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Les juifs rigides de Thessalonique ne manquaient pas dans Bérée. La ville s'agita contre les disciples de l'Évangile, les esprits s'exaltèrent. Luc, Timothée et Silas furent obligés de s'éloigner, déambulant dans les villages avoisinants. Paul fut arrêté et battu. Au prix de grands sacrifices de la part des sympathisants de Jésus, ils lui rendirent sa liberté à condition qu'il se retire dans les plus brefs délais.

L'ex-rabbin a immédiatement accepté. Il savait que derrière lui et à travers ses efforts insensés, il resterait toujours une église domestique qui grandirait à l'infini, encouragée par la miséricorde du Maître afin de proclamer l'excellence de la Bonne Nouvelle.

Il faisait nuit quand ses frères d'idéal réussirent à le transférer de la prison à la voie publique. L'apôtre des gentils voulut savoir comment allaient ses compagnons et fut informé des vicissitudes qui les assaillaient. Il s'est souvenu que Silas et Luc étaient malades, que Timothée devait retrouver sa mère dans le port de Corinthe. Il valait mieux offrir à ses amis une trêve dans le tourbillon des activités rénovatrices. Il ne serait pas juste d'exiger leur coopération quand lui-même ressentait le besoin de se reposer.

Les frères de Bérée insistèrent pour qu'il parte. Ce aérait de la témérité que de provoquer de nouveaux heurts. Ce fut là que Paul décida de mettre en pratique un vieux plan. Il visiterait Athènes satisfaisant un vieil idéal. De nombreuses fois impressionné par la culture hellénique reçue à Tarse, il nourrissait le désir de connaître ses monuments glorieux, ses temples magnifiques, son esprit sage et libre. Quand il était encore très jeune, il avait songé visiter la magnifique ville des anciens dieux, disposé à lui apporter les trésors de sa foi gardés à Jérusalem : il assisterait à des assemblées cultivées et indépendantes et parlerait de Moïse et de sa Loi. Pensant, maintenant, à la réalisation d'un tel projet, il se disait qu'il apporterait une lumière bien plus riche à l'esprit athénien : il annoncerait à la célèbre ville l'Évangile de Jésus. Bien évidemment quand il parlerait sur la place publique, il n'affronterait pas les tumultes si prisés des Israélites. Il savourait déjà le plaisir de parler à la foule sensible aux sujets d'ordre spirituel. Indubitablement, les philosophes attendaient des nouvelles du Christ avec impatience. Ils trouveraient dans ses prêches évangéliques le vrai sens de la vie.

Enthousiasmé par ces espoirs, l'apôtre des gentils se décida à voyager accompagné de quelques amis très fidèles. Arrivés aux portes d'Athènes, ceux-ci prirent le chemin du retour le laissant complètement seul.

Paul pénétra dans la ville pris d'une grande émotion. Athènes exhibait encore de nombreuses beautés extérieures. Les monuments de ses vénérables traditions étaient presque tous debout ; de douces harmonies vibraient au ciel très bleu ; des vallées charmantes étaient tapissées de fleurs et exhalaient des parfums. La grande âme de l'apôtre s'est extasiée à la contemplation de la nature. Il s'est rappelé les nobles philosophes qui avaient respiré ces mêmes airs. Il s'est souvenu des fastes glorieux du passé athénien, se sentant transporté dans un merveilleux sanctuaire. Néanmoins, le passant des rues ne pouvait voir son âme, et de Paul ils ne voyaient à peine que son corps grossier que les privations avaient rendu exotique. Beaucoup de gens le prirent pour un mendiant, un déchet humain perdu dans la grande masse qui arrivait en flux constant de l'Orient déserté. L'émissaire de l'Évangile, dans l'enthousiasme de ses généreuses intentions, ne pouvait percevoir les opinions malencontreuses le concernant. Plein de bonnes intentions, il décida de prêcher sur la place publique, l'après-midi de ce même jour. Il prétendait affronter l'esprit athénien comme il avait déjà affronté les grandeurs matérielles de la ville.

