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— Disons que je n’ai pas employé un terme approprié, précisa Richard.

La lumière revint et les vibrations reprirent. Il se releva et ajouta :

— Alors, que dites-vous de cela ? La célèbre redondance raméenne démontre une fois de plus son utilité. Ça va ?

Il s’était adressé à Nicole qui avait des difficultés à rester debout.

— Je me suis blessé le genou, mais c’est sans gravité. Richard reprit sa réponse à la question posée par O’Toole :

— La bombe a détruit son propre vecteur.

Il fit défiler la liste des détecteurs pour chercher ceux de remplacement.

— L’onde qui a cinglé Rama était composée de gaz et de débris propulsés à une vitesse vertigineuse. Le filet a atténué sa force d’impact.

Nicole alla s’asseoir contre le mur.

— Je préfère ne pas être prise au dépourvu, la prochaine fois.

— Je me demande combien de secousses de ce genre Rama pourra encaisser, dit Richard.

Le général O’Toole vint s’installer près de Nicole.

— Deux d’éliminés. Il n’en reste que quatorze, fit-il. Tous sourirent. Au moins étaient-ils en vie, pour l’instant.

Richard trouva les détecteurs de secours quelques minutes plus tard.

— Oh, oh ! fit-il en parcourant du regard les points qui subsistaient sur l’écran. Si je ne me trompe pas, la dernière bombe a explosé à plusieurs kilomètres. Nous avons eu de la chance. Il faut espérer qu’aucune ne le fera à la limite du filet.

Deux autres missiles furent pris au piège et enchâssés dans un cocon. Richard se leva pour annoncer :

— Nous allons bénéficier d’un court répit. Le prochain projectile n’arrivera que dans trois minutes, puis nous en recevrons quatre à la suite.

Nicole se leva à son tour et constata que le général O’Toole se tenait le dos.

— Êtes-vous sûr que ça va, Michael ? lui demanda-t-elle.

Il hocha la tête, sans détacher les yeux de l’écran. Richard vint vers elle et prit sa main. Une minute plus tard ils retournaient s’asseoir contre la cloison en prévision des prochaines explosions.

Leur attente fut brève. Une force latérale bien plus forte que la précédente se fit sentir moins de vingt secondes plus tard. La salle fut à nouveau plongée dans l’obscurité et le sol cessa de trembler. Nicole ne pouvait voir O’Toole mais elle l’entendait respirer avec difficulté.

— Michael, êtes-vous blessé ?

Il ne répondit pas et elle rampa dans sa direction. C’était une erreur, car rien ne la retint lors de l’embardée suivante. Elle fut projetée brutalement contre la paroi, qu’elle heurta de la tempe.

* * *

Le général O’Toole resta près d’elle pendant que Richard montait à la surface pour évaluer les dégâts. Ils parlèrent à voix basse, à son retour. Il n’avait répertorié dans New York que des destructions mineures. Une demi-heure après que le dernier missile eut été pris dans le filet, les lumières revinrent et le sol se remit à vibrer.

— Vous voyez, dit Richard avec un sourire contraint. Je vous avais dit que tout finirait par s’arranger. Les Raméens font toutes les choses importantes en trois exemplaires.

Nicole resta inconsciente près d’une heure. Vers la fin elle perçut vaguement les vibrations du sol et la conversation qui se déroulait de l’autre côté de la salle. Elle ouvrit les paupières, très lentement.

— L’effet de filet accroît la vitesse hyperbolique, disait Richard. Nous croiserons l’orbite terrestre plus tôt que prévu, bien avant l’arrivée de notre planète.

— Quelle sera la marge ?

— Importante. J’ignore quand Rama coupera ses propulseurs, mais même s’il le fait à présent nous passerons à un million de kilomètres de la Terre, plus de deux fois la distance qui la sépare de la Lune.

Nicole s’assit et sourit.

— Bonjour, leur dit-elle gaiement. Ils se précipitèrent vers elle.

