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Guillemot n’était pas le seul à se rendre à Yâdigâr. Des bandes d’Orks et d’hommes en armes côtoyaient sur la route, de plus en plus encombrée à mesure qu’il s’approchait de la ville, des marchands aux chariots pleins. Ceux-ci repartiraient sans doute avec le produit des rapines de Thunku, qu’ils écouleraient à Ferghânâ ou ailleurs.

L’Apprenti Sorcier essayait de se faire tout petit et s’enfonçait du mieux qu’il le pouvait dans son grand manteau gris.

Au moment de franchir l’unique porte de la ville forte, surmontée de la statue de l’énorme lion entouré de flammes figurant sur le médaillon de l’Ork, il se fit apostropher par un garde en tout point semblable à celui qui l’avait presque rançonné, à l’entrée de Ferghânâ : d’apparence humaine, mais si monstrueux qu’il semblait avoir été croisé avec un Ork.

– Hé, toi ! Le Petit Homme de Virdu ! Viens avec moi !

Guillemot se pétrifia, saisi de stupeur. Finalement, il

reprit ses esprits et répondit de sa voix la plus grave :

– Qu’est-ce qui se passe ?

– Ne te fous pas de moi, nabot ! Comme si tu ne savais pas que le Seigneur Thunku avait interdit l’accès de sa ville à ceux de ton peuple ! Allez, suis-moi.

– Écoutez, il doit y avoir un moyen de s’arranger, ou de…

Guillemot ne put rien dire de plus : le garde moitié homme moitié Ork avait sorti sa large épée crantée de son fourreau et l’avait mise sous sa gorge.

– Ça va, ça va, je vous suis !

Se plaçant derrière lui, l’épée toujours menaçante, le garde le guida à travers Yâdigâr en direction d’un grand bâtiment qui dominait la cité.

Yâdigâr était aussi étendue que Ferghânâ, sa sœur jumelle, mais s’en distinguait par bien des côtés. Sur les murs d’enceinte, parfaitement entretenus, des gardes armés jusqu’aux dents montaient une garde vigilante ; aucun esclave n’aurait eu la moindre chance de s’enfuir de la ville ! Une ville grouillant d’hommes de guerre, de mercenaires venus offrir leurs services ponctuels au maître de la cité. Des bagarres éclataient régulièrement entre eux, dans les rues ou dans les nombreuses tavernes où ils traînaient lorsqu’ils étaient désœuvrés. Guillemot constata cela d’un œil inquiet, et se félicita presque de bénéficier de l’escorte du monstre qui l’avait arrêté. Pas de cracheurs de feu, de faux magiciens ni de bijoutiers à Yâdigâr : la cité était dévolue à la violence et à la guerre, et le seul commerce qu’on y faisait était celui des armes et du produit des pillages !

Le bâtiment imposant où fut conduit Guillemot cumulait plusieurs fonctions. La partie visible, sur plusieurs étages, respirait le luxe poussé à son extrême, et ressemblait à une caricature de palais oriental. La partie cachée où on l’entraîna, qui s’étendait au sous-sol sur plusieurs niveaux, s’apparentait davantage à des catacombes.

On ouvrit pour lui une épaisse porte ferrée, et on lui fit prendre un couloir humide jusqu’à une cellule dotée de lourds barreaux, où il fut jeté.

36

36 PRISONNIERS

Guillemot mit un moment à s’accoutumer à l’obscurité régnant dans la vaste pièce voûtée. Il concentra d’abord son attention sur les barreaux de la porte, puis sur les murs, épais, luisants d’humidité et couverts par endroits d’une mousse noirâtre.

Il se rendit vite compte que les possibilités d’évasion étaient nulles. A ce moment-là seulement, il s’aperçut qu’il n’était pas seul dans le cachot : dans le fond, debout ou assis sur un bat-flanc, plusieurs personnes, réparties en petits groupes, observaient en silence le nouvel arrivant.

– Quand je vous disais que Yâdigâr était un bon plan pour tous se retrouver ! lança une voix joyeuse.

