Pierre a souri et a expliqué à l'ex-rabbin ses nouveaux plans. Il a commenté, avec espoir, l'idée de la collecte générale pour l'église de Jérusalem, et démontrant une certaine prudence, il lui a dit inquiet :
Ton projet d'excursion et de propagande de la Bonne Nouvelle, en cherchant à collecter des fonds pour résoudre nos dépenses les plus sérieuses, me cause une Juste satisfaction ; néanmoins, je réfléchis aussi à la situation de l'église antiochienne. D'après ce que j'ai pu observer, j'en ai conclu que l'institution avait besoin de serviteurs dévoués qui se substitueraient aux travaux constants de chaque jour. Ton absence et celle de Barnabe provoqueront des difficultés si nous ne prenons pas des mesures précises. Voilà pourquoi je t'offre la coopération de deux compagnons dévoués qui m'ont remplacé ici dans les fonctions les plus lourdes. Il s'agit de Silas et de Barsabas, deux disciples amis des gentils et de principes libéraux. De temps en temps, ils entrent en désaccord avec Jacques, comme c'est naturel, et comme je le crois, ce seront de très bons auxiliaires à ton programme.
Paul vit dans cette nouvelle la mesure qu'il désirait. Avec Barnabe qui participait à la conversation, il a remercié l'ex-pêcheur, profondément ému. L'église d'Antioche aurait le soutien nécessaire que les travaux évangéliques exigeaient. L'idée proposée lui plaisait beaucoup d'autant qu'immédiatement il avait eu pour Silas une grande sympathie, pressentant en lui un compagnon loyal, actif et dévoué.
Les missionnaires d'Antioche s'attardèrent encore trois jours dans la ville après la fermeture du conseil, le temps nécessaire pour que Barnabe en profite pour se reposer chez sa sœur. Paul, néanmoins, avait décliné l'invitation de Marie Marc et était resté à l'église, étudiant la situation future en compagnie de Simon Pierre et de ses deux nouveaux collaborateurs.
Dans une atmosphère de grande harmonie, les travailleurs de l'Évangile ont examiné toutes les conditions du projet.
Un fait digne d'être mentionné fut la réclusion de Paul auprès des apôtres galiléens, il n'était jamais sorti dans la rue pour ne pas entrer en contact avec le scénario vivant de son passé tumultueux.
Finalement, tout était prêt et en place, la mission s'apprêtait à repartir. Il y avait sur toutes les physionomies un signe de gratitude et d'espoir sanctifié pour les jours à venir. Néanmoins, on pouvait remarquer un détail curieux qu'il est indispensable de souligner. A la demande de sa sœur, Barnabe avait accepté la contribution de Jean-Marc dans sa nouvelle tentative d'adaptation au service de l'Évangile. Étant donné la bonne volonté avec laquelle il avait accédé à la requête de sa sœur, l'ex-lévite de Chypre avait pensé qu'il était inutile de consulter le compagnon de ses efforts quotidiens. Paul, néanmoins, n'en fut pas blessé. Il accueillit la résolution de Barnabe, un peu étonné, a étreint le jeune garçon affectueusement et a attendu que le disciple de Pierre se prononce quant à l'avenir.
Le groupe au complet avec Silas, Barsabas et Jean-Marc se mit en route pour Antioche dans les meilleures dispositions d'harmonie.
Se relayant à la tâche de prédication des vérités éternelles, ils annonçaient le Royaume de Dieu et faisaient des guérisons partout où ils passaient.
Une fois arrivés à leur destination, à la grande joie des gentils, ils ont organisé un plan adéquat pour obtenir une efficacité immédiate. Paul a exposé son intention de retourner aux communautés chrétiennes déjà fondées en élargissant l'excursion évangélique à d'autres régions où le christianisme n'était pas connu. Ce plan reçut l'approbation générale. L'institution antiochienne serait sous la coopération directe de Barsabas et de Silas, les deux compagnons dévoués qui, jusque là, avaient été deux fortes colonnes de travail à Jérusalem.
