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À Séleucie, l'attente pour prendre un bateau ne fut pas très longue. La ville était toujours pleine de pèlerins qui partaient pour l'Occident et était fréquentée par un grand nombre de navires de tous genres. Enthousiasmé par l'accueil que leurs frères de foi leur avaient réserve, Barnabe et Saûl embarquèrent pour Chypre sous l'impression d'émouvants et doux adieux.

Ils arrivèrent sur l'île avec le jeune Jean-Marc, saris grand incident. Ils s'arrêtèrent à Citiuni pendant plusieurs jours, là Barnabe résolut plusieurs problèmes d'ordre familial.

Avant de partir, un samedi, ils visitèrent la synagogue dans l'intention d'initier leur mouvement. Comme chef de mission, Barnabe prit la parole et chercha à conjuguer le texte de la Loi étudié ce jour avec les leçons de l'Évangile pour souligner la supériorité de la mission du Christ. Saûl remarqua que son compagnon exposait le sujet avec un respect légèrement excessif vis-à-vis des traditions judaïques. Il était évident qu'il désirait, avant tout, conquérir la sympathie de l'auditoire ; et en certains points, il semblait craindre d'initier le travail, d'entamer la lutte si contraire à son tempérament. Les Israélites furent surpris, mais satisfaits. Observant ce tableau, Saûl ne s'est pas senti entièrement convaincu. Faire des reproches à Barnabe serait une marque d'ingratitude et d'indiscipline ; être en accord avec le sourire des compatriotes qui persévéraient dans les erreurs de l'imposture pharisienne serait nier leur fidélité à l'Évangile.

Il chercha à se résigner et attendit.

La mission avait couvert de nombreuses localités où des vibrations de sympathie s'étaient largement manifestées. À Amathonte, les messagers de la Bonne Nouvelle s'arrêtèrent plus d'une semaine. La parole de Barnabe était profondément complaisante. Il cherchait avant tout à ne pas offenser les susceptibilités judaïques.

Après beaucoup d'efforts, ils arrivèrent à Neapuphos où habitait le proconsul. Le siège du gouvernement provincial était une belle ville pleine d'enchantements naturels qui se démarquait par de solides expressions culturelles. Le disciple de Pierre, néanmoins, était épuisé. Jamais, il n'avait eu de travail apostolique aussi intense. Connaissant l'insuffisance du talent oratoire de Saûl dans le cadre des services réalisés à l'église d'Antioche, il craignait de confier à l'ex-rabbin les responsabilités directes de leur enseignement. Bien que se sentant exténué, il prêcha dans la synagogue, le samedi suivant. En ce jour, néanmoins, il était divinement inspiré. La présentation de l'Évangile fut faite avec une éloquence rare. Saûl lui- même en fut profondément ému. Le succès fut inouï. À la deuxième assemblée, étaient réunis les éléments les plus brillants où s'étaient rassemblés avec empressement des Juifs et des Romains. L'ex-lévite avait fait une nouvelle apologie du Christ, révélant des idées d'une merveilleuse beauté spirituelle. L'ex-docteur de la Loi, quant à lui, dans le cadre des travaux d'information relatifs à leur mission, répondait avec amabilité à toutes les consultations, demandes ou renseignements. Aucune ville ne manifesta autant d'intérêt. En grand nombre, les Romains venaient solliciter des éclaircissements quant aux objectifs des messagers, ils recevaient des nouvelles du Christ, révélaient des joies et des espoirs, se distinguaient par des gestes spontanés de bonté. Enthousiasmés par leur succès, Saûl et Barnabe organisèrent des réunions chez des particuliers dont le foyer était spécialement cédé à ces fins par des sympathisants de la doctrine de Jésus, où ils commencèrent un beau mouvement de guérisons. Avec une Joie infinie, le tisserand de Tarse vit arriver la longue file des « enfants du Calvaire ». C'étaient des mères tourmentées, des malades déçus, des vieillards sans espoir, des orphelins souffrants qui maintenant venaient voir In mission. La nouvelle des guérisons jugées impossibles a rempli Neapaphos d'une grande stupeur. Les missionnaires imposaient leurs mains tout en faisant de ferventes prières au Messie nazaréen ; d'autres fois, ils distribuaient de l'eau pure en son nom. Extrêmement fatigué et se disant que le nouvel auditoire n'exigeait pas de plus grande érudition, Barnabe a donc chargé son compagnon de prêcher la Bonne Nouvelle ; mais à sa grande surprise, il constata que Saûl avait radicalement changé. Son verbe semblait enflammé d'une nouvelle lumière ; il tirait de l'Évangile des illations si profondes que l'ex-lévite l'écoutait maintenant sans dissimuler son étonnement. Il remarqua, plus particulièrement, la dévotion avec laquelle l'ex-docteur présentait les enseignements du Christ aux mendiants et aux malades. Il parlait comme quelqu'un qui aurait coexisté avec le Seigneur pendant de longues années. Il se rapportait à certains passages des leçons du Maître avec des larmes dans les yeux. De fabuleuses consolations se déversaient dans l'esprit des foules. Jour et nuit, il y avait des ouvriers et des studieux copiant les annotations de Lévi.

