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— Fantastique, murmura O’Toole. Absolument sidérant.

— Rama va exécuter une manœuvre d’esquive, affirma Richard.

Il avait des difficultés à contenir sa joie. Il étreignit Nicole et O’Toole, puis revint vers la femme pour l’embrasser avec fougue.

— Youpiiie ! hurla-t-il en esquissant des pas de danse sur la muraille.

— Mais n’est-il pas trop tard ? lui cria-t-elle. Comment Rama pourra-t-il s’écarter de la trajectoire des missiles en si peu de temps ?

Il courut vers ses collègues.

— Tu as malheureusement raison, dit-il, à bout de souffle. Sans oublier le fait que ces engins de mort sont certainement dotés de têtes chercheuses.

Il se remit à courir, en direction de l’esplanade.

— Je veux voir ça sur le radar. Nicole adressa un regard à O’Toole.

— J’arrive, lui dit-il. Mais je n’ai que trop couru pour aujourd’hui et je souhaite admirer ce spectacle pendant encore quelques secondes. Partez, je vous rejoindrai.

Mais elle préféra l’attendre et, lorsqu’ils suivirent à leur tour le chemin que Richard venait d’emprunter, le militaire la remercia d’avoir accepté de recevoir le baptême.

— Ne soyez pas ridicule, lui répondit-elle. C’est, moi qui vous suis redevable.

Elle le prit par l’épaule. La cérémonie par elle-même est en fait secondaire, continua-t-elle en pensée, mais vous sembliez si inquiet pour le salut de nos âmes que nous avons voulu vous rasséréner. C’est tout au moins la seule raison qui me vient à l’esprit…

Le sol se mit à trembler et O’Toole s’arrêta, effrayé.

— C’est ce qui s’est passé lors de la précédente manœuvre, lui dit Nicole en le prenant par la main pour faciliter leur progression. À ce qu’on m’a dit, car je n’ai pu y assister. Je gisais au fond d’un puits, inconsciente.

— Ces jeux de lumière seraient l’équivalent d’un avertissement ?

— C’est probable. Voilà pourquoi Richard était si joyeux.

À peine eurent-ils ouvert la trappe d’accès à l’antre que leur ami en jaillit.

— Ils l’ont fait ! s’exclama-t-il. Ils l’ont fait !

Ses compagnons ouvrirent de grands yeux pendant qu’il reprenait son souffle.

— Ils ont déployé tout autour du vaisseau une sorte de gangue – je ne sais trop quoi – qui a entre six et huit cents mètres d’épaisseur. Venez…

Il tourna sur ses talons et redescendit les marches, quatre à quatre.

Nicole contra sa fatigue par un dernier apport d’adrénaline, dévala l’escalier et courut jusqu’à la salle Blanche. Debout devant l’écran mural, Richard passait d’une image du filet protecteur entourant Rama à une vue d’ensemble où apparaissaient les missiles.

— Ils ont dû saisir le sens de notre avertissement, commenta-t-il.

Il la prit dans ses bras et la souleva du sol, lui donna un baiser puis la tint à bout de bras dans les airs.

— Ça a marché, ma chérie ! Merci ! Oh, merci ! Nicole était elle aussi dans tous ses états, mais elle doutait que leur initiative pût éviter la destruction de Rama. Le général vint les rejoindre et Richard leur expliqua ce qu’ils voyaient sur l’écran. Il ne restait que neuf minutes et Nicole sentait d’énormes papillons voleter dans son estomac. Le sol tremblait toujours. Rama poursuivait sa manœuvre.

Les missiles nucléaires devaient être dotés de têtes chercheuses, car bien que le vaisseau eût commencé à modifier sa trajectoire ils se ruaient toujours vers lui. Le radar de proximité montrait que les seize engins étaient disséminés. Il en résulterait une série d’explosions qui dureraient près d’une heure.

