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« Dieu est mort. » Les trois mots les plus célèbres du philosophe allemand du XIXe siècle, athée convaincu. Nietzsche était connu pour ses critiques acerbes de la religion, mais aussi pour ses réflexions sur la science — en particulier au sujet de la théorie de l’évolution de Darwin qui, selon lui, avait mené l’humanité aux portes du nihilisme, une démonstration que la vie n’avait pas de sens, pas de noble objectif, et qu’il n’y avait pas de trace tangible de Dieu.

Au-delà de ses fanfaronnades antireligieuses, accrocher cette maxime au-dessus de son lit prouvait peut-être qu’Edmond n’était pas si à l’aise dans son rôle de pourfendeur de l’existence de Dieu.

Si la mémoire de Langdon était bonne, la citation se terminait ainsi : « La grandeur de cet acte n’est-elle pas trop grande pour nous ? Ne sommes-nous pas forcés de devenir nous-mêmes des dieux simplement — ne fût-ce que pour paraître dignes d’eux ? »

L’idée que l’homme devienne Dieu lui-même pour tuer Dieu était au cœur de la pensée nietzschéenne. Cela expliquait probablement le complexe de supériorité de tant de génies de la technologie, tel Edmond.

Ceux qui éradiquent Dieu… doivent être des dieux eux-mêmes.

Subitement, une seconde réflexion s’imposa à lui : Nietzsche n’était pas seulement philosophe. Il était poète !

Langdon possédait un recueil de plus de deux cents poèmes et d’aphorismes où Nietzsche interrogeait Dieu, la mort, l’esprit humain.

Il compta rapidement le nombre de lettres dans la citation. Non, cela ne correspondait pas. Néanmoins, une bouffée d’espoir l’envahit.

Nietzsche était peut-être le poète qu’ils cherchaient ! Si tel était le cas, il espérait trouver une anthologie de ses poésies dans la bibliothèque.

De toute façon, il demanderait à Winston de fouiller ses poèmes à la recherche d’un vers de quarante-sept lettres.

Impatient de retrouver Ambra pour lui annoncer sa piste, Langdon se dirigea vers la porte des toilettes qui se situait au fond de la chambre.

Les lumières s’allumèrent à son entrée, révélant une pièce joliment décorée, une vasque, une cabine de douche, une cuvette.

Son regard s’arrêta sur une desserte où se trouvaient les effets personnels de leur hôte. Langdon blêmit.

Oh non… Edmond.

On aurait cru la paillasse d’un laboratoire clandestin : des seringues usagées, des boîtes de pilules, des capsules vides, et même un morceau de gaze maculé de sang.

Son cœur se serra.

Son ami se droguait ?

Bien sûr, ce genre d’addiction était très répandu, dans tous les milieux, même les plus aisés. L’héroïne était moins chère que la bière aujourd’hui et les gens gobaient des antalgiques opioïdes comme si c’était de l’ibuprofène !

L’addiction pouvait expliquer sa récente perte de poids… Edmond se disait vegan pour justifier sa mauvaise mine et sa maigreur.

Langdon examina l’étiquette d’un flacon, s’attendant à lire Oxycontin, Percocet ou une quelconque marque d’antidouleur contenant des opiacés.

C’était du Docétaxel.

Troublé, il regarda l’autre flacon. Du Gemcitabine.

Et un troisième : du Fluorouracile.

Langdon frissonna. Un collègue de Harvard lui avait parlé de cette dernière molécule. Il remarqua alors une coupure de presse abandonnée au milieu des flacons, avec un gros titre : « Le vegan ralentirait le cancer du pancréas ? »

Edmond ne se droguait pas.

Il luttait contre la maladie.

53.

Ambra Vidal parcourait des yeux les rayonnages de livres.

La bibliothèque d’Edmond était plus grande que dans son souvenir.

Le futurologue avait fait poser des étagères entre les arches de brique. Il y avait des ouvrages par centaines.

