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Seul Denys, une jeune femme du nom de Damaris et quelques serviteurs du palais étaient restés à ses côtés, extrêmement contrariés, bien qu'enclins à sa cause.

Malgré sa déception, Paul de Tarse faisait son possible pour dissiper le nuage de tristesse qui planait sur tout le monde, en commençant par lui-même. Il a esquissé un sourire de résignation et fit quelques remarques avec bonne-humeur. L'admiration de Denys pour les puissantes qualités spirituelles de cet homme d'une apparence fragile, aussi énergique et soucieux de ses convictions, s'en est encore sentie davantage renforcée.

Avant de se retirer, Paul a parlé de la possibilité de fonder une église, même dans le cadre d'un humble sanctuaire domestique où serait étudié et commenté l'Évangile. Mais ceux qui étaient là n'ont pas été avares d'excuses et de prétextes. Denys a affirmé qu'il déplorait ne pas être en mesure de soutenir un tel engagement, étant donné l'angoisse régnante de l'époque; Damaris a allégué des empêchements domestiques ; les serviteurs d'Aréopage, un à un, ont manifesté des difficultés extrêmes. L'un était très pauvre, l'autre incompris, et Paul reçut tous ces refus en gardant une singulière expression physionomique, comme le semeur qui ne se voit entouré que de pierres et d'épines.

L'apôtre des gentils est reparti avec sérénité. Mais dès qu'il fut seul, il pleura copieusement. À qui attribuer ce pénible échec ? Il ne put comprendre sur le coup qu'Athènes souffrait d'empoisonnements intellectuels séculaires, et, se supposant abandonné par les énergies du plan supérieur, l'ex-rabbin a laissé libre cours à son terrible découragement. Il ne pouvait se résoudre à la froideur générale, d'autant que la nouvelle doctrine ne lui appartenait pas mais était celle du Christ. Quand il ne pleurait pas pour sa propre douleur, il pleurait pour le Maître, se disant que lui, Paul, n'avait pas su correspondre à l'attente du Sauveur.

Pendant plusieurs jours, il ne réussit pas à se défaire du nuage d'inquiétudes qui avait assombri son âme, mais s'en remettait finalement à Jésus et suppliait sa protection pour les grandes tâches de sa vie.

Dans cette nuée d'incertitudes et d'amertumes, l'aide du Maître est apparue à l'apôtre bien-aimé. Timothée est arrivé de Corinthe, chargé de lui apporter de bonnes nouvelles.

LES ÉPÎTRES

Le petit-fils de Loïde apportait à l'ex-rabbin plusieurs nouvelles réconfortantes. Il avait déjà installé les deux femmes en ville et était porteur de quelques ressources. Il lui parla du développement de la doctrine chrétienne dans la vieille capitale de l'Achaïe. Paul lui fut plus particulièrement reconnaissant de l'informer que Timothée avait rencontré Aquiles et Prisca. Deux êtres qui lui furent solidaires lors des difficultés extrêmes vécues dans le désert et qui travaillaient maintenant à Corinthe pour la gloire du Seigneur. Il en était vraiment enchanté. En plus des nombreuses raisons personnelles qui l'appelaient en Achaïe - comme les souvenirs indélébiles de Jeziel et d'Abigail - le désir d'étreindre le couple ami était aussi un motif décisif à son départ immédiat.

Le valeureux prêcheur quittait Athènes plutôt déçu. L'échec dû à la culture grecque obligeait son esprit curieux à des analyses plus désolantes. Il commençait à comprendre pourquoi le Maître avait préféré la Galilée avec ses coopérateurs humbles et simples de cœur ; il appréhendait mieux la raison de la parole franche du Christ sur le salut et s'expliquait sa prédilection naturelle pour les désertés par la chance.

Timothée remarqua sa singulière tristesse et chercha en vain à le convaincre de l'utilité de continuer par la mer car ce serait plus facile par le Pirée. Mais il voulut à tout prix partir à pied et visiter les sites isolés en chemin.

Pourtant. J'ai l'impression que vous êtes malade -objecta le disciple, essayant de l'en dissuader. - Ne serait-il pas plus raisonnable de vous reposer ?

Se rappelant les découragements éprouvés, l'apôtre souligna :

Tant que nous pouvons travailler, nous devons voir dans le travail un élixir à tous les maux. De plus, il est juste de profiter du temps et de l'occasion.

