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Parlophone. La voix du triste sir :

— Hello !

— Ici, San-Antonio.

Rugissement. La porte s’ouvre, je grimpe l’escadrin. Un grand rectangle de lumière ocre se découpe sur le palier. Le fils du baronnet m’attend. Il est en smoking.

Juste comme j’arrive, une voix d’homme crie en anglais :

— Non, Phil ! contrôlez-vous !

Mais le gars ne se contrôle pas et me bondit sur la casaque.

Vous vous rendez comptez si ça commence à faire beaucoup ?

Maintenant ça devient aussi traditionnel que l’Angleterre elle-même, dès qu’on se trouve en présence l’un de l’autre on commence par se mettre une avoinée.

Il me cueille à la sauvage : coup de latte dans les sœurs Etienne, que j’esquive de peu en me mettant de profil et qui me vaut un bleu à la cuisse large comme un beefsteak de travailleur de force ; puis cueillette en crochets gauche-droite.

Je titube, je recule, je bascule, je chois. Au moment où je vais pour me relever, cette ordure à blason me virgule un coup de semelle dans les mandibules.

— Phil ! je vous prie, ça n’est pas correct, fait la voix précieuse.

À travers un brouillard, j’ai le temps d’apercevoir un grand jeune homme élégant et distingué, assis, jambes croisées dans un fauteuil.

Sir Concy ne prend pas garde à l’interruption.

Le voilà qui me savate encore. J’ai l’impression de passer le week-end dans une bétonneuse en folie. Ça m’arrive de tous les côtés. Et bing ! Et bang ! Et bong[16]. J’essaie de me parer, mais ça pleut là où je ne suis pas couvert.

Le grand jeune homme élégant s’est levé.

— Phil, je suis très déçu par votre attitude. Un gentleman…

Sir Concy s’arrête, épuisé par ses efforts. Le gars Bibi se paie trois litres d’oxygène de la bonne année et décide de jouer sa petite partition. Chacun son tour, non ?

J’y vais à la brutale. C’est le coup du rentre-dedans, tête première. Il prend ma coupole dans le plastron et s’en va faire des essais de verre de montre sur le plancher.

Plus régulier qu’il ne l’a été, je m’abstiens de l’assaisonner pendant qu’il est à terre. Je pousse même l’élégance jusqu’à l’aider à se relever en le halant par son nœud de smoking.

Pour assurer ma prise je donne un tour de poignet et le fils du baronnet étouffe.

— Espèce de vermine ! fulminé-je. Petite larve !

Il essaie de ruer mais je ne sens même plus ses soubresauts. D’une détente prodigieuse, je le catapulte contre le mur. Un magnifique sous-verre représentant une dame vêtue d’un éventail tombe et se brise. Sir Concy fait « hhhan » en touchant le mur.

Je m’approche, il est pantelant. Il veut cependant s’avancer sur moi mais je lui place quatorze manchettes style Delaporte, à toute vibure et sans chiqué.

Le jeune homme de bonne famille s’écroule alors sur le tapis, groggy.

Je me masse l’avant-bras doucement et J’exécute quelques mouvements gymniques.

— Magnifique, me fait le spectateur.

Il s’incline et avance son blaze :

— Sir Constence Haggravente, se présente-t-il. Je suis le meilleur ami de Philipp.

— Il vous faut de la constance, en effet, ne puis-je éviter de plaisanter.

Et, revenant fissa aux convenances :

— San-Antonio.

On se serre la main.

— Oh ! C’est donc vous, murmure Haggravente en fronçant les sourcils.

Son exclamation me paraît étrange. Sir Concy a donc parlé de moi à ses amis ;

Mon interlocuteur est un grand blond à l’œil clair, infiniment racé. Il se baladerait avec son pedigree autour du cou que ça ne serait pas plus éloquent.

— Pourquoi dites-vous que c’est donc moi ?

— Phil vous cherche depuis midi…

— On me l’a dit…

— Il voulait vous tuer.

— Il me l’a laissé sous-entendre.

