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Le trousseau de clefs de Bobo était sur la table. Rapidement Malko et Couderc récupérèrent leurs affaires au greffe et s’éclipsèrent dans le tohu-bohu.

En face de la Maison-Blanche, il y avait un command-car avec une dizaine de soldats. Et à vingt mètres du command-car, dans une Buick neuve et décapotable, Ari-le-Tueur.

Son regard croisa celui de Malko ; il eut un sourire méchant. Venu pour l’exécution, il avait eu une mauvaise surprise. Mais, après tout, rien ne l’empêchait de mettre la main à la pâte. A côté de lui était assis un Noir avec qui il échangea quelques mots.

Ils descendirent de la voiture et se dirigèrent vers Malko et Couderc. Les bosses sous leurs vestes légères étaient plus éloquentes que de longs discours.

Précipitamment, Malko rentra dans la prison. C’était trop bête de se faire abattre maintenant. A travers la cohue, il retrouva le sergent qui avait libéré les prisonniers.

Celui-ci, reconnaissant Malko, lui assena une grande tape dans le dos.

— Y a bon bwana, hein !

— Il y a un ennemi du capitaine Nbo, dit gravement Malko. Là, dehors. Il te cherche pour te tuer.

Le Noir roula des yeux furieux :

— Pou’ me tuer ! C’est moi qui vais le tuer, ce chalaud.

Il arma sa mitraillette et fonça, suivi de Malko et de Couderc.

Aristote hésitait sur le seuil de la prison, devant la mêlée confuse des prisonniers libérés. Malko le désigna au sergent :

— C’est lui.

— Hé, le Blanc, viens un peu ici.

Vingt secondes plus tard, le Grec avait le canon de la mitraillette sur le ventre et, abreuvé d’injures, levait les bras. Tiré à l’intérieur, il se trouva nez à nez avec le cadavre égorgé du gardien-chef.

Ce n’était pas encourageant.

Discrètement, Malko et Couderc s’éclipsèrent.

— Allons chez Brigitte, proposa Malko. Elle doit nous attendre.

Ils partirent en courant. Les gens commençaient à se demander ce qui arrivait et de petits groupes entouraient les soldats.

La Chevrolet de Brigitte arriva en même temps qu’eux devant La Crémaillère. La Belge jaillit de la voiture et se jeta dans les bras de Malko.

— Bravo ! dit-il en essayant de respirer. Ça a marché.

Elle le tâta avec inquiétude.

— Ils ne t’ont rien fait au moins ?

— Non.

Ils entrèrent dans le restaurant désert.

— Tu ne veux pas te reposer un peu, proposa Brigitte, l’œil brillant.

Malko secoua la tête, soucieux.

— Trop dangereux. Il faut que nous partions tout de suite. Quand on va s’apercevoir de notre truc, je préfère être loin d’ici… Toi aussi, d’ailleurs.

Brigitte haussa les épaules.

— Moi, je ne risque rien. Marcel dira qu’il a été attaqué par des inconnus. Et puis, Bukoko m’aime bien. Ça se réglera avec une palabre. Je pourrais te cacher…

Malko comprit que s’il la décevait, elle risquait de se laisser aller à de fâcheuses extrémités. Et il avait une mission qui avait déjà deux semaines de retard. II eut une inspiration et prenant Brigitte par le bras, il l’entraîna à l’écart :

— Il me faut ta voiture pendant deux jours, souffla-t-il. C’est important. J’ai un lot de diamants à aller chercher, payés d’avance. Le plus beau sera pour toi. Durant mon absence, tu organiseras notre séjour ici.

Mais Brigitte se moquait des diamants :

— Tu reviens ? C’est sûr ?

— Sûr.

— Bien. Alors prends ma voiture.

C’était plus qu’il n’en fallait. En quelques minutes les détails matériels furent réglés.

Brigitte partit au garage la faire vérifier, acheter deux roues supplémentaires et des provisions.

Restés seuls, Malko et Couderc se regardèrent, inquiets :

— Espérons que Nicoro est mort maintenant, dit Malko, sinon ça va barder. Il va nous chercher immédiatement ici.

