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Indiquant Barjésus qui, à son tour, fixait de son regard malicieux les visiteurs, le chef romain a continué :

Depuis longtemps j'ai engagé les services de votre compatriote, soucieux et confiant en la science de notre temps, mais les résultats ont été insignifiants. J'ai ordonné de vous faire appeler, désireux d'expérimenter vos connaissances. Ne trouvez pas mon attitude étrange. Si je l'avais pu, je serais allé vous voir en personne car je connais les limites de mes prérogatives ; mais comme vous le voyez, Je ne suis avant tout qu'un nécessiteux.

Saûl écoutait ces déclarations, profondément ému par la bonté naturelle de l'illustre patient. Barnabe était stupéfait, sans savoir quoi dire. Mais l'ex-docteur de la Loi, maître de la situation et presque sûr que le personnage était le même que celui qui figurait dans l'existence du martyr victorieux, prit la parole et dit convaincu :

Noble proconsul, nous avons effectivement en nous le pouvoir d'un grand médecin. Nous pouvons guérir quand les malades sont prêts à le comprendre et à le suivre.

Mais qui est-il ? - a demandé le patient.

Il s'appelle le Christ Jésus. Sa parole est sacrée -continua le tisserand avec insistance - et cherche à traiter, avant tout, la cause de tous les maux. Comme nous le savons, tous les corps sur terre devront mourir. Ainsi, conformément aux lois naturelles inéluctables, jamais nous n'aurons en ce monde, la santé physique absolue. Notre organisme souffre de l'action de tous les processus ambiants. La chaleur dérange, le froid nous fait trembler, l'alimentation nous modifie, les actes de la vie déterminent le changement de nos habitudes. Mais le Sauveur nous enseigne à chercher une santé plus réelle et plus précieuse qui est celle de l'esprit. En la possédant, nous aurons transformé les causes d'inquiétude de notre vie, et nous serons habilités à jouir d'une relative santé physique que le monde peut offrir dans ses expressions transitoires.

Tandis que Barjésus, ironique et souriant, l'écoutait dans un premier temps, Serge Paul accompagnait la pensée de l'ex-rabbin, attentif et ému :

Mais alors comment trouver ce médecin ? - a demandé le proconsul, plus inquiet par sa guérison que par le sens métaphysique élevé des commentaires entendus.

Il est la bonté en personne - a déclaré Saûl de Tarse - et son action réconfortante est de toute part. Avant même que nous le comprenions, il nous entoure de l'expression de son amour infini !...

Observant l'enthousiasme avec lequel le missionnaire tarsien parlait, le chef politique de Neapaphos chercha l'approbation de Barjésus d'un regard interrogateur.

Le mage juif qui démontrait un profond dédain, s'exclama :

Nous pensions que vous étiez pourvus d'une nouvelle science... Je ne peux croire ce que j'entends. Supposeriez-vous que je suis ignorant concernant le faux prophète de Nazareth ? Vous osez franchir le palais d'un gouverneur, au nom d'un misérable charpentier ?

Saûl mesura toute l'extension de ces ironies et répondit sans s'intimider :

Ami, quand je portais le masque pharisien, moi aussi je pensais de cette manière ; mais maintenant que je connais la glorieuse lumière du Maître, le Fils du Dieu vivant !...

Ces mots furent prononcés avec une si grande conviction que le charlatan Israélite lui- même devin livide. Barnabe était pâle, tandis que le noble patricien observait le brûlant prédicateur avec un intérêt évident. Après une angoissante attente, Serge Paul a repris la parole :

Je n'ai pas le droit de douter de qui que ce soit tant que des preuves concluantes ne m'amènent pas à le faire.

Et cherchant à fixer le visage de Saûl qui affrontait son regard incisif, il poursuivit calmement :

Vous parlez de ce Christ Jésus et me remplissez d'étonnements. Vous alléguez que sa bonté nous assiste avant même que nous le connaissions. Comment avoir une preuve concrète d'une telle affirmation ? Si je ne comprends pas le Messie dont vous êtes les messagers, comment puis-je savoir si son assistance m'a un jour été donnée ?

D'un seul coup, Saûl se souvint des propos de Simon Pierre qui lui avait parlé des antécédents du martyr du christianisme. En quelques secondes, il alignait les moindres détails concernant cet épisode. Et profitant de toutes les occasions pour démontrer l'amour infini de Jésus, comme cela s'était produit lors de sa carrière apostolique, il a émis sur un ton singulier :

Proconsul, écoutez-moi ! Pour vous révéler, ou mieux, pour vous rappeler la miséricorde de Jésus de Nazareth, notre Sauveur, j'attirerai votre attention sur un événement important.

