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Soudain levant son bras, le grand Dieu solitaire Alluma le soleil et regarda la terre ! Alors tout s’anima sous l’ardeur de ses feux, L’arbre géant tordit ses membres monstrueux, La végétation monta, puissante, énorme, Premier essai de Dieu, production informe Et le globe roulant ses prés, ses grands bois verts, Tournait silencieux dans le vaste univers, Balançant dans le ciel sur sa tête parée Et ses hautes forêts et sa mer azurée. Pourtant Dieu le trouva triste et nu comme lui. Rêveur, il y jeta le feu qui gronde et luit ; Alors tout disparut, englouti sous la flamme. Mais quand il renaquit, le monde avait une âme. C’était la vie ardente, aux souffles tout-puissants, Mais confuse et jetée en des êtres pesants Faits de vie et de sève et de chair et d’argile Comme l’oeuvre incomplet d’un artiste inhabile. Monstres hideux sortant de gouffres inconnus Qui traînaient au soleil leurs corps mous et charnus.
Se penchant de nouveau, Dieu regarda la terre, Elle tournait toujours sauvage et solitaire. Tout paraissait tranquille et calme ; mais parfois Quelque bête en hurlant passait dans les grands bois, D’arbres déracinés laissant un long sillage, Et son dos monstrueux soulevait le feuillage ; Elle allait mugissante et traînant lentement Son corps inerte et lourd sous le bleu firmament ; Et sa voix bondissait par l’écho répétée Jusqu’au trône de Dieu dans l’espace emportée ; Et puis tout se taisait et l’on ne voyait plus Que le flot verdoyant des grands arbres touffus. Mais toujours mécontent, ce Dieu lança sa foudre, Alors tout disparut brûlé, réduit en poudre.
Puis la sève revint, ainsi qu’un sang vermeil Dans les veines du sol qu’échauffait le soleil, L’herbe verte et les fleurs cachaient la terre nue ; L’arbre ne portait plus sa tête dans la nue ; De frêles arbrisseaux les monts étaient couverts Tout renaissait plus beau dans le jeune univers. Mais un jour, tout à coup, tout trembla sur la terre, Son globe n’était plus désert et solitaire ; Le grand bois tressaillit, car un être inconnu Sur l’univers esclave a levé son bras nu. Le monde tout entier a plié sous cet être ; Regardant la nature, il a dit : “Je suis maître.” Regardant le soleil, il a dit : “C’est pour moi.” L’animal furieux fuyait tremblant d’effroi ; Il a dit : “C’est à moi” ; le ciel brillait d’étoiles, Il a dit : “Dieu c’est moi.” L’ombre étendit ses voiles : L’homme d’une étincelle embrasa les forêts, Et du Dieu créateur arrachant les secrets, Seul, perdu dans l’espace, il se bâtit un monde. Tout plia sous ses lois, le feu, la terre et l’onde. Mais il marche toujours et depuis six mille ans Rien n’a pu ralentir ses progrès insolents, Et souvent quand il parle, on a cru que la vie Jaillissait du néant au gré de son envie. Mais cet être qui tient la terre sous sa loi, Qui de ce monde errant s’est proclamé le roi ; Cet être formidable armé d’intelligence, Qui sur tout ce qui vit exerce sa puissance, Qu’est-il lui-même ? Ainsi que ces monstres si lourds Qui furent le dessin des races de nos jours ; Que les arbres géants, aux têtes souveraines Dont nous avons trouvé des forêts souterraines, L’homme n’est-il aussi qu’un ouvrage incomplet, Que l’ébauche et le plan d’un être plus parfait ; Ira-t-il au néant ? Ou sa tâche finie, Montera-t-il au Dieu qui lui donna la vie ?
Ô vous, vieux habitants des siècles d’autrefois Qui seuls mêliez vos cris au grand souffle des bois, Qui vîntes les premiers dans ce monde où nous sommes, Le dernier échelon, dites, sont-ce les hommes ? Vous êtes disparus avec les siècles morts ; Si nous passons aussi, que sommes-nous alors ?
Seigneur, Dieu tout-puissant, quand je veux te comprendre, Ta grandeur m’éblouit et vient me le défendre. Quand ma raison s’élève à ton infinité Dans le doute et la nuit je suis précipité, Et je ne puis saisir, dans l’ombre qui m’enlace Qu’un éclair passager qui brille et qui s’efface. Mais j’espère pourtant, car là-haut tu souris ! Car souvent, quand un jour se lève triste et gris, Quand on ne voit partout que de sombres images, Un rayon de soleil glisse entre deux nuages Qui nous montre là-bas un petit coin d’azur ; Quand l’homme doute et que tout lui paraît obscur, Il a toujours à l’âme un rayon d’espérance ; Car il reste toujours, même dans la souffrance, Au plus désespéré, par le temps le plus noir, Un peu d’azur au ciel, au coeur un peu d’espoir.