Visiblement, il avait l’intention de s’installer ici pour de bon.

Elle embrassa du regard cette vaste collection. Essayer de trouver ce vers revenait à chercher une aiguille dans une botte de foin ! Pour l’instant, elle ne voyait que des ouvrages, sur la cosmologie, la conscience et l’intelligence artificielle.

 THE BIG PICTURE

 FORCES OF NATURE

 ORIGINS OF CONSCIOUSNESS* [2]

 THE BIOLOGY OF BELIEF*

 INTELLIGENT ALGORITHM

 OUR FINAL INVENTION

Elle passa à la section voisine. Cette fois, c’était des manuels scientifiques : thermodynamique, chimie organique, psychologie.

Toujours pas de poésie.

Trouvant le silence de Winston suspect, elle sortit le téléphone de Kirsch.

— Winston ? Tu es toujours là ?

— Absolument, très chère, répondit-il de sa voix enjouée.

— Edmond a lu tous ces livres ?

— Je crois, oui. C’était un accro de la lecture et il appelait sa bibliothèque son « mausolée du savoir ».

— Tu sais s’il y a une section poésie ?

— Les seuls ouvrages que je connaisse sont des textes de non-fiction. Edmond m’a demandé de les lire en e-book pour que nous puissions en parler tous les deux. En fait, l’exercice était davantage à mon bénéfice qu’au sien. Et, malheureusement, je n’ai pas repertorié toute sa collection. Il va falloir chercher à l’ancienne — à la main —, je ne vois pas d’autres solutions.

— Je comprends.

— Pendant que vous fouilliez, je suis tombé sur une information qui pourrait vous intéresser. Des nouvelles de Madrid concernant votre fiancé.

— Qu’est-ce qui se passe ? bredouilla-t-elle.

Elle craignait toujours d’apprendre que Julián ait joué un rôle dans l’assassinat.

— Il y a, en ce moment, une manifestation devant le Palais. Les indices s’accumulent concernant l’implication de l’archevêque Valdespino. Il aurait organisé le meurtre avec l’aide d’un complice dans les murs du Palais. Les fans d’Edmond le prennent très mal. Regardez ça.

Elle découvrit à l’écran des manifestants devant les grilles. L’un d’eux brandissait une pancarte : PONCE PILATE A TUÉ VOTRE PROPHÈTE — VOUS AVEZ TUÉ LE NÔTRE !

D’autres portaient des bannières où un seul mot figurait : apostasía ! Ainsi qu’un pictogramme qui avait été tagué un peu partout à Madrid :

C’était devenu le cri de ralliement de la jeunesse espagnole. L’abjuration, la renonciation à l’Église.

— Julián a fait une déclaration ?

— Non. Et c’est bien là le problème. Pas un mot de lui, ni de l’archevêque, ni d’aucun porte-parole du Palais. Ce silence ne fait qu’attiser les soupçons. Les théories du complot gagnent du terrain et les médias nationaux commencent à se demander où vous êtes et pourquoi vous n’avez pas non plus fait de communiqué.

— Moi ?

— Vous avez été témoin du meurtre. Vous êtes la future reine. La femme que le prince Julián aime. Le public veut vous entendre dire que vous êtes certaine que Julián n’a rien à voir avec cette histoire.

En son for intérieur, elle savait que Julián ne pouvait être lié au meurtre d’Edmond. Quand il la courtisait, il était un homme tendre et sincère, peut-être d’un romantisme un peu trop impulsif, mais certainement pas un meurtrier.

— On se pose les mêmes questions pour le professeur Langdon. Pourquoi lui aussi est-il introuvable ? Pourquoi ne s’exprime-t-il pas alors que c’est lui qui a ouvert la soirée avec la vidéo ? Des blogs commencent à laisser entendre que ce silence est peut-être le signe qu’il est impliqué dans le meurtre.

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2

Les références françaises des titres signalés par un astérisque sont indiquées en fin d’ouvrage. (N.d.T.)