Mais ses efforts furent suivis d'un pénible échec. D'innombrables personnes se sont approchées dans un premier temps ; mais quand ils ont entendu ses références faites à Jésus et à la résurrection, une grande partie des assistants a éclaté d'un rire d'une irritante ironie.

Ce philosophe serait-il un nouveau dieu ? -demanda un passant d'un air moqueur.

Il est bien mal en point pour cela - répondit l'interpellé.

Où a-t-on déjà vu un dieu de la sorte ? - demandait un autre. - Voyez comme ses mains tremblent ! Il semble malade et affaibli. Sa barbe est sauvage et il est plein de cicatrices!...

C'est un fou - s'exclama un ancien avec de grandes présomptions de sagesse. - Ne perdons pas de temps.

Paul a tout entendu, a remarqué la file des désintéressés, indifférents et endurcis qui s'éloignaient, et ressentit un grand froid dans son cœur. Athènes était très loin de ses espoirs. L'assemblée populaire lui avait donné l'impression d'un énorme assemblage de créatures empoisonnées par une fausse culture. Pendant plus d'une semaine, il persévéra à prêcher en public sans résultats appréciables. Personne ne s'intéressait à Jésus et, encore moins, à lui offrir un logement pour une simple question de sympathie. C'était la première fois, depuis qu'il avait initié sa tâche missionnaire qu'il quittait une ville sans avoir fondé une église. Dans les villages les plus rustiques, il apparaissait toujours quelqu'un pour copier les annotations de Lévi, pour commencer le travail évangélique au sein d'un humble foyer. À Athènes personne ne semblait intéressé à la lecture des textes évangéliques. Néanmoins, à force d'insister auprès de quelques personnages importants, il fut conduit à Aréopage pour prendre contact avec les hommes les plus sages et les plus intelligents de l'époque.

Les composants du noble conclave reçurent sa visite avec plus de curiosité que d'intérêt.

L'apôtre pénétrait là grâce à Denys, un homme cultivé et généreux, qui répondait à ses demandes afin d'observer jusqu'où allait son courage dans la présentation de la doctrine inconnue.

Paul commença à impressionner son auditoire aristocratique en faisant allusion au « Dieu inconnu », honoré sur les autels athéniens. Sa parole vibrante présentait de singulières nuances ; les images étaient plus riches et belles que celles enregistrées par l'auteur des Actes. Denys lui-même était admiratif. L'apôtre se révélait très différent de celui qu'il avait vu sur la place publique. Il parlait avec une grande noblesse, avec emphase, les images se revêtaient de couleurs extraordinaires ; mais quand il se mit à parler de la résurrection, il y eut un murmure fort et prolongé. L'assistance riait ouvertement, les moqueries acerbes pleuvaient. L'aristocratie intellectuelle athénienne ne pouvait faire abstraction de ses préjugés scientifiques.

Les plus ironiques quittaient l'enceinte avec des éclats de rire sarcastiques, tandis que les plus modérés, par considération pour Denys, se sont approchés de l'apôtre avec des sourires intraduisibles, déclarant qu'ils l'entendraient volontiers une autre fois quand il ne se permettrait pas de commenter des sujets de fiction.

Paul en fut bien naturellement désolé. À ce moment-là, il ne pouvait en conclure que la fausse culture trouverait toujours, dans la véritable sagesse, une expression des choses imaginaires et sans aucun sens. L'attitude d'Aréopage ne lui permettait pas d'aller jusqu'au bout. Bientôt la somptueuse enceinte était presque silencieuse, l'apôtre se dit qu'il serait préférable d'affronter le tumulte des juifs. Là où il y avait de la lutte, il y aurait toujours des fruits à récolter. Les discussions et les heurts représentaient très souvent l'effervescence de la terre spirituelle pour la semence divine. Alors qu'en ces lieux, il avait trouvé la froideur de la pierre. Le marbre des colonnes magnifiques lui avait immédiatement donné une image de la situation. La culture athénienne était belle et très soignée, elle impressionnait par son aspect extérieur magnifique, mais elle était froide et portait la rigidité de la mort intellectuelle.