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Ne nous attristons pas pour ça ! J'ai la certitude que les obstacles vont être plus grands qu'ils ne peuvent le soupçonner. Nous pourrons, cependant, jouir de quelque avantage car dans les heures angoissantes, nous nous souviendrons du pouvoir de Jésus qui nous a avertis à temps.

Le voyage se poursuivit entre les craintes et les espoirs. Le centurion lui-même était maintenant convaincu du caractère inopportun d'amarrer à Kaloi Limenes car lors des deux jours qui suivirent le conseil de l'apôtre, les conditions atmosphériques s'améliorèrent. Mais dès qu'ils furent en haute mer en route vers Phénix, un ouragan imprévisible s'est brusquement abattu. Ils ne purent rien y faire. Le bateau ne pouvait affronter la tempête et ils furent contraints de le laisser voguer à la merci des vents impétueux qui l'emportèrent très loin au beau milieu d'un brouillard très dense. Des souffrances angoissantes commencèrent pour ces créatures isolées dans l'abîme révolté des vagues agitées. La tempête semblait s'éterniser. Il y avait presque deux semaines que le vent hurlait incessant, destructeur. Tout le chargement de blé avait été déchargé, tout ce qui représentait un excès de poids, sans utilité immédiate, avait été avalé par le monstre insatiable et rugissant !

La figure de Paul fut alors dévisagée avec vénération. L'équipage du navire ne pouvait oublier sa suggestion. Le pilote et le commandant étaient confondus et le prisonnier fut traité avec respect et la considération unanime. Le centurion surtout restait constamment auprès de lui, croyant que l'ex-rabbin disposait de pouvoirs surnaturels et protecteurs. L'abattement moral et le mal de mer répandirent le découragement et la terreur. Le généreux apôtre, néanmoins, secourait tout le monde, les uns après les autres, les obligeant à se nourrir et les consolant moralement. De temps en temps, il exprimait une parole éloquente et avec l'autorisation de Jules, il parlait aux compagnons de cette heure arrière, cherchant à comparer les questions spirituelles avec le spectacle convulsif de la nature :

Frères ! - dit-il d'une voix forte à cette étrange assemblée qui l'écoutait remplie d'angoisse - je crois que nous toucherons bientôt la terre ferme ! Toutefois, assumons l'engagement de ne jamais oublier la terrible leçon de cette heure. Nous chercherons à marcher de par le monde comme un marin vigilant qui, ignorant le moment de la tempête, garde la certitude de son arrivée. Le passage de l'existence humaine à la vie spirituelle ressemble à l'instant amer que nous vivons sur ce bateau depuis plusieurs jours. Vous n'ignorez pas que nous avons été informés des dangers que nous courrions dans le dernier port qui nous invitait à y séjourner, libres de tout accident destructeur. Nous sommes partis en haute mer de notre propre initiative. Le Christ Jésus nous accorde aussi les recommandations célestes de son Evangile de Lumière, mais fréquemment nous optons pour l'abîme des expériences pénibles et tragiques. L'illusion, comme le vent du sud, semble démentir les mises en garde du Sauveur et nous poursuivons sur le chemin de notre imagination viciée, mais la tempête arrive soudain. Il faut passer d'une vie à l'autre afin de rectifier l'itinéraire inéluctable. Nous commençons à décharger le lourd poids de nos tromperies cruelles, nous abandonnons les caprices criminels pour accepter pleinement la volonté auguste de Dieu. Nous reconnaissons notre insignifiance et notre misère, nous ressentons un dégoût immense des erreurs qui nourrissent notre cœur, tout comme nous percevons le peu que nous sommes dans cette carcasse de bois fragile, flottant vers l'abîme, pris d'un singulier mal de mer qui provoque des nausées extrêmes ! La fin de l'existence humaine est toujours une tempête comme celle-ci dans les régions inconnues du monde intérieur car nous ne sommes jamais prêts à entendre les conseils divins vu que nous cherchons la tempête angoissante et destructrice étant responsable du parcours de notre vie.

