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Avec un bas-relief consacré à Diane et peut-être deux figures de naïades sculptées en demi-bosse, on obtiendrait, à l’ombre des vieux tilleuls qui se penchent sur le monument, un admirable lieu de retraite, silencieux ses heures, et qui rappellerait certains points d’étude de la campagne romaine. Au-dessus se dessine et serpente la rue des Brouillards, qui descend vers le chemin des Bœufs, puis le jardin du restaurant Gaucher, avec ses kiosques, ses lanternes et ses statues peintes… La plaine Saint-Denis a des lignes admirables, bornées par les coteaux de Saint-Ouen et de Montmorency, avec des reflets de soleil ou des nuages qui varient à chaque heure du jour. A droite est une rangée de maisons, la plupart fermées pour cause de craquements dans les murs.

C’est ce qui assure la solitude relative de ce site; car les chevaux et les bœufs qui passent, et même les laveuses, ne troublent pas les méditations d’un sage, et même s’y associent. – La vie bourgeoise, ses intérêts et ses relations vulgaires, lui donnent seuls l’idée de s’éloigner le plus possible des grands centres d’activité.

Il y a à gauche de vastes terrains, recouvrant l’emplacement d’une carrière éboulée, que la commune a concédés à des hommes industrieux qui en ont transformé l’aspect. Ils ont planté des arbres, créé des champs où verdissent la pomme de terre et la betterave, où l’asperge montée étalait naguère ses panaches verts décorés de perles rouges.

On descend le chemin et l’on tourne gauche. Là sont encore deux ou trois collines vertes, entaillées par une route qui plus loin comble des ravins profonds, et qui tend à rejoindre un jour la rue de l’Empereur entre les buttes et le cimetière. On rencontre là un hameau qui sent fortement la campagne, et qui a renoncé depuis trois ans aux travaux malsains d’un atelier de poudrette. – Aujourd’hui, l’on y travaille les résidus des fabriques de bougies stéariques. – Que d’artistes repoussés du prix de Rome sont venus sur ce point étudier la campagne romaine et l’aspect des marais Pontins! Il y reste même un marais animé par des canards, des oisons et des poules.

Il n’est pas rare aussi d’y trouver des haillons pittoresques sur les épaules des travailleurs. Les collines, fendues çà et là, accusent le tassement du terrain sur d’anciennes carrières; mais rien n’est plus beau que l’aspect de la grande butte, quand le soleil éclaire ses terrains d’ocre rouge veinés de plâtre et de glaise, ses roches dénudées et quelques bouquets d’arbres encore assez touffus, où serpentent des ravins et des sentiers.

La plupart des terrains et des maisons éparses de cette petite vallée appartiennent à de vieux propriétaires, qui ont calculé sur l’embarras des Parisiens à se créer de nouvelles demeures et sur la tendance qu’ont les maisons du quartier Montmartre à envahir, dans un temps donné, la plaine Saint-Denis. C’est une écluse qui arrête le torrent; quand elle s’ouvrira, le terrain vaudra cher.- Je regrette d’autant plus d’avoir hésité, il y a dix ans, à donner trois mille francs du dernier vignoble de Montmartre.

Il n’y faut plus penser. Je ne serai jamais propriétaire: et pourtant que de fois, au 8 ou au 15 de chaque trimestre (près de Paris, du moins), j’ai chanté le refrain de M. Vautour:

Quand on n’a pas de quoi payer son terme
Il faut avoir une maison à soi!

J’aurais fait faire dans cette vigne une construction si légère!… Une petite villa dans le goût de Pompéi avec un impluvium et une cella, quelque chose comme la maison du poète tragique. Le pauvre Laviron, mort depuis sur les murs de Rome, m’en avait dessiné le plan. A dire le vrai pourtant, il n’y a pas de propriétaires aux buttes de Montmartre. On ne peut asseoir légalement une propriété sur des terrains minés par des cavités peuplées dans leurs parois de mammouths et de mastodontes. La commune concède un droit de possession qui s’éteint au bout de cent ans… On est campé comme les Turcs; et les doctrines les plus avancées auraient peine à contester un droit si fugitif où l’hérédité ne peut longuement s’établir.

II. Le château de Saint-Germain

J’ai parcouru les quartiers de Paris qui correspondent à mes relations, et n’ai rien trouvé qu’à des prix impossibles, augmentés par les conditions que formulent les concierges. Ayant rencontré un seul logement au-dessous de trois cents francs, on m’a demandé si j’avais un état pour lequel il fallût du jour. – J’ai répondu, je crois, qu’il m’en fallait pour l’état de ma santé.

– C’est, m’a dit le concierge, que la fenêtre de la chambre s’ouvre sur un corridor qui n’est pas bien clair.

Je n’ai pas voulu en savoir davantage, et j’ai même négligé de visiter une cave à louer, me souvenant d’avoir vu à Londres cette même inscription, suivie de ces mots: «Pour un gentleman seul.»

Je me suis dit:

– Pourquoi ne pas aller demeurer à Versailles ou à Saint-Germain? La banlieue est encore plus chère que Paris; mais, en prenant un abonnement du chemin de fer, on peut sans doute trouver des logements dans la plus déserte ou dans la plus abandonnée de ces deux villes. En réalité, qu’est-ce qu’une demi-heure de chemin de fer, le matin et le soir? On a là les ressources d’une cité, et l’on est presque à la campagne. Vous vous trouvez logé par le fait rue Saint-Lazare, n°130. Le trajet n’offre que de l’agrément, et n’équivaut jamais, comme ennui ou comme fatigue, une course d’omnibus.