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Silas était impressionné par ces clarifications plus que justes. Mais laissant entrevoir ses difficultés à les comprendre intégralement, il ajouta :

Alors, l'incident serait une leçon pour que nous n'entretenions pas de relations avec le plan invisible ?

Comment peux-tu en arriver à une telle conclusion ? - a répondu l'ex-rabbin très

surpris.

Le christianisme sans la prophétie serait un corps sans âme. Si nous fermons la porte de communication avec la sphère du Maître, comment recevoir ses enseignements ? Les prêtres sont des hommes, les temples sont des pierres. Qu'en serait-il de notre tâche sans la lumière du plan supérieur ? Du sol pousse beaucoup d'aliments, mais rien que pour le corps ; pour la nutrition de l'esprit il faut ouvrir les possibilités de notre âme au Très-Haut et compter sur le soutien divin. Pour autant, toute notre activité repose sur les dons reçus. As-tu déjà pensé au Christ sans la résurrection et sans l'échange avec les disciples ? Personne ne pourra fermer les portes qui nous mettent en communication avec le ciel. Le Christ est vivant et jamais il ne mourra. Il a coexisté avec ses amis, après le Calvaire, à Jérusalem et en Galilée; il a apporté une pluie de lumière et une sagesse aux coopérateurs galiléens à la Pentecôte ; il m'a appelé aux portes de Damas ; il a envoyé un émissaire pour la libération de Pierre quand le généreux pêcheur pleurait en prison...

À ces profondes évocations, la voix de Paul avait des intonations merveilleuses. Silas a compris et s'est tu, les yeux pleins de sanglots.

L'incident, néanmoins, allait avoir de plus grandes répercussions, bien au-delà de ce que les apôtres du Maître pouvaient attendre. La pythie ne reçut plus la visite de l'entité qui distribuait des impressions de toute sorte.

En vain, les consultants viciés ont frappé à sa porte. Se voyant privés d'un revenu facile, ceux qui étaient lésés ont fomenté un grand mouvement de révolte contre les missionnaires. La rumeur se répandait que Philippes. en vertu de l'audace du prédicateur révolutionnaire, était privée de l'assistance des Esprits de Dieu. Les fanatiques s'exaltaient. Trois jours plus tard, Paul et Sllas étalent surpris, en pleine place publique, par une attaque du peuple et furent attachés à des troncs très lourds et flagellés sans la moindre compassion. Sous les huées de la foule ignorante, ils se sont soumis avec humilité an supplice. Alors qu'ils saignaient sous les coups de fouet impitoyables, les autorités intervinrent et ils furent conduits en prison, abattus et chancelants. Dans la nuit obscure et pénible, incapables de dormir à cause de leurs cruelles douleurs, les disciples de Jésus sont restés en prières empreintes d'une lumineuse ferveur. Dehors, hurlait l'orage avec des coups de tonnerre terribles et des vents sibilants. Philippes toute entière semblait ébranlée dans ses fondations par la bruyante tempête. Il était plus de minuit et les deux apôtres priaient à voix haute. Les prisonniers voisins, les voyant prier, à l'expression de leur visage semblaient les accompagner. À travers les grilles, Paul les a dévisagés et s'en est difficilement approché. Il se mit alors à prêcher le Royaume de Dieu. Et tout en commentant la tempête imprévue qui s'était abattue sur l'esprit des disciples tandis que Jésus dormait dans la barque, un fait merveilleux toucha les yeux des incarcérés. Les lourdes portes des nombreuses cellules s'ouvrirent sans bruit. Silas est devenu livide. Paul a compris et est sorti à la rencontre de ses compagnons. Il continuait à prêcher les vérités éternelles du Seigneur avec un air impressionnant ; et voyant des dizaines d'hommes à la poitrine hirsute avec de longues barbes, la physionomie taciturne comme s'ils étaient complètement oubliés du inonde, l'apôtre des gentils se mit à parler avec d'autant plus d'enthousiasme de la mission du Christ et demanda que personne n'essaie de fuir. Ceux qui se reconnaissent coupables remercient le Père des bienfaits de la correction ; ceux qui se jugent innocents qu'ils expriment leur joie, car seuls les martyrs du juste peuvent sauver le monde. Les arguments de Paul retenaient l'attention de toute l'assemblée étrange et restreinte. Personne ne chercha à atteindre la porte de sortie et c'est réunis autour de cet inconnu, qui savait si bien parler aux malheureux, que plusieurs parmi eux se sont agenouillés en sanglots se convertissant au Sauveur qu'il annonçait avec bonté et énergie.

