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— Inutile de perdre du temps, conclut Malko. Ils sont déjà sur la route de Los Angeles.

Après un dernier regard sur les immenses cuves, il s’en alla. On avait même inspecté la surface de l’eau. Il n’y avait pas plus de dix centimètres entre l’eau et le couvercle du réservoir. Et pas la moindre ride…

L’hélicoptère était toujours là, tournoyant inutilement. Malko monta dans une voiture de police et rejoignit Clarke.

Celui-ci se trouvait dans le bureau du shérif du comté de San Diego. Il régnait là une atmosphère de guerre civile. Des hommes armés entraient et sortaient sans arrêt. Sur une immense carte de la région, le shérif épinglait des petits drapeaux : les points de surveillance. Clarke, vautré dans un fauteuil, l’air crevé, une tasse de café à la main, tendit à Malko un bout de papier :

— Voilà ce que nous coûte, jusqu’à présent M. Tacata, dit-il amèrement.

Malko jeta un coup d’œil sur les chiffres : 8 793 personnes avaient trouvé la mort, entre 11 heures et 12 h 30… Et ce n’était qu’un premier recensement. Si Tacata arrivait à Los Angeles, il faudrait multiplier ce chiffre par dix.

Le shérif prit Malko par le bras :

— Ce n’est pas possible qu’il passe entre les mailles du filet, dit-il rageusement. Regardez la carte : il n’y a que trois routes pour sortir d’ici : la 80 vers El Centro, qui l’éloignerait de Los Angeles, et, vers le nord, la 101 et la 395. Ailleurs, c’est le désert.

— Depuis ce matin nous fouillons chaque véhicule qui sort de la ville, coffre inclus. Il y a des barrages étagés en profondeur jusqu’à Escondido et Océan Side. Ils ne peuvent pas avoir eu le temps d’aller jusque-là.

— Nous avons entrepris de fouiller toutes les maisons du comté de San Diego. Tout le monde est avec nous. Tellement que j’ai dû conseiller à tout ce qui a la peau jaune de ne pas trop se montrer. Il n’y a pas une demi-heure, un blanchisseur chinois s’est fait à moitié lyncher par la foule à Mission Beach.

— Les hélicoptères de l’armée inspectent le désert, pouce par pouce. La radio et la TV diffusent tous les quarts d’heure le signalement de vos zèbres. L’Etat a offert une prime de 100 000 dollars pour la capture du Japonais, mort ou vif. Croyez-moi, c’est le meilleur des appels au civisme. Tout ce qui sait se servir d’un fusil est sur pied en ce moment. Nous continuerons cette nuit avec des phares…

Avec sa cartouchière bourrée d’étuis brillants, son énorme colt à la crosse de nacre et sa chemise de toile kaki, tachée de transpiration aux aisselles, le shérif incarnait la Loi et la Puissance de l’autorité.

Pourtant Malko était inquiet. Le Japonais, redoutablement habile, n’avait rien à perdre…

— Avez-vous pensé à l’aéroport ? demanda Malko.

Le shérif lui enfonça dans la poitrine un doigt dur comme une barre de fer :

— Pas un avion ne décolle sans avoir été fouillé jusqu’au bout des ailes. Et il y a quatre Marines pour garder les avions civils qui sont stationnés là…

Il n’y avait rien à dire à cela. On n’avait jamais vu une chasse à l’homme de cette ampleur, depuis le kidnapping Lindbergh. Pourtant ceux qui étaient dans le coup ne vivaient plus. Si Tacata parvenait à échapper aux mailles du filet, il pouvait frapper n’importe où, de Los Angeles à New York.

— Alors, S.A.S., vous êtes de retour ?

C’était le général Higgins. Il arrivait de Guadalajara et avait tenu à venir superviser lui-même les opérations.

— Bravo, fit-il. Bien sûr, ce fichu Japonais a eu le temps de faire du dégât. Mais il est arrivé ici traqué et on va le coincer. Grâce à vous, SAS.

