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— Voici mes hommes-grenouilles, annonça March. Ce sont les meilleurs d’Amérique. Ils peuvent tout faire sous l’eau, même tricoter. Celui-là, Don Costan, fit-il en désignant l’un des hommes, est venu de Long Beach, en Californie, en avion spécial. C’est le meilleur spécialiste en explosifs sous-marins que nous ayons.

Tous portaient à la ceinture une longue dague sous un étui de liège. Malko frissonna en pensant à l’homme-grenouille soviétique qui avait déclenché toute l’affaire. Lui aussi devait se sentir invulnérable sous l’eau.

— Ils savent ce qu’il y a à faire, continua Cooper. Il faut seulement que vous leur donniez le maximum d’indications nécessaires. Et que vous les guidiez. Pour les questions techniques, adressez-vous à March. Il sait tout. Ce tableau noir est à votre disposition.

Malko fendit la foule noire. On aurait dit une assemblée de pingouins. Les combinaisons de caoutchouc noir ne dévoilaient que les mains et le visage. Et tous étaient semblables : durs, attentifs et sans expression. Dressés à tuer. L’Autrichien commença à dessiner avec application sur le tableau. Il pensait aux seins de Lise qui devait commencer à s’impatienter, dans son restaurant folklorique.

La démonstration dura près d’une demi-heure. March et ses hommes avaient posé beaucoup de questions. À la fin, March secoua la tête et fit, entre ses dents :

— C’est fantastique. Plus fort que le tunnel de Berlin.[2] Cooper se tourna vers lui.

— Est-ce que l’opération est réalisable ?

— Sans aucun doute, Amiral. Mais une nuit, cela va être court.

— Pas le choix.

— Alors, en avant.

— Bien. S.A.S. vous allez partir avec un premier groupe de cinq hommes pour reconnaître l’entrée du tunnel. Le reste suivra et vous attendra le long de l’Arkhangelsk, côté bâbord. Là, personne ne peut nous voir.

Malko enfila lui aussi une combinaison d’homme-grenouille, pour ne pas être vu dans l’obscurité. Et il embarqua à bord d’un petit dinghy en caoutchouc avec les hommes de March.

Deux hommes poussaient sur les avirons. Le minuscule dinghy avançait le long de la rive asiatique du Bosphore. Malko écarquillait les yeux pour ne pas rater ses points de repère. Ils dépassèrent l’Arkhangelsk, immobile et noir.

— C’est là, souffla Malko.

Il avait aperçu les lumières du bâtiment militaire de contrôle. L’entrée du tunnel était exactement à l’aplomb du repère, en plein milieu du Bosphore.

À voix basse, Malko expliqua la position aux hommes de March. Ils l’écoutèrent sans mot dire, puis, un à un, se laissèrent glisser dans l’eau noire. Ils n’avaient pas fait un clapotis. L’Autrichien resta seul à bord. Il prit les avirons pour contrarier la dérive. Tout était calme. De temps en temps un bateau, tous feux illuminés, défilait au milieu du Bosphore. La Tour de Rumeli, sur la rive européenne se découpait au milieu de son éclairage son et lumière.

Un quart d’heure plus tard, l’eau bougea. Une ombre noire se hissa à bord du dinghy. C’était March. Il se débarrassa de ses bouteilles et dit simplement :

— Ça y est. Nous avons repéré le tunnel. Ça ne va pas être facile, il y a un courant terrible. Nous allons chercher les autres.

C’est lui qui reprit les avirons. En cinq minutes, ils eurent rejoint l’Arkhangelsk.

Cinq dinghies étaient collés à son flanc. L’éclair bleu d’une lampe électrique les aveugla et s’éteignit tout de suite. Malko eut le temps de voir que l’un des bateaux était entièrement chargé de caisses. March avait déjà réuni les embarcations autour de lui et donnait les instructions à ses hommes.

Il reprit la tête d’un véritable convoi qui s’arrêta là où Malko avait donné le « Top ». Un des hommes-grenouilles attacha tous les dinghies ensemble.

