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— Peut-être avait-il quelque chose à cacher ?

— Ou bien un rendez-vous ?

— Ou bien un rendez-vous, oui…

— Avec le docteur, par exemple ?

— Pourquoi pas ?

— D’autant que pour faire entrer un corps dans une chaudière il faut préalablement le découper. Qui donc mieux qu’un boucher ou un médecin accomplirait mieux cette répugnante besogne ?

— Voulez-vous dire que Bougeon aurait aidé à l’assassinat de sa fille ?

— On a vu des choses plus extraordinaires…

— Il l’aurait découpée ?

— Enfin, comment savait-il que c’étaient ses cendres que vous tripatouilliez ?

André réfléchit un long moment :

— Et tout cela dans quel but, commissaire ? Avez-vous mis en pratique le vieil adage : « Cherchez à qui le crime profite ? ». À qui pouvaient profiter ces crimes successifs ?

— Au docteur ?

— En ce cas, comment ? Qu’il tue Parieux, ça se comprend puisque, paraît-il, il le haïssait… Mais pourquoi Balmin… Balmin avec l’assistance de Parieux ? Pourquoi sa fille ?

— Oh ! marre ! je ronchonne. Ma chaudière à moi va exploser si je continue à tourniquer là-dessus comme un corbeau autour d’une charogne.

— Vous étudierez cela à votre retour des États-Unis, à moins que vos collègues ne parviennent à mettre la main sur le petit pédéraste et que ce dernier n’avoue…

Nous nous levons de table… L’aubergiste se casse en deux et nous escorte jusqu’à la porte.

— Au plaisir, messieurs, nous dit-il…

Au plaisir ?

Comme je m’apprête à prendre place dans la voiture, une voix crie :

— Commissaire ! Commissaire !

Je regarde et je vois radiner un taxi parisien, un vieux G7. Le corps engagé à l’intérieur, il y a Chardon… Un Chardon gesticulant, excité, semant des cacahuètes et des postillons.

Le taxi stoppe.

— Vous êtes ici ? fait le gros flic. Je suis sur les traces du docteur. À peine avais-je commencé ma faction devant son domicile qu’il est sorti. Il est grimpé dans sa voiture et il est parti. Il n’y avait pas de taxi en vue… Je suis alors monté chez lui. Une femme de ménage m’a dit qu’il était parti comme un fou en lui disant qu’il allait dans sa propriété de Goussenville… Moi j’ai réquisitionné un taxi, mais ces tacots vont tellement doucement…

— Eh bien ! ne te fatigue pas, fais-je… J’ai vu le toubib, il est mort. Il s’est tiré une balle dans le crâne… Fais le nécessaire… Que personne n’entre dans la maison… Surtout pas les gendarmes…

— Tué ! balbutie Chardon.

— Oui, lui dis-je en débrayant, tu vois : encore une mort naturelle !

CHAPITRE XVI

Ne perdez jamais une occasion de descendre à la cave

Il est un peu plus de quatre heures (seize heures pour mes lecteurs chefs de gare) lorsque je quitte la strass du patron. J’avoue que je suis un peu sonné par la mission qu’il vient de me confier… J’ai déjà exécuté bien des boulots, mais des comme ça jamais. Enfin, il faut un début à tout… Je vous parlerai de ça plus tard !

Enfin, ma devise est « Vivons l’instant »… Lorsque je serai dans l’avion, cette nuit, je commencerai à penser à ça…

Je remise mon passeport, mes dollars et mon mot de recommandation dans une fouille, puis je redémarre sur le sentier de la guerre…

Il me reste quelques heures devant moi avant le décollage et l’expérience me prouve que quelques heures bien employées valent largement une existence inutile.

Je prends le vent, incertain, puis j’opte pour la rue Chaptal… C’est décidément la rue des Macchabées, avec ce voisinage du Grand Guignol où, chaque soir, le sang coule à flot !

Je commence par rendre une petite visite à la voisine de feu Parieux, la vieille fille.

