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— Sandra Thuillier, domiciliée à Mermaisan.

— C’est où, ça ?

— Dans l’Indre.

Un sourire de soulagement adoucit le visage de Lefèbvre.

— Comment vous avez eu l’info ?

— Elle a dormi dans un hôtel d’Aubagne, Les Portes du Soleil, sous un faux nom… Mais elle a été formellement reconnue par le réceptionniste de service cette nuit. Et il nous a dit que sa caisse était encore garée sur le parking de l’hôtel. C’est même lui qui avait les clefs parce qu’il lui a changé un pneu crevé ce matin.

— C’est pour ça qu’elle est venue à pied, murmure le commissaire.

— On a donc interrogé le fichier des immat’ et on a trouvé son nom et son adresse. Et dans les pages jaunes, sa profession : Sandra Thuillier, vétérinaire à Mermaisan !

— Vétérinaire ? s’étonne le commissaire. Et vous avez trouvé si elle vit seule ?

— On cherche.

— Cherchez donc s’il n’y aurait pas un Patrick Lesage ou Patrick quelque chose dans le même secteur géographique.

— OK, patron.

— En tout cas, bravo les gars… Morel, allez me la chercher, s’il vous plaît.

*

Patrick est figé dans la salle à manger, son portable éteint entre les mains.

Comment a-t-il pu se laisser berner aussi facilement ? Comment a-t-il pu tomber dans le piège tendu par les frères Orgione ?

Il avait eu la prudence de tenter une recherche sur le Net pour s’assurer qu’il existait bien un malfrat nommé Pierre Lefèbvre. Sauf qu’il existe des tas de Pierre Lefèbvre. C’est sans doute l’un des noms les plus portés dans ce pays.

Les frères Orgione voulaient l’envoyer directement dans les griffes de la police. Maîtriser Sandra durant son absence et se tirer avec les bijoux, en prenant Jessica dans leurs bagages.

Voilà quel était leur plan. Génial, il doit bien l’admettre.

Sauf qu’il a eu l’intelligence d’envoyer Sandra en première ligne. Et qu’elle a réussi à le faire prévenir, sans toutefois filer son identité.

Patrick Lesage est le faux nom qu’il utilise parfois pour s’introduire dans l’entourage de ses victimes.

Il salue l’intelligence et le sang-froid de sa nièce. Mais oublie de s’inquiéter pour elle.

Parce que lui seul a de l’importance.

« Demande à Sandra, elle te dira quel homme je suis. Elle n’a pas pu oublier… Toutes ces nuits où tu n’étais pas là. »

Raphaël a très bien pu mentir.

Peu importe. Sandra est déjà perdue, tombée entre les mains de l’ennemi. Inutile de gaspiller du temps à songer à ce qui pourrait lui arriver.

Il faut s’évaporer. Mais avant, tout effacer. Histoire de ralentir les investigations de la police.

Abattre ces deux traîtres, faire disparaître les corps. Mais surtout, ne pas les tuer dans la remise, il faudrait traîner leurs cadavres sur plusieurs centaines de mètres, jusqu’à la tombe qu’il a eu la bonne idée de creuser ces jours derniers.

Puis ce sera le tour de Jessica. Quel gâchis… Il n’aura même pas eu le temps de profiter d’elle. De lui prendre ce qu’elle a de plus précieux à ses yeux.

Patrick récupère le Colt Double Eagle sur la dernière étagère du placard, le met dans sa poche.

Et prend la direction de l’annexe.

*

L’aspirine l’a vaguement soulagé. Mais Raphaël sent ses forces l’abandonner chaque minute un peu plus. Et lorsque la porte s’ouvre sur Patrick, il se dit qu’il ne pourra pas subir un affrontement de plus.

Papa ne le regarde pas, s’accroupit devant William.

— Fiston, j’ai un service à te demander.

William le dévisage avec étonnement.

— Je vais te détacher et tu vas m’accompagner dehors…

Le jeune homme est traversé par un frisson glacé.

— Qu’est-ce que tu veux que j’aille foutre dehors ?

— Tu t’y connais en mécanique ?

— Bof…

— Ça peut pas être pire que moi ! plaisante Patrick. Mon fourgon veut plus démarrer… Si tu me files un coup de main, je te file à bouffer.

William réalise qu’il tient peut-être une chance de maîtriser ce malade.

Son ultime chance.

Alors, il hoche le menton.

— D’accord, je prends.

— Parfait ! exulte Patrick en lui lançant la clef des menottes. Tu te détaches et tu te rattaches les poignets devant.

C’est alors qu’il sort le colt de sa poche.

— Et moi, je t’ai à l’œil, alors pas de connerie, OK ?

— OK, acquiesce William.

Il s’exécute, se menottant lui-même les poignets. Et Patrick remet la clef dans sa poche.

— Après toi, fiston.

William lui tourne le dos pour sortir et lorsque la crosse du pistolet percute l’arrière de son crâne, il ne comprend même pas ce qui lui arrive. Il s’effondre sur le seuil, à moitié sonné.

Papa en profite pour lui passer une longe autour du cou.

— Les clébards, faut toujours les tenir en laisse !

Il prend un peu de recul, pointe le canon de l’arme vers le jeune homme qui revient lentement à lui.

La détonation leur arrache les tympans.

Presque autant que les hurlements de William qui vient de recevoir une balle dans la jambe gauche.

— Sale enfoiré ! s’écrie Raphaël.

— Comme ça, je suis sûr qu’il ne pourra pas prendre la tangente, balance Patrick.

Il n’a plus le même visage. Il a tombé le masque.

Il ressemble à ce qu’il est vraiment, intrinsèquement.

Un monstre.

— Vous vous êtes bien foutus de ma gueule, hein ? Vous comptiez m’expédier chez les poulets et en profiter pour vous barrer ?

Le cœur de Raphaël fait un bond prodigieux dans sa poitrine. Il réalise qu’ils n’ont plus longtemps à vivre.

Et surtout, qu’il va perdre son frère.

— Sandra a réussi à me faire savoir qu’elle est en garde à vue… C’est un certain commissaire Pierre Lefèbvre qui m’a appelé. C’est un ami à toi, champion ?

Raphaël reprend un peu espoir ; les flics savent où ils se trouvent et ne vont pas tarder à débarquer avec la grosse artillerie.

— Mais elle n’a pas donné mon identité, ajoute Patrick. Ils croient que je m’appelle Patrick Lesage… Joli nom, vous ne trouvez pas ?

Ils n’auront jamais le temps d’arriver. Tout est fini.

— J’avais préparé votre tombe, annonce Patrick avec un sourire effrayant. Et c’est ton salopard de frangin qui va crever en premier. Comme ça, tu vas déguster encore un peu !

William a réussi à s’adosser au mur, il compresse sa jambe, essayant de stopper l’hémorragie. Comme si ça avait encore de l’importance.

— Lève-toi, petite ordure ! ordonne Patrick.

Le jeune homme ne réagit pas, tourne la tête vers son frère.

Ils savent tous les deux qu’ils ne se reverront plus jamais. Qu’ils échangent leur dernier regard.

— Debout ! hurle papa.

Il tire sur la longe, William s’étrangle, se retrouve à nouveau par terre.

— Debout, ou…

Papa pointe l’arme vers Raphaël. Alors, son frère consent à se mettre debout en s’aidant du mur.

Patrick n’aurait pas dû révéler qu’il emmenait William à l’abattoir. Raphaël sera d’autant plus dur à sortir de la pièce.

Mais il voulait voir la souffrance dans ses yeux, sur son visage. N’a pas pu s’en empêcher.