Pendant ce temps, Barnabe manifestait une profonde surprise face à la courageuse attitude de son compagnon qui aiguisait la curiosité de l'homme politique.

Ce n'est pas la première fois que vous passez par une grave maladie. Il y a presque dix ans, alors que vous faisiez vos premiers pas dans la vie publique, vous avez embarqué au port de Céphalonie en route vers cette île. Vous naviguiez vers Citium, mais avant que le navire n'ait accosté dans Corinthe, vous avez été attaqué par une terrible fièvre, votre corps était couvert de blessures venimeuses...

Une blancheur de cire couvrit le visage du chef de Neapaphos. Posant sa main sur sa poitrine comme pour retenir les pulsations accélérées de son cœur, il s'est levé extrêmement troublé.

Comme savez-vous tout cela ? - a-t-il murmuré atterré.

Ce n'est pas tout - a dit le missionnaire serein -, attendez le reste. Pendant plusieurs jours vous êtes resté entre la vie et la mort. En vain, les médecins à bord ont commenté votre maladie. Vos amis ont fui. Quand vous êtes resté abandonné de tous, malgré le prestige politique de votre position, le Messie nazaréen vous a envoyé quelqu'un dans le silence de sa miséricorde divine.

A l'éveil de ces vieux souvenirs, le proconsul se sentit profondément ému.

Qui pouvait bien être le messager du Sauveur ? -continua Saûl, tandis que Barnabe le dévisageait avec stupeur. - L'un de vos proches ? Un ami éminent ? L'un des illustres collègues qui étaient témoin de vos douleurs ? Non ! Seul un humble esclave, un serviteur anonyme des rames homicides. Jeziel a veillé sur vous, jour et nuit ! Et ce que la science du monde n'a pas réussi à faire, son cœur dominé par l'amour du Christ le fit ! Vous comprenez maintenant ? Votre ami Barjésus parle d'un charpentier sans-nom, d'un Messie qui a préféré la condition d'humilité suprême pour nous apporter les précieux dons de ses grâces !... Oui, Jésus aussi, comme cet esclave qui vous a rendu la santé que vous aviez perdue, s'est fait le serviteur de l'homme pour vous conduire à une vie meilleure !... Quand tous nous abandonnent, II est avec nous ; quand nos amis fuient, Sa bonté s'approche davantage. Pour nous protéger des misères contingentes à cette vie mortelle, il faut croire en lui et le suivre sans relâche !...

Devant les larmes convulsives du proconsul, Barnabe, abasourdi se demandait : Où son compagnon avait-il pu recueillir de si profondes révélations ? À son avis, à cet instant, Saûl de Tarse était illuminé par le don merveilleux de prophétie.

Seigneur, tout cela est la pure vérité I Vous m'avez apporté la sainte nouvelle d'un Sauveur !... - s'exclama Serge Paul.

Reconnaissant la capitulation du généreux patricien qui remplissait grassement sa bourse, le mage Israélite, bien que très surpris, s'exclama avec énergie :

Mensonge !... Vous êtes des menteurs ! Tout cela est l'œuvre de Satan ! Ces hommes sont porteurs des sortilèges infâmes du « Chemin » ! À bas la vile exploration !...

Sa bouche écumait, ses yeux irradiaient de colère. Saûl restait calme, impassible, presque souriant. Ensuite, sur un ton fort, il dit :

Calmez-vous, l'ami ! La furie n'est pas l'ami de la vérité et cache presque toujours des intérêts inavouables. Vous nous accusez de menteurs, mais nos paroles ne se sont pas déviées d'une ligne de la réalité des faits. Vous alléguez que notre effort procède de Satan, néanmoins, où a-t-on déjà vu une plus grande incohérence ? Où trouverions-nous un adversaire qui travaillerait contre lui-même ? Vous affirmez que nous sommes porteurs de sortilèges ; si l'amour constitue ce talisman, nous le portons dans notre cœur, désireux de communiquer à tous les êtres sa bénéfique influence. Finalement, vous nous accusez d'explorateurs sagaces alors que nous sommes venus ici à l'appel de celui qui nous a honorés avec sincérité et confiance et, à qui d'aucune manière, nous ne pourrions offrir les grâces du Sauveur à titre mercantile.