Ces événements agitèrent beaucoup l'opinion publique de la ville. Les résultats étaient des plus encourageants. Les missionnaires eurent bientôt une énorme surprise.

La matinée de ce jour était avancée et Saûl s'occupaient des nombreux nécessiteux quand un légionnaire romain s'est fait annoncer.

Barnabe et son compagnon laissèrent Jean-Marc s'occuper de leurs services pour entendre ce que le légionnaire avait à dire.

Le proconsul Serge Paul - a dit le messager, solennellement —vous invite à lui rendre visite dans son palais.

Le message était bien plus un ordre qu'une invitation. Le disciple de Simon comprit immédiatement et répondit :

Nous le remercions de tout cœur et nous viendrons aujourd'hui même.

L'ex-rabbin était confus, ce n'était pas seulement le contenu politique de cet événement qui le surprenait beaucoup. En vain, il cherchait à se rappeler quelque chose. Serge Paul ? Ne connaissait-il pas quelqu'un portant ce nom ? Il chercha à se souvenir des jeunes d'origine romaine de sa connaissance. Puis finalement, lui revint en mémoire la narration de

Pierre sur la personnalité d'Etienne et il en conclut que le proconsul ne pouvait être que le sauveur du frère d'Abigail.

Sans partager ses impressions personnelles avec Barnabe, il examina la situation en sa compagnie. Quels étaient les objectifs à cette délicate intimation ? Selon la rumeur publique, le chef politique souffrait d'une maladie tenace. Désirerait-il être soigné ou, peut-être, trouver un moyen de les expulser de l'île, induit à cela par les Juifs ? La situation, néanmoins, ne se résoudrait pas en conjectures.

Une fois qu'ils eurent chargé Jean-Marc de s'occuper de tous ceux qui s'intéressaient à la doctrine, concernant les informations à fournir, les deux amis se sont mis résolument en chemin.

Parcourant de longues galeries, ils se retrouvèrent devant un homme relativement jeune, allongé sur un large divan, qui laissait percevoir un abattement extrême. Maigre, pâle, il révélait un singulier désenchantement pour la vie. Le proconsul apparentait, néanmoins, une bonté immense dans la douce irradiation de son humble regard mélancolique.

Il reçut les missionnaires avec beaucoup de sympathie et leur présenta un mage juif du nom de Barjésus qui le soignait depuis longtemps. Prudemment, Serge Paul fit ordonner que les gardes et les serviteurs se retirent. Il ne restait plus qu'eux quatre, dans une certaine intimité, et le malade leur parla avec une amère sérénité :

Messieurs, de nombreux amis m'ont donné des nouvelles concernant vos succès dans la ville de Neapaphos. Vous avez guéri des maladies dangereuses, rendu la foi à un grand nombre, consolé de misérables souffrants... Depuis plus d'un an, je soigne ma mauvaise santé. Dans ces conditions, je suis presque inutile à la vie publique.