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Le lendemain, il convoqua une réunion avec ses amis et compagnons de Corinthe. Il demanda à Abdias d'expliquer de vive voix la situation de Jérusalem et exposa son plan de passer par la capitale du judaïsme avant de se rendre à Rome. Tous ont compris les impératifs sacrés de cette nouvelle résolution. Luc, néanmoins, s'est avancé et a demandé :

Selon ces nouveaux projets, quand prétends-tu partir ?

Dans quelques jours - a-t-il répondu résolu.

Impossible - lui dit le médecin -, nous ne pouvons consentir à ce que tu voyages à pied jusqu'à Jérusalem, d'autant que tu as besoin de te reposer quelques jours après tant de luttes.

L'ex-rabbin a réfléchi un moment et acquiesça :

Tu as raison. Je resterai à Corinthe quelques semaines. Mais je prétends faire le voyage par étapes afin de visiter les communautés chrétiennes car j'ai l'intuition de mon prochain départ pour Rome, et que je ne verrai plus ces chères églises dans ce corps mortel...

Ces paroles furent prononcées sur un ton mélancolique. Luc et ses autres compagnons restèrent silencieux et l'apôtre poursuivit :

Je profiterai de ce temps pour instruire Apollos aux travaux indispensables de l'Évangile dans les diverses régions de l'Achaïe.

Ensuite, voulant effacer la désolante impression de ses affirmations relatives à son voyage à Rome, il donna un nouvel élan à l'auditoire en évoquant des idées optimistes et prometteuses. Il traça un vaste programme pour les disciples et recommanda des activités à la majorité au sein des communautés de toute la Macédoine, ainsi lors de ses adieux tous les frères seraient en poste ; alors que d'autres furent envoyés en Asie avec des instructions identiques.

Au bout de trois mois de séjour à Corinthe, de nouvelles persécutions eurent lieu contre l'institution. La synagogue principale de l'Achaïe avait reçu des injonctions secrètes de Jérusalem qui ordonnaient l'élimination de l'apôtre à tout prix. Paul perçut l'embuscade et fit prudemment ses adieux aux Corinthiens. Il partit à pied en compagnie de Luc et de Silas visiter les églises de Macédoine.

De toute part, il prêcha la parole de l'Évangile, convaincu que c'était la dernière fois qu'il voyait ces paysages.

Ému, il saluait ses amis d'autrefois et faisait des recommandations comme s'il partait pour toujours. Des femmes reconnaissantes, des vieillards et des enfants accouraient pour lui baiser les mains avec tendresse. En arrivant à Philippes dont la communauté fraternelle parlait plus fort à son cœur, sa parole suscita une très forte émotion. L'église aimante qui aspirait à Jésus sur les bords du Gangas, consacrait à l'apôtre des gentils un singulier attachement. Dans une impulsion très humaine, Lydie et ses nombreux assistants voulurent le retenir et insistèrent pour qu'il ne continue pas, se méfiant des persécutions du pharisaïsme. Mais l'apôtre, serein et confiant, leur dit :

- Ne pleurez pas, frères. Je suis convaincu de ma tâche à accomplir et je ne dois pas m'attendre à recevoir des fleurs, ni à vivre des jours heureux. Il m'appartient d'attendre la fin dans la paix du Seigneur Jésus. L'existence humaine est faite de travail incessant et les dernières souffrances sont la couronne du témoignage.

C'étaient sans cesse des exhortations pleines d'espoirs et des joies pour réconforter les plus timides et renouveler la foi des cœurs faibles et souffrants.

Une fois sa tâche terminée aux alentours de Philippes. Paul et ses compagnons naviguèrent en direction de Troas. Dans cette ville, l'apôtre eut un inoubliable succès, la dernière prédication de la septième nuit de son arrivée fut marquée par le célèbre incident avec le jeune Eutyque qui était tombé d'une fenêtre du troisième étage de l'immeuble où se réalisaient les pratiques évangéliques, et qui fut immédiatement secouru par l'ex-rabbin qui le ramassa à demi-mort et le ramena à la vie au nom de Jésus.

À Troas, d'autres confrères se joignirent à la petite caravane. Attentifs à la recommandation de Paul, ils partirent avec Luc et Silas pour Asson afin de louer à prix modique un vieux bateau de pêcheurs, car l'apôtre préférait voyager de cette manière entre les îles et les nombreux ports pour saluer ses amis et ses frères qui travaillaient en ces lieux. Ce fut ainsi que pendant que ses collaborateurs prenaient un bateau confortable, l'ex-rabbin parcourut plus d'une vingtaine de kilomètres, rien que pour le plaisir d'étreindre les humbles continuateurs de sa tâche apostolique grandiose.