Couderc loucha sur le colt que Brigitte avait laissé sur la table.

— Le premier bougnoule que je vois, j’en fais de la chair à saucisses, dit-il sombrement.

Nicoro tenait tête au capitaine Nbo. Le commissaire n’était vêtu que d’un pantalon. Avec une haine indicible, il regardait le gros colt qui menaçait son estomac.

Nbo n’avait pas abattu le commissaire quand il lui avait ouvert et il avait eu tort. Maintenant, l’autre était en train de le retourner comme une crêpe.

— Tu es fou, Nbo, fit Nicoro, enjôleur, tu es un bon officier, mais tu as trop confiance dans les gens. On t’a fait marcher. Jamais le roi N’Taré n’osera remettre les pieds ici.

— Je te dis que la radio est entre nos mains, ricana Nbo, tu vas être jugé… La radio. Ecoute !

Nicoro alla chercher son transistor et le mit sur la longueur d’ondes de radio Bujumbura. Il n’obtint qu’une suite de grésillements.

— Alors ? Tu penses bien que si ton roi était là ils le diraient.

Nbo hésitait. Il ne pouvait pas savoir que le speaker, ligoté dans son fauteuil, attendait qu’on vienne le délivrer, et que les deux sentinelles continuaient leur sieste. Brigitte, en quittant la station, ne s’était pas souciée de mettre un autre disque.

Il sentait que quelque chose ne tournait pas rond. Heureusement, en Afrique, il y a la palabre qui fait gagner du temps…

— Je devrais t’exécuter, dit-il à Nicoro… Mais, je crois que tu es un honnête homme fourvoyé.

— Si tu comprends ton erreur, répondit le commissaire, je te nomme commandant en chef adjoint de l’Armée. Mais il faut que tu m’aides à mater la révolte…

La discussion dura une bonne heure. Enfin, le capitaine Nbo tendit son colt au commissaire.

L’autre le prit, lui tira immédiatement deux balles dans le ventre et fila s’habiller.

— La voilà !

Derrière les vitres, Malko guettait Brigitte. Il était 11 heures et il y avait en ville un remue-ménage qui ne lui disait rien qui vaille. Nbo, qui devait repasser à La Crémaillère, n’avait pas reparu et des coups de feu avaient éclaté dans le palais. Les meilleures choses ont une fin.

Il était temps de filer.

Dès que la Chevrolet stoppa devant le restaurant, Couderc et Malko descendirent. Celui-ci avait passé dans sa ceinture le colt volé à la sentinelle.

Brigitte eut tout juste le temps de donner les clefs à Malko ; il était déjà installé au volant. Elle lui jeta un regard lourd de reproches qu’il désarma d’un sourire.

— A après-demain, fit-il. Mets le Moët et Chandon au frais.

Il y avait, grosso-modo, une chance sur un million, pour qu’il remette jamais les pieds à Bujumbura ; ou alors, mort. Mais ce sont des choses qu’on ne peut pas dire à une femme amoureuse.

Cette fois, c’était vraiment un départ en catastrophe : pas de passeport, pas d’argent. La prochaine fois ils partiraient à pied.

Malko se sentait un peu coupable devant la gentillesse de la Belge. Mais il n’avait pas le choix. Il lui écrirait et la C.I.A. la dédommagerait largement… s’il s’en sortait.

Ils tournèrent autour de la place de l’Indépendance pour reprendre l’avenue de l’Uprona. Malko n’avait pas remarqué un gros camion Citroën P. 45 stationné dans l’avenue, qui démarra juste derrière eux. Trois Noirs se trouvaient dans la cabine. Le camion était vide et cachait sous son capot un moteur un peu trafiqué qui lui permettait d’atteindre 120 à l’heure.

Malko conduisait doucement. Maintenant, il faisait chaud et il y avait beaucoup d’animation. Il se faufila à travers les rues encombrées du village hindou pour rejoindre le bord du lac. Il n’avait pas le temps de donner le change en partant par le nord. Plus vite ils auraient quitté la ville, mieux cela vaudrait. Si Nicoro remettait la main sur eux, ils risquaient de rester très longtemps à Bujumbura…