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L'apôtre lui a adressé un regard d'une indicible sérénité et a répliqué.

Prêtre, surveillez votre cœur pour ne pas tomber dans des mesures répressives injustes. Les hommes, comme vous, sont comme les murs blanchis des tombes, mais vous ne pouvez ignorer que vous serez aussi rattrapés par la justice de Dieu. Je connais trop bien les lois dont vous êtes devenu l'exécuteur. Si vous êtes Ici pour juger, comment et pourquoi ordonnez-vous de châtier ?

Mais avant qu'il n'ait eu le temps de continuer, un petit groupe de préposés d'Ananie s'est avancé avec de petits fouets, le blessant aux lèvres.

Comment oses-tu injurier le sacerdote suprême ? -s'exclamaient-ils fous de colère. - Tu paieras pour tes insultes !...

Des balafres marquaient le visage ridé et vénérable de l'ex-rabbin, sous les applaudissements généraux. Des voix ironiques s'élevaient sans cesse au sein de la foule infâme. Certains réclamaient plus de sévérité, d'autres d'une voix de stentor demandaient la lapidation. La sérénité de l'apôtre était un véritable témoignage et les esprits impulsifs et criminels s'en irritaient d'autant plus. Certains groupes d'Israélites plus vils se faisaient remarquer et, coopérant avec les bourreaux, lui crachaient au visage. Le tumulte était général. Paul essaya de parler, de s'expliquer plus en détail, mais la confusion était telle que l'on entendait rien et plus personne ne se comprenait.

Délibérément, le sacerdote suprême permettait un tel désordre. Les principaux éléments du Sanhédrin désiraient exterminer l'ex-docteur à tout prix. Le tribunal ne s'était prêté à la farce de ce jugement que parce qu'il avait perçu l'intérêt personnel de Claude Lysias pour le prisonnier. Sans cela, Paul de Tarse aurait été assassiné à Jérusalem pour satisfaire les sentiments odieux des ennemis gratuits de sa tâche apostolique bénie. À la demande du tribun présent à la réunion commémorative, Ananie réussit à rétablir le calme ambiant. Après des appels désespérés, l'assemblée devint silencieuse, dans l'attente.

Paul avait le visage en sang, sa tunique était en lambeaux, mais à l'étonnement et à la stupeur générale, il révélait dans son regard, contrairement à une autre époque et dans des circonstances de cette nature, une grande tranquillité fraternelle, laissant percevoir qu'il comprenait et pardonnait les offenses de l'ignorance.

Se supposant dans une position favorable, le sacerdote suprême ajouta sur un ton arrogant :

Tu devrais mourir comme ton Maître sur une croix méprisable ! Déserteur des traditions sacrées de la patrie et blasphémateur criminel, les souffrances que tu commences à éprouver parmi les fils légitimes d'Israël ne suffisent pas pour juste punition !...

L'apôtre, néanmoins, loin d'être effrayé a tranquillement répliqué :

Ce jugement précipité est le vôtre... Je ne mérite pas la croix du Rédempteur car sa couronne est excessivement glorieuse pour moi ; néanmoins, tous les martyres du monde seraient justement appliqués au pécheur que je suis. Vous craignez les souffrances parce que vous ne connaissez pas la vie éternelle, vous considérez les épreuves comme ceux qui ne voient rien au-delà de ces jours éphémères de l'existence humaine. La politique mesquine a éloigné votre esprit des visions sacrées des prophètes !... Les chrétiens le savent, ils connaissent une autre vie spirituelle, leurs espoirs ne reposent pas sur de faux triomphes qui vont pourrir avec le corps dans la tombe ! La vie n'est pas ce que nous voyons dans la banalité de tous les jours terrestres ; c'est avant tout l'affirmation de l'immortalité glorieuse avec Jésus-Christ !