Elle mijote dans une odeur de cacao et de vieux calendrier.

Elle pousse un petit cri de souris épouvantée en me voyant.

— Ouuuu, glapit-elle, le policier…

— Eh bien ! Eh bien ! dis-je en entrant, ne croirait-on pas que vous avez peur de la police, chère mademoiselle…

— Je n’ai pas peur de la police, mais des hommes, minaude cette vieille tordue desséchée…

Je la regarde éloquemment…

Pour s’en prendre à sa vertu, faudrait se munir d’un pic pneumatique, moi je vous le dis !

— Allons, allons, chère demoiselle, les hommes ne sont pas tous des butors. Il existe aussi des gentlemen…

Et je complète :

— Rarement dans la police, nous sommes d’accord, on peut même dire que je suis l’oiseau rare de la maison poulaga.

Aussitôt je reviens à… mon mouton !

— Dites voir, le soir où ce pauvre M. Parieux a cassé sa pipe…

— Un peu de décence, coupe-t-elle.

— Pardon, le soir où il a clamsé, la radio marchait-elle, chez lui ?

— Oui… Il écoutait l’émission des avant-premières… C’était le dimanche soir, hein ?

— En effet… Et, lorsque la… compagne de Parieux est partie, la radio s’est-elle tue ?

— Oui… Un peu avant…

Tiens, tiens, le docteur André aurait-il mis dans la cible ? Isabelle a éteint la radio avant de sortir… Parieux dormait… pour toujours !

Je regarde la vieille fille. Ses yeux en fente de tirelire ne me quittent pas.

— Quel dommage que vous ne vous soyez pas mariée, fais-je…

— Pourquoi ? se rebiffe-t-elle.

— Parce que je suis certain que vous auriez fait le bonheur d’un homme.

Elle a une nuance de regret dans la voix…

— C’est la destinée, dit-elle.

— Eh oui… Mais vous devez vous trouver bien seule ?

— J’ai mes habitudes…

— Sûrement… Enfin… Vous regardez le mouvement de la rue, je parie que vous restez longtemps à la fenêtre…

— Il n’y a pas beaucoup de mouvement dans cette rue…

— C’est vrai…

— Dites, le soir, lorsque la jeune fille est partie, vous vous êtes mise à la fenêtre, non ?

— Je ne me souviens pas…

Elle me bourre le crâne, cette savate éculée !

— Mais si, assuré-je, le cafetier d’en face m’a dit que vous étiez à votre croisée et que vous avez sorti la petite de l’immeuble…

Là j’y vais dans les contrecarres, mais elle mord à plein dentier dans la pâte.

— De quoi se mêle-t-il, ce gros plein de soupe ! s’indigne-t-elle. On n’a plus le droit de se mettre à sa fenêtre, maintenant ?

— Là n’est pas la question, mademoiselle… heu… Chose… Vous avez parfaitement le droit de vivre à votre fenêtre à la condition que ça ne soit pas à poil…

— Quelle horreur ! bave-t-elle.

Son râtelier lui sort du tiroir… Elle l’aspire avec un gros bruit de succion.

— La fille est-elle montée dans l’automobile de Parieux ?

— Oui, dit-elle.

— Elle était seule ?

— Oui… Mais elle n’est pas sortie tout de suite de l’immeuble.

— Comment cela ?

— Je l’ai entendue fermer la porte et descendre l’escalier, mais elle a mis longtemps avant de déboucher dans la rue… Au moins cinq minutes de plus qu’il n’en faut pour descendre les étages… C’est vrai qu’elle était chargée, mais tout de même…

— Elle était chargée ?

— Oui, elle portait un sac sur son épaule…

— Un sac ? Quel genre de sac ?

— Un sac de chanvre, comme un sac à pommes de terre…

— Il était plein ?

— Oui, mais il avait une forme bizarre… J’ai pensé qu’elle emmenait un vieil objet, peut-être des chandeliers…