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— Je savais que vous viendriez au rendez-vous, ricana le Japonais. Et je vous attendais.

— Qu’allez-vous faire maintenant ? demanda Malko. Toute la ville est cernée.

Le Japonais eut un drôle de petit rire triste.

— Je vais vous tuer, quand vous m’aurez aidé à sortir de ce piège. Et après, je continuerai ma mission. Aujourd’hui, c’est le 6 août. Une date dont se souviendra San Diego, comme Hiroshima se souvient du 6 août 45… J’ai encore, dans ce pays, beaucoup d’amis qui vont m’aider.

Les trois hommes formaient des ombres confuses dans le noir. Malko pensa à Steve. Pourvu qu’il ne vienne pas voir !

— Vamos, señor Tacata, proposa le Mexicain.

Yoshico Tacata enfonça dans le dos de Malko son propre pistolet.

— Nous allons sortir tous ensemble. Au moindre geste imprudent, je vous abats. Vous êtes mon bouclier… En avant.

A la queue leu leu, Mayo ouvrant la marche, ils prirent le chemin de la sortie. Au rez-de-chaussée, il y eut une courte halte.

— Vous avez une voiture ? demanda Tacata.

— Oui.

— Vous êtes venu seul ?

— Oui.

Le Japonais lui donna un coup de pied.

— Vous mentez !

— Alors pourquoi me le demandez-vous ?

— Si vous esquissez le moindre geste, c’est vous qui mourrez le premier, pensez-y.

Mayo ouvrit la porte et sortit, le pistolet à la main. Derrière, Tacata tenait Malko sous la menace de son pistolet et de l’autre portait une petite valise.

Malko éleva une muette prière vers le ciel couvert d’étoiles. Steve avait l’ordre de tirer si les autres sortaient, mais il n’était pas prévu que lui, Malko, sortirait avec eux.

Le petit convoi fit quelques pas vers la voiture de l’agent secret. Mais il faut croire que l’instruction militaire n’avait pas étouffé tous les réflexes de Steve… Tout à coup, Mayo porta la main à la tête, en lâchant son pistolet. Il tournoya et s’abattit comme une masse, une balle dans l’œil.

Il n’y avait eu aucun bruit. A cause de l’obscurité, Mayo et le Japonais ne s’étaient pas méfiés outre mesure. Ils n’avaient pas pensé qu’on pouvait utiliser un silencieux et une lunette infrarouge…

Le Japonais hésita une seconde. Puis il se colla à Malko.

— Vous nous avez eus, hein ! siffla-t-il. Mais vous ne me survivrez pas…

Avec un frisson, Malko pensa que Steve avait l’ordre d’abattre. Tacata et qu’il l’abattrait même à travers son corps à lui, Malko. Il se raidit, dans l’attente du choc de la balle.

Tacata prit les devants. D’une bourrade, il envoya Malko par terre.

Il tira trois fois. Malko sentit sur sa poitrine les trois impacts. Le visage du Japonais grimaçait, à un mètre de lui. Mais alors il y eut un sifflement très léger, et Tacata fit un drôle de petit bond. Un jet de sang jaillit de son cou. Il tenta de tirer encore une fois, mais le pistolet lui tomba des mains. Il partit en zigzag vers la voiture, tenant toujours la valise.

Le fusil implacable de Steve le poursuivait. Il reçut encore une balle dans le dos, lâcha la valise, qui tomba et s’ouvrit.

Il parvint encore à faire quelques pas. Deux balles le frappèrent dans les reins. Il tomba et se traîna quelques mètres, comme un chat à l’épine brisée, avant de basculer sur le dos.

Steve sortit lentement de son buisson. Avant tout, il rechargea son arme. Une voiture arrivait : elle freina brusquement, devant les trois corps étendus. C’était quand même un spectacle peu courant, dans ce quartier résidentiel… Quand Steve sortit de l’obscurité, la carabine à la main, le conducteur n’hésita pas. Il fit une marche arrière fulgurante et disparut.

La voiture de police avait une radio, Steve l’ouvrit et appela le shérif.

