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La polémique était de plus en plus ardue. Les partis s'exaltaient. L'assemblée était pleine de murmures étouffés. Il était naturel de prévoir une franche explosion.

Simon Pierre s'est levé. La physionomie calme, mais les yeux pleins de larmes qui n'arrivaient pas à couler.

Il profita d'une pause plus longue pour hausser la voix qui bientôt apaisa le tumulte :

Frères ! - a-t-il dit noblement - j'ai commis beaucoup d'erreur en ce monde. Ce n'est un secret pour personne que j'en suis arrivé à nier le Maître à l'instant le plus pénible de l'Évangile. J'ai mesuré la miséricorde du Seigneur à la profondeur de l'abîme de mes faiblesses. SI j'ai failli envers les frères très aimés d'Antioche, J'en demande pardon. Je me soumets à votre jugement et Je vous prie de vous soumettre au jugement du Très-Haut.

La stupéfaction fut générale. Comprenant l'effet produit par ses propos, l'ex-pêcheur a. conclu sa justification en disant :

Je reconnais l'extension de mes besoins spirituels et je me recommande à vos prières, passons, mes frères, aux commentaires de l'Évangile d'aujourd'hui.

L'assistance était perplexe face au résultat inattendu. Ils pensaient que Simon Pierre allait faire un long discours en représailles. Personne n'arrivait à se remettre de sa surprise. L'Évangile devait être commenté par l'apôtre galiléen conformément à ce qui avait été préalablement prévu, mais avant de se rasseoir, l'ex-pêcheur leur dit très calmement :

Je demande à notre frère Paul de Tarse la faveur de consulter et de commenter les annotations de Lévi.

Malgré sa gêne bien naturelle, l'ex-rabbin a considéré la portée élevée de cette demande, en une seconde il fit abstraction de tous sentiments catégoriques de son cœur ardent et c'est dans une belle improvisation qu'il a parlé de la lecture des parchemins de la Bonne Nouvelle.

L'attitude prudente de Simon Pierre avait sauvé l'église naissante. Prenant en considération les efforts de Paul et de Jacques, à leur juste valeur, il avait évité le scandale et le tumulte dans l'enceinte du sanctuaire. Au prix de son abnégation fraternelle, l'incident était resté presque imperceptible dans l'histoire de la chrétienté primitive, et pas même la légère référence faite par Paul dans l'épître aux Galates, malgré la rigidité d'expression de l'époque, ne peut donner une idée du danger imminent de scandale qui avait plané sur l'institution chrétienne en ce jour mémorable.

La réunion s'acheva sans nouveaux accrochages. Simon s'est approché de Paul et l'a félicité pour la beauté et l'éloquence de son discours. Il évoqua délibérément l'incident pour y faire référence sur un ton amical. Le problème des gentils, disait-il, méritait effectivement que l'on s'y arrête avec intérêt. Comment déshériter de la lumière du Christ ceux qui étaient nés loin des communautés judaïques, si le Maître lui-même avait affirmé que les disciples viendraient de l'Occident et de l'Orient ? La douce et généreuse causerie rapprocha Paul et Barnabe, tandis que l'ex-pêcheur intentionnellement parlait tout en calmant les esprits.

L'ex-docteur de la Loi ne cessait de défendre sa thèse avec des arguments solides. Gêné au début, en raison de la bienveillance du Galiléen, il s'est naturellement expliqué retrouvant sa profonde sérénité. Le problème était complexe. Transposer l'Évangile dans le judaïsme n'est-ce pas asphyxier ses possibilités divines ? - demandait-il à Paul en renforçant son point de vue. Mais et l'effort millénaire des juifs ? - interrogeait Pierre, avertissant qu'à son avis si Jésus avait affirmé que sa mission était l'exact accomplissement de la Loi, il n'était pas possible d'éloigner la nouvelle de l'ancienne révélation. Procéder différemment reviendrait à arracher du tronc vigoureux la brindille verdoyante destinée à fructifier.