— Ça va, ma chérie ? lui demanda Richard. Elle tâta une grosse bosse, sur sa tempe.

— Je crois, mais j’aurai sans doute de sacrées migraines pendant quelque temps.

Elle les regarda.

— Et vous, Michael ? Je me souviens que je m’inquiétais pour votre santé, au moment de la grande explosion.

— La précédente m’avait coupé le souffle, expliqua O’Toole. Mais j’étais paré pour la troisième et mon dos semble s’en remettre.

Richard reprit son exposé sur ce que les systèmes de détection de Rama lui avaient permis d’apprendre.

— J’ai entendu la fin de ton cours, lui dit Nicole. J’en déduis que nous ne risquons plus de percuter la Terre. Mais où allons-nous, à présent ?

Il l’aida à se relever puis haussa les épaules.

— Il n’y a pas de planète ou d’astéroïde sur notre nouvelle trajectoire, et notre vitesse s’accroît. Sauf coup de théâtre, nous allons quitter le système solaire.

— Et devenir des voyageurs interstellaires, dit-elle posément.

— Si nous survivons jusqu’à la prochaine escale, ajouta le général.

Un sourire amusé incurva les lèvres de Richard, qui déclara :

— Je refuse de m’inquiéter de mon avenir. Pour l’instant, tout au moins. Et je souhaite célébrer dignement le fait que nous avons échappé à cette phalange de missiles nucléaires. Je propose de monter à la surface pour présenter Michael à de nouveaux amis. Devons-nous aller rendre visite aux aviens ou aux octopodes ?

Nicole secoua la tête et sourit.

— Tu es incorrigible, Richard. Qu’il ne soit…

Qu’il ne soit, à l’union de vrais esprits, Admis aucune opposition,

C’était B qui venait de l’interrompre. Les trois cosmonautes sursautèrent, baissèrent les yeux sur le petit robot puis éclatèrent de rire à l’unisson.

… l’amour n’est pas l’amour Si les changements l’altèrent, Ou si les séparations peuvent l’amoindrir. Oh non ! Il est un point de repère immuable…

Richard ramassa B et l’arrêta. Nicole et Michael riaient encore. Il les étreignit tour à tour.

— Je ne pourrais espérer avoir de meilleurs compagnons de voyage, dit-il en levant le petit robot au-dessus de sa tête. Quelle que soit notre destination.

POSTFACE

par Arthur C. CLARKE

Écrire est une activité solitaire et après s’y être livré pendant quelques décennies même le plus fervent des égotistes peut à l’occasion souhaiter avoir de la compagnie. Mais toute collaboration artistique est une entreprise hasardeuse, et plus les participants sont nombreux plus les chances de réussite sont réduites. Pourrait-on imaginer Moby Dick par Herman Melville et Nat Hawthorne ? Ou Guerre et Paix par Léon Tolstoï et Freddie Dostoïevski, avec des dialogues additionnels d’Ivan Turgueniev ?

Je n’aurais jamais imaginé il y a seulement quelques années que je travaillerais un jour avec un autre écrivain sur une œuvre de fiction. Le cas de la non-fiction est différent. J’ai apporté ma participation à quatorze ouvrages ayant de multiples auteurs (dont deux avec les éditeurs de Life, le summum en matière de répartition des tâches), mais la fiction… impossible ! J’étais fermement convaincu que je ne laisserais jamais un tiers altérer les fruits de mon imagination.

Mais, début 1986, mon agent, Scott Meredith, me téléphona sur le ton persuasif du « Ne-dites-surtout-pas-non-avant-que-j’aie-terminé ». Je déduisis de ses propos qu’un jeune producteur génial souhaitait tourner quelque chose – n’importe quoi – de moi. Je n’avais pas encore entendu parler de Peter Guber mais j’étais allé voir deux de ses films (Midnight Express et Les Grands Fonds) qui m’avaient fortement impressionné. Je le fus plus encore quand Scott m’annonça que son dernier long métrage, La Couleur pourpre, avait été nominé pour une demi-douzaine d’Oscars.