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Percevant l'esprit élevé de coopération de toutes les oeuvres divines, Paul de Tarse n'aspira jamais à écrire seul. Dans ces moments, il cherchait à s'entourer des compagnons les plus dignes, s'aidait de leurs inspirations, conscient du fait que lorsque le messager de Jésus ne trouvait pas dans ses qualités sentimentales les facultés précises pour transmettre les desseins du Seigneur, il trouverait en ses amis les ressources appropriées.

Dès lors, les lettres aimées et célèbres, véritable trésor de vibrations d'un monde supérieur, étaient copiées et entendues de toute part. Ainsi donc Paul n'a jamais plus cessé d'écrire, ignorant cependant que ces documents sublimes, écrits très souvent à l'heure d'angoisses extrêmes, ne se destinaient pas à une église particulière mais à la chrétienté universelle. Les épîtres eurent rapidement du succès. Pour leur contenu plein de consolations, les frères se les disputaient dans les coins les plus humbles. En recevant les premières copies à Jérusalem, Simon Pierre lui-même réunit la communauté et les lisant, ému, il déclara que les lettres du converti de Damas devaient être interprétées comme des lettres du Christ aux disciples et aux partisans, affirmant encore, qu'elles marquaient une nouvelle période lumineuse dans l'histoire de l'Évangile.

Profondément réconforté, l'ex-docteur de la Loi chercha à enrichir l'église de Corinthe de toutes les expériences acquises à l'institution antiochienne. Les chrétiens de la ville vivaient dans un océan de joies indéfinissables. L'église possédait son service d'assistance à ceux qui avaient besoin de pain, de vêtements ou de remèdes. De vénérables petites vieilles se relayaient à la sainte tâche de s'occuper des plus démunis. Quotidiennement le soir, des réunions avalent lieu pour commenter un passage de la vie du Christ. Puis lors de la prédication principale et selon les manifestations de chacun, le silence se faisait afin de réfléchir à ce qu'ils recevaient du ciel A travers les prédictions faites. Ceux qui n'avalent pas de don de prophéties possédaient des facultés guérisseuses dont profitaient les malades dans une salle toute proche. La médiumnité évangélisée des temps modernes est le prophétisme des églises apostoliques.

Comme cela arrivait parfois à Antioche, des petites discussions surgissaient sur des points d'interprétation plus urdus que Paul s'empressait de calmer, préservant ainsi lu fraternité édifiante.

À la fin des travaux de chaque soir, une prière fervente et sincère désignait l'heure du

repos.

L'institution progressait à vue d'œil. S'alliant à la générosité de Titus Justus, d'autres Romains fortunés se rapprochèrent de l'Évangile enrichissant ainsi l'organisation de nouvelles possibilités. Les pauvres Israélites trouvaient dans l'église un foyer généreux où Dieu se manifestait à eux dans des démonstrations de bonté, à l'inverse des synagogues où, au lieu du pain pour assouvir leur faim vorace, du baume pour apaiser les plaies du corps et de l'âme, us ne trouvaient dans son enceinte que l'âpreté des règles tyranniques sur les lèvres des prêtres sans miséricorde.

Irrités par le succès inégalable de l'entreprise de Paul de Tarse qui se trouvait en ville depuis déjà un an et demi, ayant fondé un abri parfait pour les « fils du Calvaire », les juifs de Corinthe conspirèrent un terrible courant de persécution contre l'apôtre. La synagogue se vidait. Il fallait détruire la cause de son discrédit social. L'ex-rabbin de Jérusalem paierait très cher l'audace de la propagande du Messie nazaréen au détriment de Moïse.

Le proconsul de l'Achaïe dont la résidence se trouvait à Corinthe, un Romain généreux et illustre avait pour habitude d'agir conformément à la justice dans la vie publique. Frère de Sénèque, Junius Gallion était un homme d'une grande bonté et d'une éducation soignée. La procédure initiée contre l'ex-rabbin arriva entre ses mains sans que Paul en ait la moindre connaissance et le nombre des accusations portées par les Israélites était si grand que l'administrateur fut contraint de faire emprisonner l'apôtre pour procéder à l'enquête initiale. Immédiatement, la synagogue sollicita que la tâche de conduire l'accusé au tribunal lui soit déléguée. Loin de connaître les mobiles de cette demande, le proconsul accorda l'autorisation requise, décidant de la comparution des intéressés à l'audience publique du lendemain.

