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À la même époque, les Ukrainiens étaient considérés comme des ennemis par le gouvernement tsariste de la Russie et, en conséquence, les institutions culturelles ukrainiennes ont été abolies. Dans les écoles, on enseignait le russe plutôt que l’ukrainien, et l’Église catholique ukrainienne a été démantelée. De nombreux prêtres, évêques, intellectuels et patriotes ont été exécutés, mais, en juin 1915, tout cela a subitement pris fin parce que l’armée austro-hongroise, aidée de l’Allemagne, a réussi à repousser les Russes. Horoshova, le village d’Anya, était situé dans une petite bande de territoire qui était toujours sous le contrôle de la Russie et qui allait le rester jusqu’à la fin de la guerre, ou presque. Plusieurs Ukrainiens ont réussi à s’immiscer dans les rangs de l’administration tsariste locale, de sorte que la population ukrainienne de la région a moins souffert que si les choses s’étaient passées autrement. Toutefois, durant tout ce temps, de nombreux Ukrainiens se trouvaient internés dans des camps russes ou autrichiens.

Les Ukrainiens nationalistes de Galicie et de Bucovine voulaient obtenir l’autonomie. Ils souhaitaient aussi que les deux parties de la Galicie, la polonaise et l’ukrainienne, soient séparées. Malheureusement, l’Autriche et l’Allemagne étaient plus enclines à satisfaire les désirs de la Pologne, de sorte qu’en novembre 1916, elles ont annoncé qu’elles allaient créer un État polonais avec les territoires qu’elles avaient récupérés de la Russie tsariste. Elles ont déclaré qu’elles verraient aux intérêts ukrainiens, une fois la guerre terminée. Mais tout a basculé en mars 1917, lorsque le régime tsariste a été renversé par les révolutionnaires.

À peu près à la même époque, l’Ukraine a connu une courte période d’indépendance, de mars 1917 à octobre 1920, au cours de laquelle elle a été dirigée par toute une série de gouvernements révolutionnaires. Après 1920, le peuple ukrainien a été réparti entre quatre pays : l’Ukraine soviétique, la Pologne, la Tchécoslovaquie et la Roumanie. En octobre 1920, le gouvernement soviétique a réussi à s’imposer solidement partout en Ukraine centrale et orientale, mais la Galicie est passée à la Pologne, la Bucovine à la Roumanie, et la Transcarpathie, à la Tchécoslovaquie. Le pays n’allait retrouver son unité qu’en 1991.

Les Ukrainiens, le Canada et la Première Guerre mondiale

De 1891 à 1914, environ 170 000 Ukrainiens ont immigré au Canada.

La plupart sont venus des provinces de Galicie et de Bucovine, qui faisaient partie de l’Autriche-Hongrie. Certains partaient afin de ne pas être forcés de s’enrôler dans l’armée austro-hongroise, et d’autres, pour se libérer de leurs dettes ou dans l’espoir d’une vie meilleure dans un nouveau pays. La parcelle de terre que ces fermiers possédaient là-bas leur permettait à peine de survivre. Pour augmenter leur revenu, ils louaient d’autres terres. Or, la plupart des terres de Bucovine et de Galicie appartenaient à des aristocrates polonais. Ces riches propriétaires terriens louaient effectivement des terres aux familles pauvres, mais exigeaient des loyers excessivement élevés.

Comme les paysans de l’Europe de l’Est avaient la réputation d’être des fermiers compétents et des travailleurs acharnés, et comme le gouvernement canadien souhaitait développer l’ouest du pays, le Canada a invité ces fermiers à immigrer, de 1896 à 1905. La grande majorité des Ukrainiens se sont établis dans les Prairies, mais certains, comme la famille d’Anya, se sont installés à Montréal et dans d’autres grandes villes. En 1914 et 1915, la communauté ukrainienne de Montréal comptait à peine 500 personnes, dans une ville de plus d’un demi-million d’habitants. La majorité de ces immigrants ukrainiens venaient de l’Autriche-Hongrie, et quelques-uns seulement, des parties de l’Ukraine qui étaient sous le contrôle de la Russie tsariste.

