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Aïe, ça se gâtait. Malko répondit prudemment.

— Je m’occupe de différentes affaires. Aux Etats-Unis et en Autriche.

— Que faites-vous au Burundi ?

Bonne question.

— Ecoutez, dit Malko, faussement détendu, vous êtes mon avocat, je peux donc vous dire la Vérité.

— Bien sûr, l’encouragea Patrice.

— C’est vrai, je suis venu ici dans l’espoir d’acheter des diamants. Mais je n’ai jamais tué ce malheureux. On m’a mis cette histoire sur le dos.

— Vous avez des soupçons ?

Malko hésita, mais c’était aussi dangereux que de se taire.

— Oui. Un certain Ari-le-Tueur. Un trafiquant de diamants. Il a pu vouloir se débarrasser de moi de cette façon.

Patrice Mobutu hocha la tête, désolé.

— Je vois de qui vous voulez parler. Mais c’est un citoyen honorable et vos accusations ne sont étayées d’aucun fait. Et vous reconnaissez vous-même que vous êtes un trafiquant. Non, je pense qu’il faut abandonner cette piste.

» Je vais présenter votre dossier au ministre, et je crois que la seule solution est de demander une mise en liberté sous caution. Mais il faudra que vous disposiez d’une somme importante, car le délit est grave.

— Combien ?

— Je ne sais pas. Le cas ne s’est pas encore présenté. Mais, d’après mon expérience, plusieurs centaines de milliers de francs.

Après l’énoncé de la somme, l’avocat baissa pudiquement les yeux. Malko enrageait, en silence. Ainsi le commissaire avait appris l’existence du dépôt en banque et monté toute la combinaison pour s’approprier l’argent. Beau travail.

S’il s’était écouté, il aurait pris l’avocat par la peau du cou et l’aurait jeté hors de la cellule. Seulement, s’il refusait la transaction, Nicoro allait continuer son bluff et le faire condamner…

— Je peux disposer éventuellement de cette somme, dit Malko calmement. Mais j’entends faire libérer M. Couderc en même temps que moi.

Mobutu hocha la tête :

— Je pense que ce sera possible. Je reviendrai vous voir demain. Heu… sous quelle forme se trouve votre argent ?

Comme s’il ne le savait pas !

— Déposé à la banque de l’Afrique de l’Est. En liquide.

Mobutu fronça les sourcils.

— Ah, il va falloir se dépêcher. La fin du mois approche.

— Et alors ?

L’avocat avait l’air sincèrement ennuyé. Il expliqua :

— Vous avez remarqué que cette banque est un peu à l’écart de la ville. Il ne se passe pas de mois sans qu’il y ait une agression, toujours à la fin du mois. Les caissiers sont complices, n’est-ce pas… Cela nous retarderait.

— Pourquoi ne les changez-vous pas ?

— On les change, on les change. Mais les gens du gang contactent les nouveaux et les menacent de les égorger s’ils ne les aident pas. Parfois, ils en égorgent même un, pour l’exemple…

A dormir debout. Mais cela pouvait être vrai. Dans le monde ubuesque où ils étaient plongés tout était possible.

Mobutu remit ses papiers dans sa serviette et se leva.

— Je vais aller voir le ministre…

— Mais, dit Malko, je n’ai pas encore été interrogé par un juge d’instruction ou même par votre commissaire Nicoro…

Patrice Mobutu approuva du chef :

— Vous pouvez, bien sûr, suivre la procédure normale qui aboutira peut-être à votre remise en liberté ; mais je ne vous le conseille pas. Cela peut durer plusieurs mois. Les juges sont surchargés…

— Allez voir votre ministre, fit Malko résigné. Mais, dites-lui que je ne paierai que donnant donnant.

Mobutu salua, sortit et s’éloigna très digne.

Couderc dit :

— Tout ça, ça sent le dash… le bakchich, si vous préférez.

— Bien sûr. Mais il n’y a pas d’autres moyens de sortir d’ici.

— Il faudra faire attention avec Nicoro, dit Couderc ; c’est un vicieux.