Je pense néanmoins - lui dit son jeune ami - , que vous pourriez repousser un peu...

Repousser pourquoi ? - a répliqué l'ex-rabbin faisant son possible pour se défaire des peines d'Athènes. - J'ai toujours eu la conviction que Dieu est pressé de voir le service bien fait. Si cela est une caractéristique de nos activités mesquines dans les choses de ce monde, comment reporter ou manquer aux devoirs sacrés de notre âme envers le Tout- Puissant ?

Le jeune homme a réfléchi à l'exactitude de ces allégations, puis se tut. Ils ont parcouru ainsi plus de soixante kilomètres en quelques jours de marche qui furent interrompus de prêches. À cette tâche parmi les humbles populations, Paul de Tarse se sentait un peu consolé. Les hommes de la campagne reçurent la Bonne Nouvelle avec une plus grande joie et plus de compréhension et c'est ainsi que de petites églises domestiques furent fondées non loin du golfe de Saron.

Porté par les doux souvenirs d'Abigail, il a traversé l'isthme et a pénétré dans la ville mouvementée et bruyante. Après avoir étreint Loïde et Eunice qui vivaient dans une maisonnette du port de Cenchrées, il voulut voir ses vieux amis de F« oasis de Dan ».

Leurs retrouvailles furent empruntes d'une joie infinie. Aquiles et sa compagne ont longuement parlé des services évangéliques auxquelles ils avaient été appelés pour la miséricorde de Jésus. Les yeux brillants comme s'ils avaient vaincu une grande bataille, ils ont raconté à l'apôtre qu'ils avaient pu réaliser leur souhait de rester à Rome pendant quelques temps. Comme d'humbles tisserands, ils avaient habité une vieille demeure en ruine à Trastevere et avaient d'abord prêché l'Évangile dans l'ambiance même des pompes césariennes. Les juifs avaient vraiment déclaré la guerre aux nouveaux principes. Depuis la première attaque de la Bonne Nouvelle, ils avaient produit de grands tourments dans le « ghetto » du quartier pauvre et abandonné. Prisca raconta comment un groupe d'Israélites violents avaient brusquement envahi sa chambre pendant la nuit avec des instruments de flagellation et de punition. Son mari s'était attardé à l'atelier et n'avait pu l'empêcher de souffrir des impitoyables coups de fouet. Ce ne fut que bien plus tard qu'elle fut secourue par Aquiles qui la trouva baignée de sang. L'apôtre tarsien exultait. Il raconta à son tour les douleurs vécues de toute part au nom de Jésus-Christ. Tels des titres éternels de gloire, ces martyres étaient présentés comme des faveurs offertes à Jésus, car celui qui aime est anxieux de donner quelque chose et ceux qui aiment le Maître se sentent extrêmement heureux de souffrir par dévouement en son nom.

Désireux de retrouver la sérénité de ses réalisations actives et d'oublier la froideur athénienne, Paul évoqua avec Aquiles et sa femme son projet de fonder une église à Corinthe. Immédiatement, ceux-ci se mirent à sa disposition. Acceptant leur offre généreuse et pour s'occuper quotidiennement de cette mission, l'ex-rabbin vint habiter en leur compagnie.

Corinthe était une suggestion permanente de souvenirs chers à son cœur. Sans informer ses amis des réminiscences qui bouillonnaient dans son âme sensible, il voulut revoir les sites auxquels Abigail se rapportait toujours avec enthousiasme. Discrètement, il localisa la région où devait avoir existé le petit site du vieux Jochedeb, maintenant incorporé à l'immense quantité de propriétés des héritiers de Licinius Minucius. Puis, il alla voir la vieille prison d'où sa fiancée avait pu échapper aux criminels qui avalent assassiné son père et asservi son frère. Dans le port de Cenchrées d'où Abigail était partie un jour pour conquérir son cœur sous les desseins supérieurs et immuables de l'Éternel, il médita longuement.

Paul se livra corps et âme aux rudes services. Le labeur actif des mains lui apportait le doux oubli d'Athènes. Comprenant le besoin d'une période de calme, il induit Luc à se reposer à Troas puisque Timothée et Silas y avaient trouvé un travail comme caravaniers.