La parole de l'orateur semblait maintenant magnétiser de tout son poids l'assemblée. Ananie lui-même, malgré sa colère sourde se sentait incapable de toute réaction, comme si quelque chose de mystérieux l'obligeait à entendre jusqu'au bout. Imperturbable dans sa sérénité, Paul de Tarse a continué :

Continuez à me blesser ! Crachez-moi à la face ! Battez-moi ! Ce martyrologue exalte en moi un espoir supérieur, car j'ai déjà créé en mon for intérieur un sanctuaire intangible à vos mains et où Jésus régnera pour toujours...

Que désirez-vous - a-t-il continué d'une voix ferme - avec vos émeutes et vos persécutions ? Après tout, quel motif avez-vous à générer tant de luttes stériles et destructrices ? Les chrétiens travaillent, comme Moïse l'a fait pour la croyance en Dieu et en notre glorieuse résurrection. Il est inutile de diviser, de fomenter la discorde, de vouloir cacher la vérité avec les illusions du monde. L'Évangile du Christ est le soleil qui illumine les traditions et les coutumes de la Loi Antique !...

Pendant ce temps cependant, à la stupéfaction de beaucoup, un nouveau vacarme se fit entendre. Les Saducéens se sont lancés contre les Pharisiens avec des gestes et des apostrophes délirantes. En vain, le sacerdote suprême chercha à calmer les esprits. Un groupe plus exalté essayait de s'approcher de l'ex-rabbin, prêt à l'étrangler.

Ce fut là que Claude Lysias, faisant appel aux soldats, se fit entendre dans l'assemblée menaçant les opposants. Surpris par ce fait insolite car les Romains ne voulaient jamais intervenir sur des sujets religieux relatifs à la race, les turbulents Israélites se sont immédiatement inclinés. Le tribun s'est alors adressé à Ananie et demanda la fermeture des travaux déclarant que le prisonnier retournerait en prison à la tour Antonia, jusqu'à ce que les juifs décident de résoudre le cas avec plus de discernement et de sérénité.

Les autorités du Sanhédrin n'ont pas masqué leur grand étonnement, mais comme le gouverneur de la province était en permanence à Césarée, il ne serait pas raisonnable de négliger son préposé à Jérusalem.

Avant que de nouveaux tumultes ne surgissent, Ananie déclara que le jugement de Paul de Tarse, selon l'ordre reçu, continuerait lors de la prochaine session du tribunal qui aurait lieu dans trois jours.

Avec beaucoup de précautions, les gardes emmenèrent le prisonnier, tandis que les Israélites les plus éminents cherchaient à contenir les protestations isolées de ceux qui accusaient Claude Lysias de partial et de sympathisant du nouveau credo.

Une fois reconduit dans sa cellule silencieuse, Paul put respirer et se reprendre pour affronter la situation.

Ressentant une sympathie bien justifiée pour cet homme valeureux et sincère, le tribun prit de nouvelles dispositions en sa faveur. L'ex-docteur de la Loi était plus satisfait et soulagé. Il eut un garde pour le servir en cas de besoin, il reçut de l'eau en abondance, des médicaments, des aliments et la visite de ses amis les plus proches. Ces démonstrations d'estime l'émouvaient beaucoup. Spirituellement, il se sentait presque plus conforté ; son corps blessé lui faisait mal malgré tout et physiquement il était exténué... Après avoir parlé quelques minutes avec Luc et Timothée, conformément à l'autorisation reçue, il ressentit que certaines inquiétudes affligeaient son cœur. Serait-il juste de penser faire un voyage à Rome quand son état physique était si précaire ? Résisterait-il longtemps aux dures persécutions initiées à Jérusalem ? Et pourtant les voix du monde supérieur lui avaient promis ce voyage à la capitale de l'Empire... Il ne pouvait douter des promesses faites au nom du Christ. Une fatigue certaine alliée à une grande amertume, commençait à infirmer ses espoirs toujours actifs. Mais tombant dans une espèce de torpeur, il perçut, comme d'autres fois, qu'une vive clarté inondait la cellule en même temps qu'une voix douce lui murmurait :