En possession de l'ordre, les Israélites les plus exaltés décidèrent d'arrêter Paul la veille, à un moment où ce fait pouvait scandaliser toute la communauté.

Dans la soirée, à l'heure exacte où l'ex-rabbin pris d'une profonde inspiration commentait l'Évangile, le groupe armé s'est posté devant la porte alors que quelques juifs des plus éminents se sont dirigés à l'intérieur.

Paul a écouté la sentence d'emprisonnement avec une extrême sérénité. Il n'en fut pas de même pour l'assemblée. Il y eut un grand tumulte dans l'enceinte.

Quelques jeunes plus exaltés ont éteint les torches, mais l'apôtre valeureux dans un appel solennel et émouvant s'est écrié :

Frères, voudriez-vous le Christ sans témoignage par hasard ?

La question a résonné dans l'enceinte retenant tous les souffles. Toujours serein, l'ex- rabbin a ordonné que l'on allume la lumière et tendant ses poignets aux juifs stupéfaits, il dit sur un ton inoubliable :

Je suis prêt !...

L'un des membres du groupe dépité par cette supériorité spirituelle s'est avancé et lui a donné un coup de fouet en plein visage.

Quelques chrétiens ont protesté, les porteurs de l'ordre de Gallion ont répondu avec rudesse, mais le prisonnier, sans démontrer la moindre révolte, a clamé à voix haute :

Frères, réjouissons-nous en le Christ Jésus. Restons calmes et joyeux parce que le Seigneur nous a jugé dignes !...

Une grande sérénité se fit alors dans l'assemblée. Plusieurs femmes pleuraient tout bas. Aquiles et sa femme ont adressé à l'apôtre un inoubliable regard et la petite caravane s'est dirigée vers la prison dans l'ombre de la nuit. Jeté au fond d'un cachot humide, Paul fut attaché au tronc du supplice et dut supporter la flagellation des trente-neuf coups de fouet.

Lui-même était surpris. Une paix sublime baignait son cœur de douces consolations. Bien que se sentant seul entouré de cruels persécuteurs, il ressentait une nouvelle confiance en Jésus. Dans ces conditions, les flagellations impitoyables ne lui faisaient pas mal et c'était en vain que les bourreaux cherchaient à torturer son esprit ardent avec des insultes et des railleries. Dans l'épreuve dure et pénible, il comprit joyeusement qu'il avait atteint la région de la paix divine du monde intérieur que Dieu accorde à ses fils après les luttes acerbes et incessantes supportées à la conquête d'eux-mêmes. D'autres fois, l'amour pour la justice l'avait conduit à des situations passionnées, à des désirs mal contenus, à d'âpres polémiques ; mais là, à affronter les coups de fouet qui tombaient sur ses épaules à demi nues, ouvrant des sillons sanglants dans un souvenir plus vif du Christ, il avait l'impression d'arriver à ses bras miséricordieux après des randonnées terribles et amères depuis l'heure où il était tombé aux portes de Damas sous une tempête de larmes et de ténèbres. Plongé dans ces pensées sublimes, Paul de Tarse vécut alors sa première grande extase. Il n'entendait plus les sarcasmes des bourreaux inflexibles, il sentait que son âme se dilatait à l'infini, vivait des émotions sacrées d'un indéfinissable bonheur. Un délicieux sommeil anesthésia son cœur et ce ne fut qu'à l'aube qu'il revint à lui de son doux repos. Le soleil lui rendait visite, joyeux, à travers les barreaux. Le valeureux disciple de l'Évangile s'est relevé frais et dispos, réajusta ses vêtements et attendit patiemment.

Ce ne fut qu'après midi que trois soldats sont descendus au cachot des disciplines judaïques, retirer le prisonnier pour le conduire en présence du proconsul.