post-combustion. Rattrapez et attaquez le DC 9.

Il n’y eut plus que les crachotements. Stanley Lovell regardait son haut-parleur comme s’il avait été ensorcelé. Il secouait la tête sans rien pouvoir articuler.

вернуться

1

Military Air Transport