Les immigrants ukrainiens qui se sont installés à Montréal connaissaient mieux la situation politique que ceux qui s’étaient établis dans les Prairies parce que, dans ce contexte urbain, ils devaient s’adapter à leur nouveau milieu d’une manière différente. Les Ukrainiens qui s’établissaient dans les Prairies devaient lutter quotidiennement pour leur survie sur des terres qui étaient proches les unes des autres, mais souvent très éloignées de celles des autres Canadiens. Les immigrants ukrainiens installés à Montréal, par contre, travaillaient comme ouvriers et devaient donc lutter, non pas pour survivre physiquement, mais pour trouver une façon de briser leur isolement social. Comme ils ne parlaient ni le français ni l’anglais et qu’ils habitaient dans les quartiers les plus pauvres, les Ukrainiens de Montréal avaient une bonne raison de constituer rapidement des organismes d’entraide. Les premiers qui ont été fondés n’avaient aucun lien avec l’Église, contrairement aux premiers organismes qu’ont établis les Ukrainiens des Prairies. Les organismes montréalais adhéraient tous à l’idéologie de la Drahomanov Society, qui était anticléricale et prônait le socialisme et l’indépendance en Ukraine. Dans la plupart des cas, les immigrants ukrainiens de Montréal se sont considérés comme Ukrainiens, bien avant l’existence d’une Ukraine indépendante.

Quand la Première Guerre mondiale a éclaté, beaucoup d’entre eux ne savaient pas s’ils devaient retourner chez eux pour défendre leur pays ou combattre pour le Canada, leur nouvelle patrie. Ils ont été nombreux à s’enrôler dans les Forces armées canadiennes et à se battre pour leur pays d’adoption. Ceux qui étaient entrés au pays avec un passeport russe ont pu s’enrôler dans l’armée canadienne. Les autres ont pris des noms comme Smith ou Jones, ou encore ont menti au sujet de leur véritable origine afin de pouvoir se battre pour le Canada. Un caporal du nom de Filip Konowal a reçu la Croix de Victoria, en reconnaissance de sa bravoure.

En 1914, le gouvernement canadien a adopté la Loi sur les mesures de guerre. Par conséquent, 8 759 immigrants ont été considérés comme des « sujets d’un pays ennemi » et ont été internés dans 24 camps dispersés dans tout le pays. Environ 6 000 de ces prisonniers étaient ukrainiens; les autres étaient polonais, bulgares, turcs, roumains, juifs, croates ou serbes. À leur arrivée dans les camps d’internement, les prisonniers devaient céder portefeuilles, montres de gousset et autres objets de valeur sentimentale ou matérielle. Un autre contingent de 80 000 personnes (des Ukrainiens pour la plupart) a dû s’inscrire auprès des autorités, en tant que « sujets d’un pays ennemi », et se présenter régulièrement devant les autorités. Les immigrants qui avaient déjà obtenu le statut de citoyens britanniques n’ont pas été internés. Toutefois, dans certains cas, des citoyens naturalisés ont été internés, en dépit des dispositions de la Loi. C’est ainsi que même des enfants nés au Canada ont été internés. Par exemple, Carolka Manko, qui était née à Montréal, est morte dans le camp d’internement de Spirit Lake, à l’âge de deux ans.

On ne connaît toujours pas les raisons exactes pour lesquelles le gouvernement a décidé d’interner des milliers d’immigrants ukrainiens. Le gouvernement britannique avait pourtant assuré au gouvernement canadien que, n’étant pas des sujets autrichiens, les Ukrainiens n’étaient pas des ennemis. Mais, au fur et à mesure que la guerre avançait, un mouvement d’hystérie collective envers les étrangers s’est répandu dans la population canadienne. Des employeurs ont mis à pied certains de leurs employés pour des raisons de « patriotisme », en particulier dans l’Ouest. De plus, à cause d’une récession, beaucoup de gens ont perdu leur emploi, ce qui a fait que de nombreux Ukrainiens se sont retrouvés sans travail ni toit.