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Vingt-quatre heures, se répéta Nicole. Un jour. Elle regarda Richard s’affairer sur le clavier. O’Toole était occupé à examiner les solides noirs éparpillés dans un angle de la salle. L’affection que lui inspiraient ces deux hommes fut rapidement remplacée par la peur que le caractère désespéré de leur situation instillait en elle. Allons-nous tous mourir demain ? se demanda-t-elle.

61. VAISSEAU EN PÉRIL

— Nous ne devrions pas être surpris, déclara posément Richard. Nous l’avions prévu.

Ils étaient assis en face du grand écran mural.

— Mais il nous restait malgré tout un espoir, rétorqua O’Toole. Obtenir la confirmation qu’on a vu juste n’est pas toujours agréable.

— Es-tu catégorique, Richard ? s’enquit Nicole. Comment peux-tu affirmer que chaque point représente un objet qui approche dans l’espace ?

— Ça ne fait malheureusement aucun doute. Nous nous sommes branchés sur un des systèmes de surveillance. Regarde, je vais changer le mode d’affichage.

Le cylindre de Rama apparut au cœur d’un ensemble de cercles concentriques. Il saisit ensuite deux autres instructions et leur vaisseau s’amenuisa pour devenir un simple point pendant que les anneaux qui l’entouraient se réduisaient eux aussi et que d’autres se dessinaient sur le pourtour de l’écran. Finalement, un groupe de points, seize en tout, se matérialisa sur la droite.

— Mais comment peux-tu savoir que ce sont des missiles ? insista-t-elle.

— Je dis simplement que ce sont des objets qui viennent droit sur nous en provenance de la Terre. Il est possible que le C.D.G. ait décidé d’expédier vers Rama des petits cadeaux destinés à entretenir l’amitié, mais j’en doute.

— Combien de temps ? voulut savoir O’Toole.

— Il est difficile de se prononcer, déclara Richard.

Entre dix-huit et vingt heures pour le premier. Ils sont plus dispersés que je ne l’aurais supposé. Une heure d’observation nous permettra de faire une estimation plus précise du moment de l’impact.

Le général siffla puis réfléchit quelques secondes et lui demanda :

— Avant de consacrer tous nos efforts à essayer d’informer Rama qu’il est sur le point de subir une attaque nucléaire, pourriez-vous répondre à une question ?

— Si c’est dans mes possibilités.

— En vertu de quoi croyez-vous que ce vaisseau pourra esquiver ou contrer ces missiles si nous lui adressons une mise en garde ?

Il y eut un silence.

— Michael, vous rappelez-vous ce voyage de Londres à Tokyo que nous avons fait il y a un an et notre longue discussion sur le thème de la religion ?

— Quand je lisais Eusèbe ?

— C’est possible. Vous me parliez de l’aube du christianisme… L’important, c’est que je vous ai demandé à brûle-pourpoint sur quoi se fondait votre foi. Vous souvenez-vous de votre réponse ?

— Naturellement. J’ai fourni la même à mon fils aîné lorsqu’il s’est découvert une vocation d’athée à l’âge de dix-huit ans.

— Je reprends à mon compte ce que vous m’avez dit alors. Il est indéniable que la technologie des Raméens surpasse de beaucoup la nôtre et il est logique de supposer qu’ils ont envisagé que leurs vaisseaux subiraient peut-être des attaques, lorsqu’ils les ont conçus… Ils ont pu doter Rama d’un système de propulsion très puissant dont nous n’avons pas encore découvert l’existence. Je suis prêt à parier…

— Puis-je vous interrompre une seconde ? intervint Nicole. Je n’étais pas avec vous, dans cet avion, et j’aimerais savoir ce qu’a dit Michael.

Les deux hommes se regardèrent. Ce fut le général qui répondit :

— La foi, étayée par la réflexion et l’observation.

* * *

— La première partie est assez simple à comprendre et je trouve cette approche excellente, mais je ne sais pas comment indiquer l’importance de l’énergie libérée et établir sans ambiguïté la relation qui existe entre une réaction en chaîne et ces missiles.

— Nous allons étudier la question pendant que tu peaufineras les graphiques du début du message, lui répondit Nicole. Michael affirme qu’il n’a pas oublié ses cours de physique nucléaire.

— Veillez à éviter le piège des suppositions, lui rappela Richard. Il est impératif que chaque élément de la mise en garde se suffise à lui-même.

O’Toole s’était absenté. Après deux heures de travail intensif il avait décidé d’aller se promener dans le tunnel. Il était parti depuis cinq minutes et ses collègues s’inquiétèrent soudain de son absence.

— Il a pu faire un saut aux toilettes, avança Richard.

— Ou s’égarer.

Il alla jusqu’au seuil de la salle pour crier dans le passage :

— Ohé, Michael ! Est-ce que tout va bien ?

— Oui, merci. Pourriez-vous venir ici une minute, tous les deux ?

La voix leur parvenait du bas de l’escalier principal.

— Que se passe-t-il ? voulut savoir Richard. Ils se réunirent au pied des marches.

— Qui a construit cette tanière ? demanda le général en étudiant le haut plafond. Et pourquoi croyez-vous qu’elle a été creusée à cet endroit ?

— Nous l’ignorons, répondit l’autre homme avec impatience. Et comme résoudre cette énigme en cinq minutes me paraît à première vue impossible et que j’ai du travail…

— Accordez-moi un instant, l’interrompit O’Toole sur un ton autoritaire. Il est indispensable que nous mettions certaines choses au point avant d’aller plus loin.

Ses compagnons attendirent la suite.

— Nous avons décidé d’adresser un avertissement à l’entité qui contrôle cet engin, afin qu’elle prenne les mesures qui s’imposent pour se protéger. Mais est-ce bien ce qu’il convient de faire ? Ne sommes-nous pas en train de trahir nos semblables ?

Il désigna la vaste caverne d’un grand geste du bras.

— Si tout ceci existe, ce n’est pas sans raison. Pourquoi les Raméens ont-ils exposé ces simulacres d’objets d’origine terrienne dans la salle Blanche ? Pour quelle raison nous ont-ils fourni les moyens de communiquer avec eux ? Qui sont, ou que sont, les aviens et les octopodes ?

Il secoua la tête, irrité par le nombre de questions qui restaient sans réponses.

— J’ai refusé de détruire Rama, mais j’hésite à adresser un avertissement à ce vaisseau. Il pourrait esquiver l’attaque grâce à nous puis s’en prendre à notre planète.

— C’est fortement improbable, Michael, intervint Nicole. Le premier Rama s’est contenté de traverser le système solaire…

— Une minute, l’interrompit Richard avec douceur. Je vais essayer de fournir une réponse au général.

Il s’avança et prit l’autre homme par les épaules.

— Michael, ce qui m’a le plus impressionné à votre sujet dès notre première rencontre, c’est votre capacité à établir une différence entre ce qu’il est possible de savoir par des méthodes scientifiques de déduction et les questions pour lesquelles il n’existe aucune approche logique valable. Nous manquons de données pour pouvoir comprendre le sens de ce qui nous entoure. Ce serait comparable à tenter de résoudre un ensemble d’équations linéaires simultanées quand les inconnues sont bien plus nombreuses que les constantes. Les solutions sont innombrables.