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Réjouis-toi des douleurs qui sauvent et illuminent la conscience ! Même si les souffrances se multiplient, les joies divines de l'espérance se renouvellent !... Garde ton enthousiasme car tout comme tu as témoigné pour moi à Jérusalem, il importe que tu le fasses aussi à Rome !...

Immédiatement, il a senti que de nouvelles forces confortaient son organisme abattu.

La clarté du matin le surpris presque bien disposé. Aux premières heures du jour, très anxieux Stéphane revint le voir. Reçu avec un affectueux intérêt, le jeune garçon informa son oncle des graves projets qui se conspiraient dans l'ombre. Les juifs avaient juré d'exterminer le converti de Damas, même si pour cela ils devaient assassiner Claude Lysias lui-même. L'environnement au Sanhédrin était empreint d'activités odieuses. Ils projetaient de tuer le prédicateur des gentils en plein jour lors de la prochaine session du tribunal. Plus de quarante comparses, des plus fanatiques, avaient solennellement juré de réaliser cette sinistre mission. Paul a tout entendu et calmement appela le garde et lui dit :

Je te demande de conduire ce jeune garçon devant le chef des tribuns pour qu'il l'entende sur un sujet urgent.

C'est ainsi que Stéphane fut reçu par Claude Lysias à qui il présenta la dénonciation. Avec le tact politique qui caractérisait ses décisions, l'astucieux et noble patricien promit d'examiner la question, sans laisser présumer de l'adoption de mesures définitives pour tromper la conspiration. Il le remercia de l'information reçue et recommanda au jeune garçon la plus grande discrétion quant aux commentaires concernant la situation, afin de ne pas exacerber davantage les esprits partisans.

Dans la solitude de son cabinet, le tribun romain réfléchit sérieusement à ces funestes perspectives. Avec sa capacité de conjurer les intrigues, le Sanhédrin était capable de provoquer l'agitation du peuple toujours versatile et agressif. Des rabbins passionnés pouvaient mobiliser des criminels et peut-être même assassiner dans des conditions spectaculaires. Mais la dénonciation partait d'un jeune garçon, presque un enfant. De plus, il s'agissait du neveu du prisonnier. Aurait-il dit la vérité ou s'agissait-il d'un simple instrument d'une possible mystification affective née d'une juste inquiétude familiale ? Par chance, il n'avait pas encore réussi à dissiper ses doutes quant à la conduite à tenir que quelqu'un demanda la faveur d'une entrevue. Désireux de marquer une pause à de si graves cogitations, il accéda rapidement à cette sollicitation. Il ouvrit sa luxueuse porte et un vieillard au visage calme est apparu souriant. Claude Lysias en fut réjoui. Il le connaissait bien. Il lui devait des faveurs. Le visiteur inattendu était Jacques, il venait interposer sa généreuse influence en faveur du grand ami de ses constructions évangéliques. Le fils d'Alphée répéta le plan déjà dénoncé par Stéphane, quelques minutes plus tôt. Et en dit davantage. Il lui raconta l'histoire émouvante de Paul de Tarse, se révélant être un témoin impartial de toute sa vie et ajouta que l'apôtre était venu en ville suite à sa demande insistante afin de prendre des mesures provisoires en matière de propagande. Il conclut son exposé empressé en demandant à l'ami illustre des mesures efficaces pour éviter le monstrueux attentat.

Plus soucieux maintenant, le tribun réfléchit :

Vos considérations sont justes, toutefois, je pressens des difficultés à coordonner des mesures immédiates. Ne vaudrait-il pas mieux attendre que les faits se présentent et réagir alors en usant de la force contre la force ?

Jacques a esquissé un sourire de doute et répondit :

Il me semble que votre autorité devrait prendre des mesures urgentes. Je connais les passions judaïques et la fureur de ses manifestations. Jamais je ne pourrai oublier l'odieux ferment des pharisiens, le jour du Calvaire. Si je crains pour le sort de Paul, je crains également pour vous-même. La foule de Jérusalem est très souvent criminelle.

