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Il s'en suivit une discussion échauffée : Barjésus faisait son possible pour démontrer l'infériorité des intentions de Saûl, alors que celui-ci s'efforçait de répondre avec noblesse et cordialité.

En vain, le proconsul essaya de dissuader le Juif de continuer à débattre et sur ce ton. Barnabe, à son tour, qui se fiait davantage aux pouvoirs spirituels de son ami, accompagnait l'altercation sans cacher son admiration pour les infinis recours que le missionnaire tarsien révélait.

La polémique durait déjà depuis plus d'une heure, quand le mage a fait une allusion plus perverse à la personnalité et aux actes de Jésus-Christ.

Dans une attitude plus énergique, l'apôtre l'a réprouvé :

J'ai tout fait pour vous convaincre sans démonstration plus directe, de manière à ne pas blesser la partie respectable de vos convictions ; néanmoins, vous êtes aveugle et c'est dans ces conditions que vous pourrez voir la lumière. Comme vous, moi aussi j'ai déjà vécu dans les ténèbres et, à l'instant de ma rencontre personnelle avec le Messie, il a fallu que l'obscurité se fasse dans mon esprit pour que la lumière resurgisse plus brillamment.

Vous aurez également cette chance. La vision du corps se fermera à vous pour que vous puissiez voir la vérité en esprit !...

A cet instant, Barjésus a poussé un cri.

Je suis aveugle !

La confusion se fit dans l'enceinte. Barnabe s'est avancé, soutenant l'Israélite qui tâtonnait angoissé. Le tisserand et le gouverneur se sont approchés surpris. Quelques serviteurs furent appelés pour répondre aux besoins du moment, attentifs et pleins de sollicitude. Pendant quatre longues heures, Barjésus a pleuré, plongé dans l'ombre épaisse qui avait envahi ses yeux fatigués. À la fin, les missionnaires ont prié à genoux... Une douce sérénité s'est faite dans la grande pièce. Puis Saûl a imposé ses mains sur son front et, avec un soupir de soulagement, le vieil Israélite a retrouvé la vue, se levant confus et vaincu.

Vivement intéressé par les événements intenses de ce jour, le proconsul a appelé les missionnaires en particulier et leur dit aimablement :

Amis, je crois aux vérités divines que vous annoncez et je désire sincèrement partager le Royaume attendu. Toutefois, il faudrait que je sois informé de vos objectifs de travail, de vos plans. Je sais que vous ne négociez pas les dons spirituels dont vous êtes porteurs et je me propose de vous assister en tout ce qui sera à ma portée. Pourrais-je connaître les projets qui vous animent ?

Les deux missionnaires se regardèrent, surpris. Barnabe n'était pas encore sorti de l'étonnement que son compagnon lui avait causé. Saûl, à son tour, dissimulait mal son propre trouble face à l'aide spirituelle qu'il avait obtenue afin de confondre les malveillantes intentions de Barjésus.

Reconnaissant pourtant l'intérêt élevé et sincère du chef politique de la province, il a éclairci sur un ton joyeux :

Le Sauveur a fondé la religion de l'amour et de la vérité, une institution invisible et universelle où sont accueillis tous les hommes de bonne volonté. Notre objectif est de donner une face visible à l'œuvre divine en créant des temples qui s'unissent dans les mêmes principes, en son nom. Nous évaluons la délicatesse d'une telle tentative et nous croyons que de grandes difficultés vont surgirent sur notre chemin. Il est presque impossible de trouver la force humaine indispensable à cette entreprise ; mais nous devons faire avancer ce projet. Quand les éléments de l'institution visible manquent, nous espérons en l'église infinie, où, dans la lumière de l'universalité, Jésus sera le chef suprême de toutes les forces qui se consacrent au bien.

Il s'agit d'une sublime initiative - interrompit le proconsul démontrant un noble intérêt. - Où avez-vous commencé la construction des sanctuaires ?

Notre mission commence précisément maintenant. Les disciples du Messie ont fondé les églises de Jérusalem et d'Antioche. Pour l'instant, nous n'avons pas d'autres noyaux éducatifs que ceux-là. Il y a beaucoup de chrétiens de toute part, mais leurs réunions se font chez des particuliers. Ils ne possèdent pas de temples à proprement parler qui leur permettent d'être plus efficaces dans leur effort d'assistance et de propagande.

Neapaphos aura alors sa première église, fille de votre travail direct.

Saûl ne savait pas comment traduire sa gratitude pour ce geste de générosité spontanée. Profondément ému, il s'est avancé et a remercié le citoyen chypriote du don qui venait honorer et faciliter l'œuvre apostolique.

Tous trois ont encore longuement parlé des entreprises en perspective. Serge Paul leur a demandé d'indiquer les personnes capables de construire le nouveau temple, tandis que Barnabe et son compagnon exposaient leurs espoirs.

Ce n'est que la nuit venue que les missionnaires ont pu retourner à leur humble tente de prêches.

Je suis impressionné ! - dit Barnabe se rappelant ce qui s'était passé. - Comment as-tu fait ? A mon avis aujourd'hui est le plus grand jour de ta vie. Ta parole avait un timbre sacré et différent ; tu es maintenant doté du don de prophétie... De plus, le Maître t'a récompensé du pouvoir de dominer les idées malignes. Tu as vu comme le charlatan a senti l'influence des puissantes énergies quand tu as fait ton appel ?

Saûl l'écoutait attentif et avec la plus grande simplicité il a souligné :

Je ne sais pas non plus comment traduire mon étonnement pour les grâces obtenues. C'est grâce au Christ que nous sommes devenus les instruments de conversion du proconsul, car la vérité est que nous-mêmes, nous ne sommes rien.

Jamais, je n'oublierai les événements d'aujourd'hui - a repris l'ex-lévite, admiratif.

Et après une pause, il lui demanda :

Saûl, quand Ananie t'a baptisé il n'a pas suggéré que tu changes de nom ?

Je ne m'en rappelle pas.

Et bien je suppose que, désormais, tu dois considérer ta vie comme nouvelle. Tu as été illuminé par la grâce du Maître, tu as eu ta pentecôte, tu as été sacré apôtre pour les travaux divins de la rédemption.

L'ex-docteur de la Loi n'a pas dissimulé son étonnement et finit par conclure :

C'est très significatif pour moi qu'un chef politique soit attiré par notre intermédiaire à Jésus, d'autant que notre tâche appelle les gentils au soleil divin de l'Évangile de salut.

En lui-même, il s'est souvenu des liens sublimes qui le rattachaient à la mémoire d'Etienne, la généreuse influence du patricien romain qui le libéra des durs travaux de l'esclavage et évoquant la mémoire du martyr dans un appel silencieux, il dit avec émotion :

Je sais, Barnabe, que de nombreux compagnons ont changé de nom quand ils se sont convertis à l'amour de Jésus ; ils ont ainsi voulu marquer une séparation avec les erreurs fatales du monde. Je n'ai vraiment pas voulu utiliser ce recours. Mais la transformation du gouverneur et la lumière de la grâce, qui nous a accompagnés au cours des événements d'aujourd'hui, m'amènent aussi à chercher un motif d'éternels souvenirs.

Après une longue pause, laissant comprendre combien il avait réfléchi à prendre cette décision, il dit :

Des raisons personnelles, tout à fait respectables, m'obligent à reconnaître désormais un bienfaiteur en ce chef politique. Sans changer formellement de nom je commencerai à me faire appeler à la romaine.