À l'aube, une fois la tempête atténuée, le geôlier s'est levé, dérangé par un brouhaha singulier. Voyant les portes ouvertes et craignant pour sa responsabilité, instinctivement, il essaya de se tuer. Mais Paul s'est avancé et l'empêcha de commettre ce geste extrême, lui expliquant ce qui s'était passé. Tous les incarcérés sont retournés humblement à leur cellule. Lucain, le geôlier, se convertit à la nouvelle doctrine. Avant que la clarté diurne n'ait envahi le paysage, plus ému que jamais, il apporta aux apôtres les secours les plus urgents, pensant leurs blessures. Comme il habitait sur les lieux, il conduisit les disciples dans son intérieur domestique, ordonna qu'on leur serve des aliments et du vin réconfortant. Bientôt aux premières heures, les juges de Philippes furent informés des faits. Pleins de crainte, ils ordonnèrent de libérer les prédicateurs ; mais Paul, qui désirait offrir des garanties au service chrétien qui s'initiait dans l'église établie chez Lydie, allégua sa condition de citoyen romain, inspirant plus de respect aux préteurs de Philippes pour les idées du prophète nazaréen. Il refusa l'ordre d'acquittement pour exiger la présence des juges qui comparurent méfiants. L'apôtre leur annonça le Royaume de Dieu et, exhibant ses titres, il les obligea à écouter son discours relatif à Jésus. Ils prenaient ainsi connaissance des travaux évangéliques qui naissaient dans la ville grâce à la coopération de Lydie et il commenta le droit des chrétiens de part le monde. Les préteurs lui présentèrent des excuses, ils garantirent le respect de la paix pour l'église naissante, et, alléguant l'extension de leurs responsabilités devant le peuple, ils demandèrent à Paul et Silas de quitter la ville pour éviter de nouveaux troubles.

L'ex-rabbin était satisfait et une fois de retour à la résidence de la généreuse vendeuse de pourpre, en compagnie de Silas qui reconnaissait sa force sans dissimuler son grand étonnement, il s'est encore attardé quelques jours pour tracer le programme des travaux du nouvel ensemencement de Jésus. Ensuite, il s'est dirigé vers Thessalonique, escaladant tous les coins où il y avait des sites ou des villages dans l'attente de la nouvelle du Sauveur.

Dans ce nouveau centre de débats, ils ont retrouvé Luc et Timothée qui les attendaient inquiets. Les travaux se sont poursuivis très activement. De toute part, les mêmes heurts. Des juifs aux idées préconçues, des hommes de mauvaise foi, des ingrats et des indifférents s'unissaient contre l'ex-docteur de Jérusalem et ses dévoués compagnons.

Paul restait fort et supérieur dans ces moindres affrontements. Des déceptions survenaient, des angoisses sur la place publique, des accusations injustes, des calomnies cruelles, de puissantes menaces tombaient parfois, inopinément, sur le désintérêt divin de leurs oeuvres ; mais le valeureux disciple continuait toujours, serein et ferme à travers les tempêtes, vivant strictement de son travail et obligeant ses amis à en faire autant. Il était indispensable que Jésus triomphe dans les cœurs, là résidait l'essentiel de son programme. Il négligeait tout caprice, faisait passer cette réalité avant tout et la mission se poursuivait entre les douleurs et les terribles obstacles, plus forte et plus victorieuse dans sa divine finalité.

Après d'innombrables combats avec les juifs à Thessalonique, l'ex-rabbin décida de partir pour Bérée. De nouveaux travaux, de nouveaux dévouements et de nouveaux martyres. Les travaux missionnaires, toujours initiés dans la paix, continuaient au prix de luttes extrêmes.