Lysias a froncé le front et a longuement réfléchi. Mais l'arrachant à son indécision, le vieux Galiléen lui a présenté l'idée de faire transférer le prisonnier à Césarée en vue d'un jugement plus juste. La mesure aurait la vertu de soustraire l'apôtre de l'environnement exacerbé de Jérusalem et faire avorter le début du plan d'homicide ; en outre, le tribun resterait libre de tous soupçons injustes et maintiendrait intègres les traditions de respect autour de son nom de la part des juifs malveillants et ingrats. Le fait ne serait connu que des plus intimes et le patricien désignerait une escorte de soldats courageux pour accompagner le prisonnier qui ne sortirait de Jérusalem qu'après minuit.

Claude Lysias considéra l'excellence de ces suggestions et promit de les mettre en pratique le soir même.

Dès que Jacques l'eut salué, le Romain a appelé deux assistants de confiance et leur a donné les premiers ordres pour former une escorte forte de cent-trente soldats, deux-cents archers et soixante-dix cavaliers, sous la protection de qui, Paul de Tarse aurait à comparaître devant le gouverneur Félix, au grand port palestinien. Conformément aux instructions reçues, les préposés réservèrent au prisonnier l'une des meilleures montures.

Tard dans la nuit, à sa grande surprise, Paul de Tarse fut appelé. Claude Lysias lui expliqua en quelques mots l'objectif de sa décision et la grande caravane partit en silence vers Césarée.

Compte tenu du caractère secret des mesures prises, le voyage se passa sans incidents dignes d'être mentionnés. Ce n'est que plusieurs heures plus tard que les informations en question quittèrent la tour Antonla, convainquant les juifs, à leur grande déception, de l'inutilité de toutes représailles.

À Césarée, le gouverneur reçut l'expédition avec beaucoup d'étonnement. Il connaissait la réputation de Paul et il n'était pas sans ignorer les luttes qu'il soutenait avec ses frères de race, mais cette caravane de quatre cents hommes armés pour protéger un prisonnier le laissait stupéfait.

Après le premier interrogatoire, le plus haut préposé de l'Empire de la province prit la décision suivante :

Vu l'origine judaïque de l'accusé, je ne peux rien juger sans entendre l'organe compétent de Jérusalem.

Et il ordonna que le Sanhédrin se fasse représenter au siège du gouvernement dans la plus grande urgence.

Cet ordre sut largement satisfaire les Israélites.

En conséquence, cinq jours après le déplacement de l'apôtre, Ananie lui-même, à la tête de l'ensemble des autorités du Sanhédrin et du Temple, accourut à Césarée avec les projets les plus étranges concernant la situation de l'adversaire. Connaissant le pouvoir de son inexorable logique et la grandeur de la parole de l'ex-docteur de Tarse, les vieux rabbins se firent accompagner de Tertule, l'une des intelligences les plus remarquables qui aient coopérer au respectable collège.

Une fois le tribunal improvisé mis en place pour décider des faits, l'orateur du Sanhédrin eut le premier la parole, et formula de lourdes accusations contre le suspect. Il dessina sous de sombres aspects toutes les activités du christianisme et finit par demander au gouverneur de livrer l'accusé à ses frères de race afin d'être dûment jugé par eux-mêmes.

C'est alors que l'occasion de s'expliquer fut accordée à l'ex-rabbin. Paul se mit à parler avec une grande sérénité. Félix a immédiatement constaté ses dons intellectuels élevés, les beautés dialectiques qu'il évoquait et écouta ses arguments avec un rare intérêt. Les anciens de Jérusalem ne savaient pas cacher leur propre colère. S'ils l'avaient pu, ils auraient écartelé l'apôtre à cet instant même, telle était leur irritation qui contrastait avec la tranquillité transparente de l'oratoire et celle de l'orateur infortuné.

Embarrassé, le gouverneur eut du mal à prononcer un « verdict ». D'un côté, il y avait les anciens d'Israël dans une attitude presque colérique qui réclamaient les droits de la race ; de l'autre, il contemplait l'apôtre de l'Évangile, calme, imperturbable, Seigneur spirituel du sujet qui éclaircissait tous les points obscurs du procès singulier qui lui était fait avec sa parole élégante et réfléchie.