— Grâce aussi à un garçon qui s’appelait Felipe Chano, dit Malko. Il en est mort. Sans lui, je ne serais arrivé à rien.

Le Général hocha la tête.

— Je ferai ce que vous me direz de faire. Pour commencer, il aura les plus belles obsèques de la côte ouest. Et c’est moi qui mènerai le deuil.

Malko aurait préféré vider une bouteille de tequila avec Felipe, mais ce sont des choses que les militaires ne comprennent pas.

Toujours suivi pas à pas par Steve, il décida de se reposer un peu. Laissant Clarke dans le bureau il passa dans une autre pièce et s’allongea un peu. Tout le corps lui faisait mal. Il s’endormit sans avoir eu le temps de finir son sandwich.

Quand il rouvrit les yeux, il faisait nuit. Il regarda avec désolation son costume froissé et taché. Quelle vie ! Dans ce métier on ne pouvait jamais mourir en gentilhomme. On se battait comme un voyou et on mourait comme un voyou.

La bouche amère et la tête comme un melon d’eau, il passa dans l’autre pièce. Le shérif était

là, ainsi que Clarke, Steve et deux autres hommes.

— Alors ? demanda Malko.

Le shérif leva une main épaisse comme un battoir et la laissa retomber sur le bureau.

— Rien. Ils se sont volatilisés, envolés. La ville a été passée au peigne fin. Même les cargos à quai. Tous les habitants de San Diego sont sur les dents. Jamais nous n’avons été aidés de cette façon. Quant aux barrages, ils arrêtent même les chats perdus…

Pourtant Tacata ne s’était pas évanoui en fumée ! Soudain Malko eut une illumination. Mayo était un Indien… Il avait pu penser à une ruse de sa race. Donc…

— Venez avec moi, ordonna Malko à Steve, nous allons faire un tour.

Docilement, le tueur prit sa mallette. Si Malko avait raison, il devait tenter sa chance tout seul ou presque. Mais n’était-il pas déjà trop tard ?

Ils prirent une des voitures du shérif. En un quart d’heure ils arrivèrent devant le Water Department. La foule avait disparu et pas une lumière ne filtrait du bâtiment.

Steve se tourna, étonné, vers Malko :

— Quelle idée avez-vous donc ? Ce bâtiment a été fouillé ce matin.

— Pas complètement, sourit Malko. J’ai une idée. Vous allez rester dehors avec votre fusil infrarouge. Ne bougez pas, quoi qu’il arrive. Si les deux autres sortent, abattez-les sans sommation et venez me chercher ensuite… Ce sera probablement trop tard.

Le tueur ne discuta pas. Il avait été bien élevé. Il prit position derrière un massif et attendit, accroupi dans l’ombre.

Malko fit le tour du bâtiment. Derrière, au premier étage, il y avait une fenêtre ouverte. Il s’y hissa assez facilement et se trouva dans une grande pièce donnant sur le couloir qui menait aux réservoirs. Il n’y avait pas un bruit, excepté le léger chuintement de l’eau.

Il tira son pistolet et l’arma. Puis, tout doucement, il s’engagea dans le couloir. Avec un peu de chance, s’il avait raison, il serait le premier à tirer.

L’obscurité était totale. Il arriva devant le plus grand des réservoirs et s’approcha du bord. Il allait allumer sa torche pour éclairer l’eau quand un bras d’acier lui enserra le cou par-derrière, tandis qu’un autre lui maintenait la nuque.

— Ne bougez pas, señor, murmura une voix qu’il connaissait bien, ou je vous brise les vertèbres cervicales.

C’était un étranglement classique de karaté. Une prise mortelle. Il avait eu raison, mais il avait été imprudent. Mayo était encore plus silencieux qu’il ne l’avait cru.

— Lâchez votre pistolet, ordonna le Mexicain.

Malko obéit. L’arme tomba par terre.

Aussitôt une ombre minuscule jaillit de l’obscurité et se baissa pour s’emparer du pistolet.