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Il faisait si beau aujourd’hui que j’ai demandé à Tato si nous pouvions aller au marché ensemble. Il fait les emplettes de mieux en mieux, mais j’ai besoin de prendre l’air de temps à autre. J’ai été choquée par le manque de politesse de certains fermiers à l’égard de Tato. Des gens à qui j’avais l’habitude d’acheter certains produits ne veulent plus nous en vendre. Heureusement, il y a encore des fermiers qui veulent de nous comme clients!

Septembre 1914

Mercredi 2 septembre 1914

Aujourd’hui, je me force à avoir l’air gaie, même si j’ai le cœur brisé. Mykola entre à l’école, mais pas moi. Comment pourrais-je aller à l’école, alors que j’ai un aussi bon travail? Tato était furieux contre moi quand je lui ai dit que je n’arrêterais pas de travailler, mais je sais qu’au fond, il est soulagé. Après être resté quelques instants assis à table sans rien dire, il a déclaré que, si sa fille n’allait pas à l’école, alors son fils irait. Je trouve que Mykola est trop jeune pour commencer l’école, mais Stefan dit que des garçons de son âge y vont et que Mykola devrait donc y aller aussi. De toute façon, il n’a personne avec qui jouer, puisque je travaille à l’extérieur. Stefan a dit qu’il emmènerait Mykola avec lui à l’école Sarsfield et a promis de veiller sur lui. J’espère seulement que Stefan ne changera pas d’avis.

J’aimerais bien avoir le même genre de travail que Stefan, car je pourrais à la fois travailler et aller à l’école, mais je dois me contenter de ce que j’ai. Je suis fière de pouvoir aider ma famille à s’en sortir.

Vendredi 4 septembre 1914

Aujourd’hui, lorsque Mykola est rentré de l’école, il avait une lèvre ensanglantée et un grand sourire. Il a dit que le garçon le plus fort de l’école avait essayé de le battre, mais qu’il s’était bien défendu. « Tu devrais voir de quoi il a l’air, lui », a-t-il ajouté. Je lui ai demandé où se trouvait Stefan quand c’était arrivé. « Il se faisait battre, lui aussi », a répondu Mykola.

Oy! Mon petit frère grandit trop vite. J’aurais préféré qu’il n’apprenne pas à se battre, mais je sais qu’il n’a pas le choix. Au moins, il tient tête aux autres.

Dimanche 6 septembre 1914

C’est la fête patronale de Mykola, et il a maintenent six ans. Il était de mauvaise humeur parce qu’il a plu à verse toute la journée et qu’il aurait voulu aller jouer sur le toit avec moi. Baba et moi lui avons fait une belle surprise avec notre cadeau très spécial. J’avais pu acheter du tissu et des boutons de la couturière en chef, à un prix raisonnable, et elle m’a permis de rester à la fabrique, après la journée de travail. J’ai confectionné une chemise canadienne pour Mykola. Je ne sais pas faire les pantalons à la machine à coudre, alors j’ai apporté du tissu pour en confectionner un à la maison. Pendant que Mykola était à l’école, Baba lui a cousu à la main un pantalon canadien. Tu aurais dû voir les yeux de mon frère quand il a ouvert le paquet! Peut-être qu’à partir de maintenant, il n’aura plus besoin de se battre.

Mama lui a donné une paire de chaussettes tricotées à la main, et Tato lui a donné 1 ¢. Mykola ne voulait pas l’accepter, mais Tato a insisté. Je me demande ce qu’il va acheter avec ça.

J’allais oublier : il restait un peu de tissu, alors je l’ai donné à Stefan. Sa mère a rapiécé son pantalon, et il paraît beaucoup mieux maintenant.

Vendredi 11 septembre 1914

Les forces britanniques ont fait reculer les Allemands de 37 milles! Oy! J’espère que cette guerre sera bientôt finie.

Ma vie est monotone, et tous les jours se ressemblent. Les seules nouvelles que nous avons viennent du journal, et elles ne sont pas bonnes!

Mardi 29 septembre 1914

Cher journal, je suis absolument désolée de ne t’avoir pas écrit plus souvent, mais je n’ai rien à raconter, à part toutes ces mauvaises nouvelles à propos de la guerre. Tous les jours se ressemblent, et j’ai les mains si fatiguées, à force de travailler toute la journée à la fabrique, que je ne veux pas écrire dans tes pages, à moins d’avoir quelque chose de nouveau à dire.

Octobre 1914

Mercredi 7 octobre 1914

(froid toute la journée)

Dans le journal, on dit que 22 000 soldats canadiens vont aller s’entraîner en Grande-Bretagne. Je me demande si le frère de Mary est parmi eux.

Lundi 19 octobre 1914

(froid et pluvieux, comme dans mon cœur)

Cher journal, je n’ai pas vraiment le cœur à écrire. La guerre se passe bien pour le Canada, et c’est tant mieux, mais je me demande comment c’est, chez nous, là-bas. Depuis l’application de la Loi sur les mesures de guerre, je n’ai plus reçu de lettres ni de nouvelles d’Halyna. D’après ce qu’on peut lire dans le journal, il y a probablement des combats à Horoshova même. Je suis si triste et si inquiète!

Mardi 27 octobre 1914

Quand je me suis réveillée ce matin, j’ai vu du givre sur la vitre de ma fenêtre et, en allant travailler, j’ai remarqué que les flaques d’eau étaient gelées. Encore une fois, je trouve que le temps qu’il fait correspond assez bien à mon état d’esprit. Dans le journal d’aujourd’hui, il y avait une carte du nord de l’Europe montrant les lignes ennemies. J’aimerais bien voir une carte indiquant ce qui se passe dans l’est de l’Europe! C’est dur de n’avoir aucune nouvelle de son pays. Dans le journal, on dit aussi que les Alliés (c’est-à-dire le Canada, la Grande-Bretagne, la France et la Russie) ont fait des prisonniers. Je me demande s’il y en a parmi eux qui viennent d’Horoshova.

Novembre 1914

Dimanche 1er novembre 1914

Cher journal, j’ai toujours trop mal aux mains pour écrire ou pour travailler à mon trousseau. Je vais simplement me rouler en boule contre mon oreiller et essayer de penser à des choses gaies.

Mardi 10 novembre 1914

La machine à boutonnières est difficile à utiliser, et je me suis piqué les doigts plus d’une fois, mais je m’en tire bien et j’ai besoin de ce travail. Hier matin, la vitre de ma fenêtre était givrée, et j’avais les mains bleuies par le froid en arrivant à la fabrique, mais il fait plus doux maintenant.

Toutes mes journées se ressemblent

Dimanche 29 novembre 1914

Aujourd’hui, dans le journal, on dit que huit Croix de Victoria ont été décernées en Angleterre. Cinq d’entre elles ont été remises à de simples soldats, et trois, à des officiers. Je me demande si le frère de Mary en a reçu une.

Décembre 1914

Samedi 19 décembre 1914

Tard le soir, exténuée après une merveilleuse journée!

Quand je suis rentrée du travail, à l’heure du dîner, Mama, Tato, Baba et Mykola étaient tous assis à table, et ils souriaient. Deux petits paquets enveloppés dans un tissu rouge et attachés avec une ficelle étaient posés sur la table.

J’avais oublié que c’était le jour de la Saint-Nicolas.

Sais-tu ce qu’il y avait dans les paquets, cher journal? Une magnifique fillette sculptée, avec des tresses faites de vrais cheveux, un fichu en tissu et une petite jupe à fleurs. Dans le paquet de Mykola, il y avait un petit garçon sculpté, portant une veste en peau de mouton.