Puis, un par un, les hommes plongèrent. Deux d’entre eux partirent en remorquant un radeau de caoutchouc chargé à ras bord de caisses mystérieuses. Et une fois de plus Malko resta seul, au milieu des embarcations vides. Lui qui n’était pas émotif avait le cœur qui battait un peu plus vite en pensant qu’à ce moment même les hommes-grenouilles soviétiques allaient peut-être vérifier leur tunnel…

Cette fois, March ne revint qu’une heure plus tard. Il était accompagné de quatre hommes.

— Nous avons besoin de matériel, expliqua-t-il. Tout va bien mais c’est très dur car il y a plus de 20 mètres de fond.

Chaque homme reprit un dinghy. L’un d’eux resta sur place pour repérer l’endroit.

Ils repassèrent devant l’Arkhangelsk. La masse sombre du Marble Head parut follement sympathique à Malko après tout cela. Le tout grouillait d’animation. Étrange pétrolier !

Tous les hommes étaient en tenue de combat. Des piles de caisses s’empilaient sur le pont. Aucune lumière n’était visible… Tout se passait à la clarté de la lune. A cent mètres, de la rive, il était impossible de se douter de quoi que ce soit. Une procession d’ombres recommença à charger les caisses dans les dinghies.

March s’approcha de Malko.

— Nous n’avons plus besoin de vous. Mes hommes ont repéré le tunnel. Il ne reste plus qu’à y acheminer le matériel. C’est presque de la routine, mais il y en a pour plusieurs heures. À moins que vous ne vouliez plonger avec nous…

— Non, non, merci, déclina Malko. Je ne suis pas assez entraîné.

Sur les ponts, trois hommes-grenouilles montaient une étrange machine : un bâti métallique posé sur deux fuseaux en forme de torpilles terminés par une hélice encagée dans un treillis métallique. Deux poignées ressemblant à un guidon de bicyclette étaient fixées sur le bâti. De chaque côté de petits ailerons mobiles dépassaient comme des nageoires.

— Ce sont nos brouettes sous-marines, expliqua March. Nous les avons mises au point d’après les « torpilles Rebikoff ». Conduites par un homme-grenouille, elles peuvent transporter sous l’eau près de 200 kg. Nous en avons six ici qui vont faire la navette entre notre point de repère et le tunnel. Ce serait trop dangereux de se balader au milieu du Bosphore avec notre chargement. Comme on ne peut pas se payer le luxe d’avoir des feux de position…

Fasciné, Malko regarda un des engins s’enfoncer dans l’eau sans un bruit, poussé par une silhouette de caoutchouc noir.

— Il mettra le moteur en route quand il sera à trois ou quatre mètres, expliqua March.

Avant de retourner au carré des officiers ôter sa tenue, Malko remarqua deux silhouettes accroupies de part et d’autre de la coupée, équipées d’armes étranges : de longs fusils surmontés de ce qui ressemblait à une lunette terminée par une sorte d’écran. Le bout du canon était énorme.

— Ce sont des fusils infrarouges équipés de silencieux, dit March. Au cas où nos amis nous surveilleraient et voudraient intervenir. Ils portent à cinq cents mètres et du rivage on n’entendrait même pas la détonation.

Belle organisation ! Malko quitta le pont rassuré. L’opération semblait bien partie. Rhabillé en marin de première classe, il prit place dans la chaloupe officielle.

— On vous appellera demain matin, promit March. Si nous n’avions pas terminé, on s’y remettrait demain.

La chaloupe s’éloigna du pétrolier avec un teuf-teuf rassurant. Celle-là avait un falot à l’arrière…

Malko accosta sur un quai désert. Il regarda sa montre : 11 heures et demie. Lise devait être folle de rage ! La Ford grise était toujours là. Le chauffeur somnolait appuyé sur son volant. Malko le fit sursauter en ouvrant la portière.

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2

À Berlin, les Américains avaient creusé un tunnel sous la zone russe pour espionner les télécommunications soviétiques. Il fonctionna plus d’un an.