La journée passa lentement. Heureusement, il y avait du spectacle. L’un des détenus, prestidigitateur, avait volé deux chargeurs de la mitraillette de Bobo et exigeait une rançon en bière et en nourriture.

Les palabres durèrent une partie de l’après-midi.

Chaque fois que Bobo s’approchait, la crosse haute, pour rouer de coups le coupable, celui-ci hurlait d’une voix aiguë :

— Hein, n’y a pas bon, les coups, je vais le capitaine lui di’ t’as perdu…

Et la palabre reprenait. L’échange se fit à 6 heures contre deux caisses de bière et une grande bassine de mil. Mais le prestidigitateur avait gardé trois cartouches en otages, pour éviter la raclée…

Brigitte fit son apparition avec le dîner. Cette fois elle n’avait rien demandé à Nicoro et Bobo n’osa pas lui refuser l’entrée de la prison. Elle portait un pantalon blanc ajusté et un chemisier de dentelle assortie, laissant apercevoir son soutien-gorge. Les parias se déchaînèrent, allant jusqu’à esquisser des gestes puissamment obscènes à travers les barreaux de leur cellule. Indifférente à cette agitation vulgaire, Brigitte demanda :

— Il y a du nouveau ?

Malko raconta la visite de l’avocat. Le visage de la restauratrice se renfrogna.

Ce Nicoro ! C’est un vrai Tutsi. Il vous prendrait la chemise sur le dos…

Malko ne voulut pas lui ôter ses illusions. Mais il n’était pas rassuré.

— Je voudrais bien que la remise de cette somme se fasse devant témoins, dit-il.

— Bien sûr, fit Brigitte. Je vous servirai de témoin. Je suis honorablement connue ici.

Tout respirait l’amour dans son corps généreux. Elle avait dû consommer un ou deux boys avant de venir car de larges cernes bruns soulignaient ses yeux. Et elle avait un je ne sais quoi de languide en regardant l’endroit où les lèvres de Malko avaient effleuré son poignet.

Pendant que les deux hommes mangeaient, elle s’assit sur le lit à côté de Malko, sa cuisse touchant la sienne. Elle partit à regret, vers 10 heures du soir. L’odeur de son parfum flotta toute la nuit dans la cellule, éloignant les moustiques et les bestioles diverses.

Patrice Mobutu fut aussi matinal que le jour précédent. Cette fois, il portait un complet jaune.

Solennel, il annonça :

— Le ministre a fait droit à votre demande. Vous allez être libérés sous caution tous les deux, à condition de ne pas quitter Bujumbura et à vous engager sur l’honneur à vous présenter régulièrement au commissaire Nicoro.

C’était un début.

— Quand ? demanda Malko.

— Dès que l’argent aura été versé.

— A qui ?

L’avocat eut l’air surpris.

— Mais… à moi.

Malko secoua la tête.

— Non. Je veux des garanties. J’ai déjà été arrêté arbitrairement ; maintenant, je ne veux pas être dépouillé en plus.

Mobutu prit un air profondément vexé et retrouva son accent africain :

— Monsieu’, vous êtes pas bien poli… Le ministre y sera pas content du tout.

— Je veux bien donner l’argent, dit Malko, mais pas avant que nous ayons été libérés.

L’autre leva les bras au ciel.

— Ça, ce n’est pas possible, hein… Tant pis, je vais dire au ministre…

Il ouvrait déjà la porte…

Couderc le rappela et la palabre commença. Moitié swahéli, moitié français. Malko suivait la discussion, étendu sur le lit. Finalement, il fut convenu que Nicoro signerait l’ordre d’élargissement et qu’ils partiraient tous ensemble de la Maison-Blanche pour la banque.

Là-bas, ils retrouveraient Brigitte Vandamme. La remise des fonds aurait lieu dans le bureau du directeur de la banque en présence de la jeune femme belge.

Mais Mobutu refusait farouchement de laisser Malko rencontrer le fameux ministre de la Justice. Apparemment, il n’était pas dans le coup.