L'assemblée effrayée écoutait ses propos envahie d'une innommable terreur. Remarquant qu'ils s'étreignaient tous, solidaires dans l'angoisse commune, il poursuivit :

Contemplons le tableau de nos souffrances. Voyez comme le danger enseigne d'emblée la fraternité. Nous sommes ici, patriciens romains, commerçants d'Alexandrie, ploutocrates de Phénicie, autorités, soldats, prisonniers, femmes et enfants... Bien que différents les uns des autres, devant Dieu la douleur rapproche nos sentiments dans un même objectif de salut pour retrouver la paix. Je crois que la vie sur la terre ferme serait très différente si les créatures se comprenaient comme cela se produit ici, maintenant, sur la vaste étendue des mers.

Certains étalent pris de dépit en entendant ces propos édifiants, mais la grande majorité s'approchait reconnaissant en lui l'inspiration supérieure, tous désireux de se réfugier à l'ombre de sa vertu héroïque.

Au bout de quatorze jours de brouillard et de tempête, le bateau alexandrin atteignait finalement l'île de Malte. Une énorme joie générale s'empara de tout le monde, mais dès que le commandant vit s'éloigner le danger, se sentant humilié par l'attitude de l'apôtre pendant le voyage, il suggéra à deux soldats de faire assassiner les prisonniers de Césarée avant qu'ils n'aient eu le temps de s'échapper. Les préposés du centurion acceptèrent d'assumer cette tâche, mais Jules s'y opposa catégoriquement laissant percevoir la transformation spirituelle qui le subjuguait maintenant à la lumière de l'Évangile rédempteur. Les prisonniers qui savaient nager se jetèrent à l'eau courageusement ; les autres saisirent les canots improvisés cherchant à rejoindre la plage.

Les natifs de l'île, ainsi que les quelques Romains qui habitaient là au service de l'administration, accueillirent les naufragés avec sympathie, mais comme ils étaient nombreux, il n'y eut pas assez de place pour tous le monde. Un froid intense congelait les plus résistants. Paul, néanmoins, donnant la preuve de son courage et de son expérience à affronter les intempéries, donna l'exemple aux plus accablés et de grands feux furent rapidement allumés pour réchauffer les sans-abri. Mais alors que l'apôtre lançait un bout de branche sèche dans les flammes crépitantes, une vipère a planté ses dents pleines de venin dans sa main. L'ex-rabbin l'a tenue en l'air d'un geste calme jusqu'à ce qu'elle tombe dans les flammes, à la stupéfaction générale. Luc et Timothée se sont approchés angoissés. Le chef de cohorte et quelques amis étaient désolés Voyant ce qui s'était passé, les natifs de l'île donnèrent l'alarme assurant que le reptile était l'un des plus vénéneux de toute la région et que les victimes ne survivaient pas plus de quelques heures.

Les habitants impressionnés s'éloignèrent discrètement. D'autres effrayés affirmaient :

Cet homme doit être un grand criminel car bien qu'il ait été sauvé des vagues sauvages, il vient trouver ici la punition des dieux.

Ils n'étaient pas rares ceux qui attendaient la mort de l'apôtre à compter les minutes. Paul, quant à lui, se réchauffait comme il le pouvait, il observait l'expression physionomique de chacun et priait avec ferveur. Devant le pronostic des gens de l'île, Timothée s'est approché de Paul et lui fit part de ce qu'ils disaient à son sujet.

L'ex-rabbin a souri et a murmuré :

Ne sois pas impressionné. Les opinions du peuple sont très inconstantes, je le sais de ma propre expérience. Soyons attentifs à nos devoirs, car l'ignorance est toujours prête à transiter de la malédiction à l'éloge et vice versa. Il est bien possible que d'ici à quelques heures, us me considèrent comme un dieu.