Richard ne restait plus en place. Il allait de tous côtés. Il sortit B de sa poche, le posa sur le sol et s’adressa à lui comme s’il était son meilleur ami. Ses propos manquaient de cohérence : il lui disait de s’apprêter à la déflagration imminente pour lui expliquer sitôt après comment Rama esquiverait miraculeusement les missiles.

Le général O’Toole tentait de rester calme, mais c’était impossible auprès de Richard qui courait de toutes parts tel un diable de Tasmanie. Il ouvrit la bouche pour lui en faire la remarque mais se ravisa et sortit dans le tunnel, où il bénéficierait d’un peu de tranquillité.

Nicole mit à profit un des rares instants où Richard resta en place pour aller vers lui, le prendre par les mains et lui dire :

— Détends-toi, mon chéri. Nous ne sommes plus maîtres de notre destin.

Il la regarda puis l’enlaça et lui donna un baiser passionné avant de s’asseoir sur le sol frémissant et de l’attirer contre lui.

— J’ai peur, Nicole. Je suis terrifié. Je ne peux supporter mon impuissance.

— Je suis moi aussi effrayée, avoua-t-elle. Et Michael également.

— Mais rien dans votre attitude ne le laisse voir. Je me sens ridicule, à bondir ainsi de tous côtés comme une grenouille.

— Chacun de nous a une façon bien personnelle d’attendre la mort. Nul n’est à l’abri de la peur, mais nous la subissons de façon différente.

Il se calma. Il regarda l’écran mural, puis sa montre.

— Il ne reste que trois minutes à attendre avant le premier impact, dit-il.

Elle referma ses mains sur ses joues et déposa un baiser sur ses lèvres.

— Je t’aime, Richard Wakefield.

— Je t’aime aussi, lui répondit-il.

* * *

Richard et Nicole étaient assis sur le sol et se tenaient par la main, les yeux rivés sur l’écran, quand le premier missile atteignit le cocon tissé autour de Rama. Le général O’Toole, revenu trente secondes plus tôt, se dressait derrière eux sur le seuil de la salle. L’étrange filet protecteur céda pour amortir l’impact et l’engin destructeur y pénétra. Des filaments s’enroulèrent autour de lui et l’enfermèrent dans une épaisse gangue avec une rapidité déconcertante. Une fraction de seconde plus tard la charge nucléaire explosait, à environ deux cents mètres de la coque de Rama. Les humains virent sur l’écran l’enveloppe protectrice se déformer mais seule une légère secousse fut perceptible à l’intérieur de la salle Blanche.

— Wow ! Vous avez vu ça ? demanda Richard.

Il se leva d’un bond pour se rapprocher de l’écran.

— Ça s’est passé si vite, commenta Nicole qui venait le rejoindre.

Le général O’Toole murmura une brève prière de remerciement et l’imita.

— Comment ont-ils réalisé une chose pareille ? demanda-t-il à Richard.

— Je n’en ai pas la moindre idée. Mais ce cocon a amorti l’onde de choc. J’aimerais savoir de quoi il est constitué.

Il zappa sur l’image radar.

— Nous allons regarder plus attentivement ce qui se passe avec le suivant. Il devrait arriver dans quelques…

Il y eut un éclair aveuglant et l’écran s’éteignit. Moins d’une seconde plus tard un déplacement latéral violent les déséquilibrait et les envoyait rouler sur le sol. La salle Blanche fut plongée dans l’obscurité et le sol cessa de vibrer.

— Personne n’est blessé ? demanda Richard en cherchant à tâtons la main de Nicole.

— Pas moi, en tout cas, répondit O’Toole. J’ai percuté la paroi, mais seuls mon dos et mon coude ont été meurtris.

— Je suis indemne, mon chéri, fit Nicole. Que s’est-il passé ?

— Celui-ci a dû exploser plus tôt, avant d’atteindre le filet. Nous avons été ébranlés par l’onde de choc.

— Je ne comprends pas, avoua le militaire. Comment peut-il y avoir une onde de choc dans le vide ?