Examinant ces arguments pondérés, Paul de Tarse s'est dit alors qu'il serait raisonnable de promouvoir à Jérusalem une assemblée de coreligionnaires les plus dévoués pour réfléchir à ce sujet avec une plus grande ampleur de vues. Les résultats, à son avis, seraient bénéfiques car ils présenteraient une norme d'action juste, sans latitude possible laissée à des sophismes si prisés des coutumes pharisiennes.

Comme quelqu'un qui se serait senti ravi d'avoir trouver la clé à un problème difficile, Simon Pierre a volontiers approuvé la proposition, assurant qu'il s'intéresserait personnellement à ce que la réunion se fasse dans les meilleurs délais. Intimement, il se dit que ce serait une très bonne occasion pour les disciples d'Antioche d'observer les difficultés grandissantes à Jérusalem.

Dans la soirée, tous les frères comparurent à l'église pour les adieux de Simon et pour les prières habituelles. Pierre a prié avec une ferveur sanctifiée et la communauté s'est sentie pénétrée de bénéfiques vibrations de paix.

L'incident avait laissé tout le monde empreint d'une certaine perplexité, mais les attitudes prudentes et affables du pêcheur réussirent à maintenir la cohésion générale autour de l'Évangile pour la bonne continuation des tâches sanctifiantes.

Après avoir observé la complète réconciliation de Paul et de Barnabe, Simon Pierre est retourné à Jérusalem avec les messagers de Jacques.

À Antioche, la situation a continué instable. Les discussions stériles restaient vives. L'influence judaïsante combattait les gentils et les chrétiens libres opposaient une résistance formelle au conventionnalisme préconçu. L'ex-rabbin, néanmoins, ne resta pas inactif. À la première occasion, il convoqua des réunions où il clarifia les finalités de l'assemblée que Simon leur avait promise à Jérusalem. Combattant actif, il multiplia ses énergies pour soutenir l'indépendance du christianisme et prou il I publiquement qu'il apporterait des lettres de l'église des apôtres galiléens, qui garantiraient la position des gentils dans la doctrine consolatrice de Jésus, se déchargeant des impositions absurdes, dans le cas de la circoncision.

Ses mesures et promesses embrasèrent de nouvelles luttes. Les observateurs rigoureux des règles anciennes doutaient de telles concessions venant de Jérusalem.

Paul ne se laissait pas décourager. Au fond, il idéalisait son arrivée à l'église des apôtres, il passait en revue dans son imagination surexcitée tous les puissants arguments à employer, et se voyait vainqueur de la question qui se présentait à ses yeux comme d'une importance fondamentale pour l'avenir de l'Évangile. Il chercherait à démontrer la capacité élevée des gentils pour le service de Jésus. Il raconterait les succès obtenus lors de ses longues excursions de plus de quatre ans à travers les régions pauvres et presque inconnues où les gentils avaient reçu les nouvelles du Maître avec une joie intense et une plus grande compréhension que les frères de sa race. Les généreux projets grandissants, il décida de prendre le jeune Tite avec lui qui, bien que de descendance païenne et ayant à peine vingt ans, dans l'église d'Antioche était doté d'une intelligence les plus lucides au service du Seigneur. Depuis l'arrivée de Tarse, Tite s'était pris d'affection pour lui comme un frère généreux.

Remarquant sa nature travailleuse, Paul lui avait enseigné le métier de tapissier et il le remplaça dans son humble tente pendant tout le temps que dura sa première mission. Le jeune garçon serait un exposant du pouvoir rénovateur de l'Évangile. Certainement que lorsqu'il parlerait à la réunion, il surprendrait les plus érudits par ses arguments d'une haute teneur exégétique.

Caressant ces espoirs, Paul de Tarse prit toutes les mesures pour s'assurer du succès de ses plans.