Cinq minutes plus tard, la première voiture de patrouille arrivait, dans un hurlement de sirène. Rien n’avait bougé. Quand le premier policier sortit de la voiture, Steve, discrètement, démonta sa carabine et la remit dans sa valise.

Clarke et le shérif arrivèrent avec le Général. Déjà des projecteurs éclairaient la scène. On aurait dit la répétition d’un film policier.

— Il est mort ? demanda Clarke en désignant S.A.S.

Steve haussa les épaules.

— Ça m’en a tout l’air. Il a pris trois balles dans le buffet à bout pourtant. Je ne pouvais rien faire.

Le shérif et Clarke s’agenouillèrent près de Malko. Avec déférence, le shérif prit les mains de Malko et les lui croisa sur la poitrine.

— Ça me paraissait un type fichtrement bien, ce S.A.S., dit le gros homme.

À ce moment, Malko bougea légèrement et ouvrit les yeux. Puis il vomit sur les genoux du shérif.

Malko reprit complètement conscience une demi-heure plus tard. Il y avait bien 500 personnes autour de la scène du combat, gardée par des barrières de police. Clarke regardait l’agent secret comme si c’était un fantôme. S.A.S. sentit qu’il leur devait une explication.

— Je n’avais pas chargé mon pistolet avec des cartouches au cyanure, expliqua-t-il, mais avec des cartouches au gaz somnifère. Je voulais tenter de prendre Tacata vivant, pour savoir sur quels appuis il comptait dans ce pays. Si Steve avait d’abord tiré sur le Japonais, j’étais mort…

— J’ai tiré sur celui qui avait l’air le plus dangereux, annonça calmement Steve. Une chance pour vous.

S.A.S. se leva péniblement. Il avait encore des nausées et son costume d’alpaga était froissé, sali et déchiré. Une honte. Mais lui était vivant.

Sous les projecteurs de la police, il faisait clair comme en plein jour. Malko s’approcha lentement du corps du petit Japonais.

Mort, il paraissait encore plus minuscule que vivant. Etendu sur le dos, les yeux ouverts, il n’avait plus l’air méchant, mais fatigué. Quel fou, d’avoir cru tout seul à sa guerre, vingt-cinq ans après ! Mais, à cause de sa folie, des centaines de gens, qui ne tenaient pas du tout à être mêlés à sa guérilla, étaient morts, sans même savoir pourquoi.

Mort aussi Felipe, qui avait donné sa vie pour lui.

Morte, Christina ! Malko avait encore sur ses lèvres l’odeur douce-amère de son épaule.

A côté du petit Japonais la valise s’était ouverte et personne n’avait encore osé y toucher. Malko s’agenouilla et souleva le couvercle. Dans leurs étuis de ouate, il y avait cinq terribles petits flacons de CX 3. Le sixième avait semé la mort à San Diego. Et si on avait laissé faire Tacata !…

L’agent secret prit en main, avec précaution, l’un des tubes. Il eut une seconde, envie de les briser tous contre le ciment de la chaussée, d’en laver les débris à grande eau, de faire disparaître toute trace de ce cauchemar. Mais c’était enfantin. Le CX 3 était maintenant fabriqué en série. Bientôt on le mettrait en pilules, probablement, pour que les saboteurs puissent l’utiliser plus commodément, à l’échelon artisanal. Malko se mit à haïr les généraux et les savants, qui mitonnaient leur petite guerre à eux, sans se préoccuper de leurs victimes.

Il remit le flacon dans la valise et la ferma. En la remuant, il aperçut alors quelque chose d’inattendu : une grande boîte de corn-flakes, même pas ouverte. Tacata n’avait pas eu le temps de faire son dernier repas.

Clarke arracha Malko à sa méditation :

— Dites-moi, S.A.S., comment avez-vous fait pour retrouver nos deux types ? Et où étaient-ils ? L’immeuble avait été fouillé de fond en comble. Vous n’êtes pas devin, pourtant…

— Non, mais j’ai de la mémoire, répondit Malko. Quand il fut évident que Tacata et Mayo avaient disparu, j’ai tout de suite pensé qu’ils n’avaient pas quitté la ville. Les mailles du filet étaient trop serrées.

— Oui, mais cela ne vous disait pas où ils étaient.