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Raphaël pose la main sur la porte vitrée, au moment où une bagnole blanche avec trois types à l’intérieur ralentit. Puis s’arrête, juste en face de la bijouterie.

Le grain de sable, tant redouté.

William a compris, Raphaël aussi.

Ce n’est plus le coup de maître, c’est le coup de trop.

Les types sortent de la voiture, le regard de l’un d’eux croise celui de Raphaël. Moment crucial.

William, il est jeune, pas assez expérimenté. Il s’immobilise, les policiers aussi.

Putain, j’aurais jamais dû monter avec lui sur ce coup !

Un des flics recule en direction de la voiture. C’est étrange ; tout va à une vitesse folle et pourtant… L’impression d’un ralenti.

Will panique, sort son Beretta. C’est le début de la fin.

Pourtant, ce n’est pas lui qui va tirer, il n’en aura pas le temps. Fred le précède.

Un flic s’écroule, la machine se dérègle.

Fred se réfugie derrière la bagnole, les poulets font de même.

Échange de coups de feu. Une femme s’effondre, sans un cri. Tellement de cris autour…

Ça, ce n’est pas dans les règles du jeu.

William tombe à son tour, touché deux fois.

Raphaël le croit mort, le voit mort. Son cœur se serre jusqu’à l’asphyxie.

Il hurle, ouvre à nouveau les paupières. Réveil en sursaut.

Il est en sueur, ses mains sont crispées sur les accoudoirs du fauteuil qui lui sert de lit. Aussitôt, ses yeux se posent sur William. Il respire, il vit. La tension artérielle baisse d’un cran.

Ce nouveau cauchemar, il n’a pas fini de l’endurer. Nuit après nuit.

Cette fois-ci, il ne retrouvera pas le sommeil. Il ne s’est pourtant pas offert de repos depuis presque trente-six heures.

36. Antre de la BRB, antichambre de la taule.

Là où il ne veut pas retourner.

Alors, il refuse de se rendormir.

Ça aussi, c’est le jeu.

Un jeu auquel il n’a soudain plus envie de jouer.

*

6 h 30

Il a l’impression d’émerger d’un long voyage souterrain. De sortir la tête hors de l’eau. Ou de sortir d’une tombe.

Ses yeux cherchent.

Raphaël.

Assis juste à côté du sofa, dans un fauteuil en cuir. Qui prend sa main, lui sourit.

— Comment tu te sens, petit frère ?

William voudrait répondre mais sa gorge est comme brûlée. Il essaie de sortir un mot.

— Mal.

— Ça va aller maintenant.

— Où… on est ?

— Chez la toubib qui t’a soigné hier soir. Tu te souviens ?

William fait non, avec la tête.

— Tu as soif ? Tu veux un verre d’eau ?

Il hoche le menton.

— Je reviens, ne bouge surtout pas.

Raphaël s’étire avant de partir pour la cuisine. Se faisant, il jette un œil à Sandra.

Par terre. Poignets et chevilles solidement attachés, bâillon sur la bouche. Elle a réussi à se traîner jusqu’à la table, à s’adosser au pied en bois massif. Elle porte une trace autour du cou, là où il a serré comme un forcené. Sans doute un hématome sur la cage thoracique, là où le flingue s’est enfoncé.

Lorsqu’il passe près d’elle, leurs regards se touchent. Les yeux de Sandra rampent immédiatement sur le sol.

Elle a compris. Qui était le plus fort des deux.

Les règles du jeu.

Raphaël utilise sa main gauche pour prendre un verre dans le placard, le remplir d’eau fraîche au robinet. Sa main droite est presque paralysée, son bras lui fait un mal de chien, même si Sandra a réalisé un pansement parfait. Pas évident, pourtant, quand on est à genoux avec un pistolet collé sur la tempe.

Mais il faut toujours réparer ses erreurs. Principe de base.

Raphaël ajoute un sucre dans l’eau et apporte la mixture à son frère qui a bien du mal à s’asseoir. Ils ne repartiront pas aujourd’hui ; Will est trop faible. Et puis, mieux vaut attendre que les poulets se calment. Là, ils sont sur le pied de guerre. Barrages partout, sans aucun doute. Ils vont être obligés de faire disparaître l’Audi, d’emprunter une autre voiture. Difficile de dénicher un bolide dans ce paisible patelin qui compte dix fois plus de vaches que d’habitants.

Mais ici, ils sont à l’abri, Raphaël en est convaincu. Alors, ils pourront s’offrir un répit.

Will a refermé les yeux, replongeant dans une sorte d’inconscience fiévreuse.

Sandra gigote, elle gémit. Le braqueur s’accroupit face à elle, arrache sans délicatesse le bâillon.

— Qu’est-ce que t’as à gesticuler comme ça ?

Elle hésite. Il va pour repositionner le bâillon lorsqu’elle avoue enfin :

— Je peux plus me retenir…

— Hein ?

— J’ai envie de pisser, merde !

Raphaël attrape sur la table le couteau de cuisine encore maculé de son propre sang, les yeux de Sandra s’arrondissent de terreur. Mais il se contente de couper le lien qui emprisonne ses chevilles. Il la remet debout, l’empoigne par un bras et la conduit jusqu’aux toilettes du rez-de-chaussée.

Pas de fenêtre, il peut donc la laisser seule.

— Vous pouvez me détacher les mains, aussi ?

Il soupire.

— Tourne-toi.

Il tranche la ficelle qui enserre ses poignets, la regarde droit dans les yeux.

— Si tu fermes le verrou, je défonce la porte et ta gueule juste ensuite, c’est clair ?

Elle hoche la tête, Raphaël ferme puis patiente dans le couloir. Au bout de quelques minutes qui lui paraissent interminables, il décide d’accélérer le mouvement.

— Faut que je vienne te chercher ou quoi ?

Le bruit de la chasse d’eau, la porte qui s’ouvre doucement. Raphaël est prudent, s’attendant presque à ce qu’elle lui bondisse dessus armée du balai à chiottes. Mais elle reste tranquille, espérant sans doute ne plus subir les cordes et le bâillon. Il la saisit à nouveau par le bras, l’escorte prestement jusque dans la cuisine.

— Fais-moi du café.

Il sent qu’elle a envie de se rebiffer, mais elle se garde bien d’ouvrir la bouche.

— Et puis j’ai la dalle. T’as quelque chose à bouffer ?

Finalement, elle ne peut s’empêcher de répondre :

— Pas grand-chose, mais il faudra vous en contenter. À moins que vous ne préfériez que je descende à la boulangerie du village ? Ils font d’excellents croissants.

Raphaël sourit. Décidément, elle a du cran.

— Descendre au village, hein… Et si on montait plutôt dans ta chambre ?

Elle devient livide, il sourit de plus belle.

— Non ?… Alors ferme-la et prépare mon petit déj.

Sandra le fusille du regard avant de se mettre à la tâche. Difficile d’accomplir des gestes pourtant quotidiens avec ce type qui épie le moindre de ses mouvements.

— Et t’approche plus des couteaux, doc… Sinon, je te les fais avaler un par un.

Du café dans un filtre, le bouton on off de la cafetière électrique. Puis Sandra sort quelques trucs du frigo, les pose sur la table. Du beurre, de la confiture, du jambon.

Soudain, elle se fige. Il est juste derrière elle. Très près, trop près. Il passe un bras autour de sa taille, pose une main sur son cou.