Puis à bord d'un bateau très ordinaire, Paul et ses disciples continuèrent leur voyage vers Jérusalem, distribuant des consolations et apportant l'aide spirituelle aux communautés humbles et impénétrables.

Sur toutes les plages, il voyait des gestes émouvants, des adieux poignants. À Éphèse, la scène fut encore plus triste car l'apôtre avait sollicité la présence des anciens et celle de ses amis pour parler plus particulièrement à leur cœur. Il ne désirait pas débarquer pour prévenir de nouveaux conflits qui retarderaient sa marche, mais en témoignage de son amour et de sa reconnaissance, la communauté toute entière alla à sa rencontre, touchant profondément son âme affectueuse.

Marie elle-même, d'un âge avancé, a accouru de loin en compagnie de Jean et de bien d'autres disciples pour apporter une parole d'amour au paladin téméraire de l'Évangile de son Fils. Des anciens le reçurent avec d'ardentes démonstrations d'amitié, les enfants lui offraient des collations et des fleurs.

Extrêmement ému, Paul de Tarse leur fît ses adieux et quand il affirma avoir le pressentiment qu'il ne reviendrait pas là dans son corps mortel, il y eut de grandes explosions de tristesse parmi les Éphésiens.

Comme touchés par la grandeur spirituelle de ce moment, presque tous se sont agenouillés sur le tapis blanc de la plage et ont demandé à Dieu de protéger le dévoué combattant du Christ.

En recevant de si belles manifestations d'affection, l'ex-rabbin les a étreints, un à un, les yeux en larmes. La plupart se jetait en pleurs dans ses bras aimants, baisant ses mains calleuses et vieillies. Finalement étreignant la Très Sainte Mère, Paul a pris sa dextre pour y déposer un baiser d'une tendresse toute filiale.

Le voyage se poursuivit avec les mêmes caractéristiques. Rhodes, Patare, Tyr, Ptolémaïs et, finalement, Césarée. Dans cette ville, ils furent logés chez Philippe qui s'y était installé depuis longtemps. Le vieux compagnon de lutte informa Paul des moindres faits encourus à Jérusalem où tous attendaient beaucoup de son effort personnel pour la pérennité de l'église. Très vieux, le généreux Galiléen parla du paysage spirituel de la ville des rabbins sans cacher les craintes que la situation lui causait. Tout cela contraria beaucoup les missionnaires. Agabus, que Paul avait déjà rencontré à Antioche, était venu de Judée et, en transe médiumnique lors de la première réunion intime chez Philippe, il formula les plus sinistres prédictions. Les perspectives étalent si sombres que Luc lui-même en pleura. Les amis ont supplié Paul de Tarse de ne pas partir. Pour eux, la liberté et la vie au bénéfice de la cause était préférable.

Mais lui, toujours prêt et déterminé, fit allusion à l'Évangile et il commenta le passage où le Maître prédisait les martyres qui l'attendaient sur la croix et conclut à la hâte :

- Pourquoi pleurez-vous pour attendrir mon cœur ? Les partisans du Christ doivent être prêts à tout. Pour ma part, je suis disposé à donner mon témoignage, même si je dois mourir à Jérusalem au nom du Seigneur Jésus !...

L'impression laissée par les présages d'Agabus n'avait pas encore disparu que la maison de Philippe reçut une nouvelle surprise le lendemain. Les chrétiens de Césarée amenèrent à l'ex-rabbin un émissaire de Jacques, du nom de Mnason. L'apôtre galiléen avait appris l'arrivée du converti de Damas au port palestinien et s'empressait de le contacter en lui envoyant un porteur dévoué à la cause commune. Mnason expliqua à l'ex-rabbin la raison de sa présence et l'avertit des dangers qu'il aurait à affronter à Jérusalem où la haine sectaire était en effervescence et atteignait les plus atroces persécutions. Étant donné l'exaltation et la vigilance du judaïsme, Paul ne devait pas immédiatement se rendre à l'église, mais loger chez lui, le messager, où Jacques irait lui parler en privé et décider ainsi ce qui convenait le mieux aux intérêts sacrés du christianisme. Après cela, l'apôtre des gentils serait reçu dans l'institution de Jérusalem pour discuter avec les actuels directeurs du futur de la maison.