— Il vous hait, je crois, profondément…

— Il me l’a fait comprendre.

— Il paraît que vous lui avez pris sa fiancée ?

— Je ne la lui ai pas prise, je l’ai seulement ramassée : elle était tombée dans mon lit.

Sir Constence Haggravente sourit.

— Amusant, murmure-t-il.

— Comment savez-vous tout cela, sir Haggravente ?

— Parce que Phil me l’a dit.

— Et il le tenait de qui, de son petit doigt ?

— Non, de l’ancien maître d’hôtel de ses parents, James Mayburn.

Je tique, ma montre tic-taque et mon cœur fait toc-toc.

— Racontez, je suis passionné.

— Lorsque Lady Daphné est revenue de France pour occuper le château, elle manquait de personnel. Phil, qui venait de faire la connaissance de Cynthia, lui a alors proposé Mayburn pour la dépanner.

Je pars d’un grand éclat de rire.

— Et il a chargé le domestique de me surveiller ?

— James lui est très dévoué. Phil était jaloux. La jalousie fait commettre bien des folies, même à un sujet de Sa Majesté, monsieur San-Antonio. Mayburn a placé un magnétophone dans votre chambre sur les directives de son ancien maître. Mais cela n’a rien donné car, paraît-il vous avez découvert l’appareil. Alors il a osé aller vérifier la nature de vos relations avec Miss Cynthia dans votre propre chambre…

— Ah ! le second fantôme ! m’exclamé-je, c’était donc ça !

— Pardon ?

— Non, rien, je pense tout haut…

Mais tout bas, je me dis que j’ai commis une erreur d’aiguillage en suspectant le majordome et en suspectant sir Concy. Je n’avais affaire qu’à un hyper-jaloux et à son complice.

— James est venu lui rapporter la cruelle vérité ce matin, murmure Haggravente. Phil est alors devenu fou.

« À propos de Phil, s’interrompt-il en se penchant sur ma victime, l’auriez-vous tué ?

Le fiancé est toujours inanimé. Ce pauvre gars se souviendra de moi. Il a le portrait en haillons. Ses arcades se sont rouvertes, son nez est éclaté, ses lèvres fendues, ses pommettes pétées comme des marrons trop cuits.

Nous lui versons du Mac Herrel dans la bouche et il finit par revenir à lui.

— Écoutez, mon vieux, murmuré-je, je suis navré pour vous, mais vous avez fait fausse route en vous amourachant de Cynthia. Cette fille est indigne de vous.

Sir Concy veut se précipiter sur moi, mais nous le maîtrisons.

— Si je puis me permettre, vous manquez un peu d’élégance, sermonne sir Constence Haggravente.

— Si je puis me permettre, laissez-moi terminer, dis-je. Je suis le commissaire San-Antonio, des services spéciaux français. Vous devez bien penser, messieurs, que si je suis venu enquêter jusqu’en Écosse, c’est qu’il s’agit d’une affaire extrêmement grave et importante.

Cette fois, Concy est sérieux et ne songe plus à m’éventrer. Il sent que ça n’est pas du bidon et, très pâle sous ses ecchymoses, il attend.

— Miss Cynthia Mac Herrel est compromise dans une double affaire de meurtre et de trafic de drogue, annoncé-je. C’est une fille complètement désaxée, dont la perversité est peut-être due à une enfance malheureuse… Cela, il appartiendra à des psychiatres de le préciser…

Je hausse les épaules.

— Expliquez-vous, murmure sir Concy.

— Plus tard. L’instant est trop critique. Sir Concy, qu’est devenu l’homme que je faisais passer pour mon valet de chambre ?

Il secoue la tête.

— Je l’ignore. Mais dites-moi, à propos de Cynthia…

— Je vous ai dit plus tard, Phil, lui fais-je amicalement en lui tapotant l’épaule… Je vous jure sur mon honneur de flic que je vous ai dit la vérité à son sujet. Soyez courageux comme vous l’avez été au cours de nos…, heu…, relations !

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16

Vous dire si les coups sont variés !