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Il secoua Couderc qui dormait en geignant, la bouche ouverte. Leurs poursuivants avaient sûrement abandonné. Il fallait tenter de revenir à Bujumbura et chercher asile chez Brigitte.

— Qu’est-ce qu’il y a ? fit Couderc, en se réveillant en sursaut. Oh, ma tête…

— Rien, il faut repartir.

Son genou lui faisait moins mal. Il tira son compagnon de dessous les racines et le mit debout. Il avait l’air en fichu état. Ses yeux roulaient derrière ce qui restait de ses lunettes, son teint faisait penser au plâtre et de petites rigoles de sueur sale glissaient le long de ses joues rondelettes.

« Mon Dieu, pensa Malko, faites qu’Allan Pap n’oublie pas le rendez-vous ! »

De Bujumbura, il parviendrait toujours au Congo.

— je vais crever, murmura Couderc. Ma tête…

— Ça va aller mieux, répliqua Malko. Un peu de courage !

Il passa son bras sous l’aisselle de Couderc pour l’aider à marcher. L’autre était affreusement lourd. Pourvu qu’il ne s’évanouisse pas !

Ils se mettaient en marche quand une voix sèche fit sursauter Malko :

— Arrêtez, tous les deux. Et retournez-vous.

C’était une voix de femme. Michel Couderc s’immobilisa et Malko se retourna. A 10 mètres d’eux, à la lisière des buissons, une jeune fille avec des bottes de cuir noir et un chapeau de brousse, braquait sur eux une carabine américaine, tenue à la hanche d’une façon très efficace. De son visage Malko ne remarqua que les yeux bleus et une bouche dure.

— Jetez vos armes.

Malko ne bougea pas, trop surpris pour répondre.

Le canon de la carabine bougea légèrement et une détonation fit s’envoler une grappe d’oiseaux. La balle s’enfonça dans le sol, près des deux hommes.

— Je ne plaisante pas, répéta l’amazone. Jetez vos armes.

Elle parlait français avec un accent anglais. Malko lui dit en français :

— Je n’ai pas d’armes. Mais…

— Taisez-vous.

Le ton était sans réplique. La jeune femme se retourna et appela en swahéli. Aussitôt trois grands Noirs vêtus de pagnes sortirent de la forêt et encadrèrent les deux hommes.

— Je vous conduis à la ferme, dit la jeune femme. N’essayez pas de vous enfuir. Après je vous livrerai à la police.

Malko sursauta :

— Mais vous êtes folle !

Elle haussa les épaules :

— Vous êtes sur mes terres. Et j’ai horreur des trafiquants de diamants. En avant.

Un des Noirs, énorme, donna une violente poussée à Malko qui se mit en marche, en entraînant Couderc.

Balançant son fusil, l’inconnue prit la tête de la colonne. Ils s’engagèrent dans un sentier de brousse qu’ils suivirent dix minutes et brusquement débouchèrent dans un espace dégagé. C’était un immense champ de soja, tiré au cordeau. Au fond, on apercevait une grande bâtisse peinte en blanc.

Il ne restait pas beaucoup de temps pour agir. Malko appela :

— Mademoiselle !

La jeune femme ne se retourna même pas. Alors, évitant les trois Noirs il bondit. En deux enjambées il rattrapa la geôlière et saisit la crosse de la carabine. Il tira d’un coup sec. Déséquilibrée, la jeune femme roula à terre, perdant son chapeau de brousse. Malko avait déjà l’arme braquée sur les trois Noirs. Ils s’arrêtèrent net. Malko n’avait pas dit un mot mais il y a des mimiques qui valent largement l’espéranto.

— Couderc. Vous pouvez les tenir en respect ?

Le compagnon de Malko sursauta. Un éclair passa dans ses yeux quand il vit la carabine braquée sur les Noirs. Rapidement, il vint se mettre à côté de Malko et grinça :

— Je vais les… Donnez-moi ça.

— Non, fit Malko fermement. Menacez-les seulement.

Il tendit l’arme à son compagnon.

Il était temps : la jeune fille s’était relevée et sautait sur Malko. Il évita un coup de botte qui, s’il avait atteint son but, aurait considérablement changé son avenir.

