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— L’Ingénieur en Chef Lawrence est maintenant à Port Roris, répondit Davis, et il organise l’opération de sauvetage. Dès qu’il aura des précisions sur le temps que cela nécessitera, nous vous les ferons connaître. Pouvez-vous me dire maintenant comment vous occupez votre temps ?

Pat le lui expliqua. Et les explications qu’il donna devaient avoir pour effet de multiplier instantanément et formidablement la vente de Shane et aussi – ce qui était peut-être moins souhaitable – celle de L’Orange et la Pomme. Pat parla rapidement du tribunal qu’ils avaient institué – et dont les débats étaient maintenant ajournés sine die !

— Tout cela a dû être très amusant, dit Davis. Mais maintenant vous n’aurez plus à compter uniquement sur vos propres ressources. Nous pourrons vous envoyer tout ce que vous pouvez désirer : de la musique, des pièces de théâtre, des débats. Vous n’avez qu’à nous dire ce que vous voulez, et le nécessaire sera fait aussitôt…

Pat prit tout son temps pour répondre. Il fallait consulter les passagers.

Déjà, la radio avait transformé leurs vies, les avait remis en contact avec ceux qu’ils aimaient.

Pat, pourtant, à certains égards, regrettait presque que leur condition de reclus ait pris fin.

Le sentiment très chaud de solidarité qu’ils avaient tous éprouvé – et que même Miss Morley, malgré son petit éclat, avait à peine amoindri – n’était déjà plus qu’un rêve qui s’évanouissait. Ils ne formaient plus un groupe homogène, soudé par le commun désir de survivre. Leurs vies, de nouveau, avaient divergé, s’étaient orientées vers des buts, des ambitions, des projets indépendants. Ils venaient d’être replongés dans l’humanité et absorbés par elle comme des gouttes d’eau sont absorbées par l’océan.

C’est qu’ils avaient maintenant la certitude qu’ils étaient sauvés, qu’ils allaient vivre. Leur allégresse était de même nature – et plus forte encore – que celle des foules quand elles avaient appris qu’on les avait retrouvés.

* * *

Seul un homme, dans tout le système solaire, ne partageait pas cette certitude, ni cette allégresse, ne pouvait pas participer de tout cœur à la joie des autres. Et c’était l’Ingénieur en Chef Lawrence…

Car il savait, lui, que tout était loin d’être fini. Il savait, lui, que la tâche la plus difficile allait commencer, et il ignorait encore, non seulement s’il pourrait la mener à bien, mais même comment il devrait s’y prendre pour essayer de la mener à bien.

Assis à son bureau du Centre local technique de Port Roris, il jeta un bref coup d’œil par la fenêtre garnie d’épais panneaux vitrés. Devant lui s’étendait la Mer de la Soif, l’étrange mer de poussière monotone et grise et plate, cette mer au sein de laquelle était emprisonné un bateau plein de touristes que l’on considérait déjà comme sains et saufs.

Il réprima un frisson.

Il se sentait au fond de lui-même plus angoissé, plus effrayé et impuissant que les hommes et les femmes emprisonnés là-bas sous quinze mètres de poussière.

Il savait qu’il allait avoir à mener le combat le plus dur de toute sa vie.

Mais il ne s’attarda pas à ces sombres méditations. Il décrocha son téléphone.

Fin du tome I

Le lecteur retrouvera tous les personnages de ce roman dans le Tome II et dernier, intitulé : Naufragés de la Lune.