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François Coppée

Promenades Et Intérieurs

François Coppée

(1842-1908)

François Coppée, né en 1842 à Paris de parents parisiens, mort à Paris en 1908, est un des poètes les plus populaires de la seconde moitié du 19ème siècle. Son talent souple s’est essayé avec succès dans tous les genres; mais c’est comme poète des humbles et de la vie familière qu’éclate le mieux son originalité, surtout dans les recueils intitulés: Les Humbles, Écrit pendant le Siège, Promenades et Intérieurs, le Cahier rouge.

Poète lyrique, sentimental et intime dans le Reliquaire, Intimités, Olivier, l’Exilée, les Mois, Jeunes filles, Arrière-Saison, François Coppée a écrit de délicieux vers d’amour. Conteur et poète dramatique dans les Récits et les Élégies, poète satirique, patriotique et religieux dans les Paroles sincères, Dans la prière et dans la lutte, Des vers français, il débuta avec éclat dans le Passant, idylle gracieuse et morale. Le luthier de Crémone et le Trésor sont deux menus et purs chefs-d’œuvre. Le Pater est d’inspiration chrétienne. Trois beaux drames qui sont presque des tragédies: Severo Torelli, les Jacobites, Pour la couronne, forment la partie importante de son théâtre, remarquable par l’élévation des sentiments.

Prosateur savoureux et charmant, il a écrit des contes et des nouvelles où se mêlent l’émotion et l’ironie, un roman hardi et puissant, le Coupable, des articles de journaux émaillés de grâce malicieuse et de tendresse souriante, réunis sous le titre de Mon franc-parler ; enfin des pages d’une inspiration toute chrétienne, publiées sous le titre de la Bonne souffrance, et où il raconte son retour à la foi catholique auquel sa charité pour les pauvres et son amour des petits et des humbles l’avaient tout naturellement préparé.

I

Promenades et Intérieurs

Lecteur, à toi ces vers, graves historiens De ce que la plupart appelleraient des riens. Spectateur indulgent qui vis ainsi qu’on rêve, Qui laisses s’écouler le temps et trouves brève Cette succession de printemps et d’hivers, Lecteur mélancolique et doux, à toi ces vers! Ce sont des souvenirs, des éclairs, des boutades, Trouvés au coin de l’âtre ou dans mes promenades, Que je te veux conter par le droit bien permis Qu’ont de causer entre eux deux paisibles amis.

* * * * *

Prisonnier d’un bureau, je connais le plaisir De goûter, tous les soirs, un moment de loisir. Je rentre lentement chez moi, je me délasse Aux cris des écoliers qui sortent de la classe; Je traverse un jardin, où j’écoute, en marchant, Les adieux que les nids font au soleil couchant, Bruit pareil à celui d’une immense friture. Content comme un enfant qu’on promène en voiture, Je regarde, j’admire, et sens avec bonheur Que j’ai toujours la foi naïve du flâneur.

* * * * *

C’est vrai, j’aime Paris d’une amitié malsaine; J’ai partout le regret des vieux bords de la Seine. Devant la vaste mer, devant les pics neigeux, Je rêve d’un faubourg plein d’enfance et de jeux, D’un coteau tout pelé d’où ma Muse s’applique À noter les tons fins d’un ciel mélancolique, D’un bout de Bièvre, avec quelques champs oubliés, Où l’on tend une corde aux troncs des peupliers Pour y faire sécher la toile et la flanelle, Ou d’un coin pour pêcher dans l’île de Grenelle.

* * * * *

J’adore la banlieue avec ses champs en friche Et ses vieux murs lépreux, où quelque ancienne affiche Me parle de quartiers dès longtemps démolis. Ô vanité! Le nom du marchand que j’y lis Doit orner un tombeau dans le Père-Lachaise. Je m’attarde. Il n’est rien ici qui ne me plaise, Même les pissenlits frissonnant dans un coin. Et puis, pour regagner les maisons déjà loin, Dont le couchant vermeil fait flamboyer les vitres, Je prends un chemin noir semé d’écailles d’huîtres.

* * * * *

Le soir, au coin du feu, j’ai pensé bien des fois À la mort d’un oiseau, quelque part, dans les bois. Pendant les tristes jours de l’hiver monotone, Les pauvres nids déserts, les nids qu’on abandonne, Se balancent au vent sur un ciel gris de fer. Oh! comme les oiseaux doivent mourir l’hiver! Pourtant, lorsque viendra le temps des violettes, Nous ne trouverons pas leurs délicats squelettes Dans le gazon d’avril, où nous irons courir. Est-ce que les oiseaux se cachent pour mourir? [1]

* * * * *

N’êtes-vous pas jaloux en voyant attablés, Dans un gai cabaret entre deux champs de blés, Les soirs d’été, des gens du peuple sous la treille? Moi, devant ces amants se parlant à l’oreille Et que ne gêne pas le père, tout entier À l’offre d’un lapin que fait le gargotier, Devant tous ces dîneurs, gais de la nappe mise, Ces joueurs de bouchon en manches de chemise, Cœurs satisfaits pour qui les dimanches sont courts, J’ai regret de porter du drap noir tous les jours.

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Vous en rirez. Mais j’ai toujours trouvé touchants Ces couples de pioupious qui s’en vont par les champs, Côte à côte, épluchant l’écorce de baguettes Qu’ils prirent aux bosquets des prochaines guinguettes. Je vois le sous-préfet présidant le bureau, Le paysan qui tire un mauvais numéro, Les rubans au chapeau, le sac sur les épaules, Et les adieux naïfs, le soir, auprès des saules, À celle qui promet de ne pas oublier En s’essuyant les yeux avec son tablier.

* * * * *

Un rêve de bonheur qui souvent m’accompagne, C’est d’avoir un logis donnant sur la campagne, Près des toits, tout au bout du faubourg prolongé, Où je vivrais ainsi qu’un ouvrier rangé. C’est là, me semble-t-il, qu’on ferait un bon livre. En hiver, l’horizon des coteaux blancs de givre; En été, le grand ciel et l’air qui sent les bois; Et les rares amis, qui viendraient quelquefois Pour me voir, de très loin, pourraient me reconnaître, Jouant du flageolet, assis à ma fenêtre.

* * * * *

Quand sont finis le feu d’artifice et la fête, Morne comme une armée après une défaite, La foule se disperse. Avez-vous remarqué Comme est silencieux ce peuple fatigué? Ils s’en vont tous, portant de lourds enfants qui geignent, Tandis qu’en infectant des lampions s’éteignent. On n’entend que le rythme inquiétant des pas; Le ciel est rouge; et c’est sinistre, n’est-ce pas? Ce fourmillement noir dans ces étroites rues Qu’assombrit le regret des splendeurs disparues!

* * * * *

C’est un boudoir meublé dans le goût de l’Empire, Jaune, tout en velours d’Utrecht. On y respire Le charme un peu vieillot de l’Abbaye-aux-Bois: Croix d’honneur sous un verre et petits meubles droits, Deux portraits, – une dame en turban qui regarde Un pompeux colonel des lanciers de la garde En grand costume, peint par le baron Gérard, – Plus une harpe auprès d’un piano d’Érard, Qui dut accompagner bien souvent, j’imagine, Ce qu’Alonzo disait à la tendre Imogine.
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[1] Collen Mac Culloughs a repris ce vers pour le titre de son roman Les oiseaux se cachent pour mourir