Ecarlate de rage, son adversaire hurla quelque chose en swahéli. Un léger frémissement parcourut les Noirs mais le canon de la carabine les ramena à de meilleurs sentiments. Malko parvint à saisir les deux poignets de la fille et, en dépit de ses coups de pied, réussit à la maintenir solidement. Elle hurla :

— Mon père vous tuera ! Salaud ! salaud !

— Couderc, emmenez tout le monde à la maison là-bas ; j’ai à parler à cette jeune personne. Je vous rejoins, ordonna Malko.

Les trois Noirs ouvrant la marche, la petite caravane se mit en marche sur le sentier. La jeune fille continuait à se débattre et à trépigner. Quand le groupe fut suffisamment éloigné, Malko lâcha ses poignets et il recula vivement. Pas assez vite pourtant. Il sentit la douleur cuisante de la gifle avant de réaliser.

Les mâchoires serrées, les cheveux blonds dénoués, le visage enflammé de colère, elle le dévisageait avec haine :

— Alors, vous allez me violer ? siffla-t-elle. Allez-y, ne vous gênez pas.

II fallut à Malko ses siècles d’atavisme pour ne pas lui donner raison.

— Je ne vais pas vous violer mais vous donner une bonne fessée, si vous continuez votre numéro de sauvageonne, dit-il. Voulez-vous m’écouter ?

— Non.

Elle bondit pour s’enfuir. Au vol, il lui reprit les poignets et se colla contre elle pour éviter ses coups de pied. En dépit de la chaleur, elle exhalait une odeur fraîche et agréable de femme soignée. Une seconde leurs corps s’épousèrent étroitement. Puis, elle donna un violent coup de rein.

— Salaud, vicieux, je vous tuerai.

Cela devenait une rengaine. Malko dit calmement :

— Ecoutez, je ne suis ni un salaud, ni un vicieux, ni un trafiquant de diamants. Je suis un homme traqué totalement inoffensif. J’ai besoin de votre aide. Je vous donne ma parole que mes activités n’ont rien de déshonorant.

Pour toute réponse, elle enfonça ses dents dans le poignet de Malko et serra de toutes ses forces. Il poussa un hurlement et la lâcha. Elle fit un bond en arrière avec un grand éclat de rire nerveux.

Malko était ivre de rage. Sans réfléchir, sa main partit. La gifle claqua à toute volée.

La jeune fille fit «oh». Puis brusquement, de grosses larmes envahirent ses yeux et elle se mit à sangloter.

— Personne ne m’a fait cela, jamais, murmura-t-elle.

Très gêné, Malko ne savait plus où se mettre. C’était la première fois de sa vie qu’il giflait une femme. Il prit doucement la main droite de son adversaire et la porta à ses lèvres :

— Je vous demande mille fois pardon, dit-il. Je n’ai pas l’habitude de me conduire ainsi mais je suis en danger de mort et il faut absolument que vous m’écoutiez. Je ne suis pas un trafiquant de diamants, je vous le répète, et j’ai besoin de vous.

Elle le regarda à travers ses larmes. Cette fois, il sentait que ses paroles portaient. Ses yeux d’or plongèrent dans les yeux bleus et ne les lâchèrent plus. Il «sentit» la jeune fille se rebeller, puis céder.

— Vous dites la vérité ? demanda-t-elle.

— Je vous le jure.

— Mais comment…

Malko tira son portefeuille récupéré au greffe et lui tendit une carte de visite où était gravé : Son Altesse Sérénissime le prince Malko Linge,

— Permettez-moi de me présenter.

Elle lut la carte et leva des yeux abasourdis.

— Vous êtes vraiment prince ?

L’éternelle question. Malko sourit et s’inclina légèrement :

— Pour vous servir, mademoiselle…

— Ann. Ann Whipcord.

Malko la détailla pour la première fois : elle avait presque un corps de garçon, avec une petite poitrine et des hanches étroites. Mais le visage était ravissant : une bouche un peu épaisse et sensuelle, un petit nez droit et des yeux bleus.