Une fois le rapport verbal des efforts en perspective présenté, Paul et Barnabe entrèrent pour réfléchir aux dernières dispositions particulières.
Maintenant - a dit l'ex-lévite de Chypre -, j'espère que tu seras d'accord avec ce que J'ai décidé à l'égard de Jean.
Jean-Marc ? - a Interrogé Paul surpris.
Oui, Je désire l'emmener avec nous afin de lui donner goût à la tâche.
À la façon qu'il avait de le faire quand il était contrarié, l'ex-rabbln a froncé les sourcils et s'est exclamé :
Je ne suis pas d'accord ; ton neveu est encore très jeune pour cette entreprise.
Mais j'ai promis à ma sœur de l'accueillir dans nos travaux.
Cela ne peut se faire.
Surgit alors entre eux deux un conflit où Barnabe laissait percevoir son mécontentement.
L'ex-rabbin cherchait à se justifier alors que le disciple de Pierre alléguait l'engagement assumé et réfutait, avec telle ou telle marque d'amertume, l'attitude de son compagnon. Mais l'ex-docteur ne s'est pas laissé convaincre. La réadmission de Jean-Marc, disait-il, n'était pas juste. Il pourrait leur faire encore défaut, fuir les engagements supposés, mépriser l'occasion du sacrifice. Il rappelait les persécutions d'Antioche de Pisidie, les maladies Inévitables, les douleurs morales éprouvées à Icône, la lapidation cruelle sur la place de Lystre. Le jeune serait-il préparé en si peu de temps pour comprendre la portée de tous ces événements où l'âme était obligée de se réjouir du témoignage ?
Les yeux larmoyants, Barnabe était meurtri.
Après tout, a-t-il dit sur un ton émouvant, aucun de ces arguments ne me convainc et éclaire ma conscience. D'abord, je ne vois pas pourquoi détruire nos liens affectifs...
L'ex-rabbin ne l'a pas laissé finir et a conclu :
Cela jamais. Notre amitié est bien au-dessus de ces considérations. Nos liens sont
sacrés.
Et bien alors - lui fît remarquer Barnabe -, comment interpréter ton refus ? Pourquoi nier au jeune garçon une nouvelle expérience de travail régénérateur ? Ne serait-ce pas un manque de charité que de mépriser une occasion peut-être providentielle ?
Paul a longuement fixé son ami et a ajouté :
Mon intuition, en ce sens, est différente de la tienne. Presque toujours, Barnabe, l'amitié en Dieu est incompatible avec l'amitié au monde. lui nous levant pour l'exécution fidèle du devoir, les notions du monde se lèvent contre nous. Nous semblons mauvais et ingrats. Mais écoute-moi : personne ne trouvera les portes de l'opportunité fermées, parce que c'est le Tout-Puissant qui nous les ouvre. L'occasion est la même pour tous, niais les chemins doivent être différents. Dans le cadre du travail proprement humain, les expériences peuvent être renouvelées tous les jours. Cela est juste. Mais je considère qu'au service du Père, si nous interrompons la tâche commencée, c'est le signe que nous n'avons pas encore toutes les expériences indispensables à l'homme complet. Si la créature n'a pas encore connaissance de toutes les notions les plus nobles, relatives à sa vie et aux devoirs terrestres, comment peut-elle se consacrer avec succès au service1 divin ? Naturellement que nous ne pouvons pas juger si celui-ci ou celui-là a déjà fini le cours de ses démonstrations humaines et qu'à partir d'aujourd'hui, il est apte au service de l'Évangile, parce que dans ce cas chacun se révèle de lui-même. Je crois vraiment que ton neveu atteindra cette position avec quelques luttes de plus. Nous, néanmoins, nous sommes forcés de considérer que nous n'allons pas tenter une expérience, mais un témoignage. Tu comprends la différence ?
Barnabe a compris l'immense portée de ces raisons concises, irréfutables, et s'est tu pour dire quelques minutes plus tard :
Tu as raison. Cette fois, je ne pourrai donc aller avec toi.
Paul a senti toute la tristesse qui débordait de ces mots et après avoir réfléchi pendant un long moment, il a ajouté :