Guillemot reconnut avec stupeur la voix de Romaric, qui s’avançait vers lui, suivi de silhouettes tout aussi familières.

– Romaric ! Gontrand ! Coralie ! Ambre !

En riant de joie, il se précipita dans leurs bras.

– Ça alors ! C’est formidable ! C’est formidable !

– C’est miraculeux, oui, bougonna Ambre après avoir serré Guillemot plus fort que les autres dans ses bras. Qu’est-ce qui s’est passé lors du Passage, avec la Porte ?

– Je vous expliquerai… L’essentiel, c’est que vous soyez tous sains et saufs !

– Eh bien, c’était limite, objecta Gontrand en levant le doigt. Si tu savais où j’ai atterri ! Au sommet d’une tour gigantesque qui…

– Et moi, alors ? l’interrompit Coralie, les poings sur les hanches. Tu crois que c’était mieux de se retrouver sur un radeau pourri au milieu d’immondes méduses ?

– Au milieu d’immondes méduses ! minauda Gontrand en l’imitant.

– Si je peux me permettre… tenta Romaric.

– Et notre capture par les brigands, hein ? C’était une plaisanterie, peut-être ! continua Coralie sans prêter attention à son ami.

– Parlons-en de tes brigands, répliqua Gontrand. Si je n’avais pas été là…

– Si tu n’avais pas été là ? Quelle audace ! C’est Tofann qui nous a sauvés ! Remarque, si tu t’étais mis à jouer de ta cithare, je ne dis pas…

– Du calme ! cria Guillemot pour se faire entendre. Je crois qu’on a tous beaucoup de choses à se raconter.

– Ouais, dit Ambre. Les autres peut-être, mais moi, il ne m’est rien arrivé de particulier. Rien, à part d’atroces migraines.

– Nous aussi on a la migraine… à force de t’entendre te plaindre ! la railla Romaric.

– Je vais t’en donner, moi, de bonnes raisons d’avoir la migraine ! annonça la jeune fille en s’avançant vers lui.

– Hé ! les gars, faites quelque chose ! gémit Romaric qu’Ambre avait attrapé par le col.

Guillemot se précipita vers eux, faisant mine de les séparer. Qu’il était bon de se retrouver !

L’Apprenti remarqua alors qu’un jeune garçon, habillé de couleurs vives, se tenait timidement en retrait.

– J’oubliais, corrigea Romaric en se mettant à parler ska

Voici Toti. Il ne nous lâche plus depuis notre arrivée dans la prison. Il faut dire que tous les autres sont des adultes, de plus pas très sympathiques.

– Il est très bien, ce garçon, intervint Coralie.

– On n’a jamais dit le contraire, soupira Ambre. Mais nous, on ne le dévore pas des yeux comme toi !

– C’est ce costume, il lui donne ce que vous n’avez pas : un air distingué, expliqua Coralie.

– Heu, merci, répondit Toti un brin gêné, davantage par les sourires moqueurs que lui décochaient Romaric et Gontrand que par la remarque de Coralie.

– Pourquoi es-tu là ? lui demanda Guillemot.

– J’étais serviteur dans le Palais du Seigneur Thunku. J’avais faim, j’ai volé une pomme et on m’a attrapé, dit tranquillement le prisonnier.

– C’est affreux ! s’exclama Coralie.

– Oh ! j’ai de la chance. Beaucoup de prisonniers ne savent même pas pourquoi ils sont là.

– Sais-tu ce qui va se passer pour nous ? lui demanda Romaric.

– Non. J’imagine que l’officier principal de la prison viendra vous voir quand il en aura le temps ou l’envie.

– Charmant ! commenta Ambre. Et en attendant ?

– On pourrait commencer par se raconter nos aventures, proposa de nouveau Guillemot.

– Bonne idée ! acquiesça Coralie. Allons nous asseoir dans un coin.

Guillemot, Ambre et sa sœur se dirigèrent au fond du cachot en discutant avec animation. Toti, Gontrand et Romaric les rejoignirent.