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— Bien. Nous continuons notre combat.

— Vraiment ? Et comment ?

— Nous aidons ton vieil allié, Nirriti le Noir, dans sa campagne contre les dieux.

— Je m’en doutais. C’est pour cela que je t’ai demandé de venir.

— Tu veux combattre à ses côtés ?

— J’y ai soigneusement réfléchi. Et malgré les objections de mes camarades, oui, nous combattrons ensemble s’il signe un pacte avec moi. Je veux que tu lui portes un message.

— Et quel est ce message, Siddharta ?

— Voilà : les Lokapalas – Yama, Krishna, Kubera et moi-même irons combattre avec lui contre les dieux, nous amènerons tous nos partisans, nos pouvoirs, nos machines, s’il accepte de ne pas faire la guerre aux disciples de Bouddha ni aux hindouistes pour essayer de les convertir à sa foi, et si, d’autre part, il accepte de ne pas chercher à étouffer l’accélérationisme, comme l’ont fait les dieux, en cas de victoire. Observe ses flammes pendant qu’il te répondra, et dis-moi s’il ment.

— Crois-tu qu’il accepte, Sam ?

— Oui. Il sait que si les dieux n’étaient plus là pour imposer et soutenir l’hindouisme, des hommes se convertiraient à sa foi. Il le sait, car il a vu ce que j’ai réussi à faire avec le bouddhisme, malgré leur opposition. Il est persuadé que sa voie est la seule bonne et qu’elle est destinée à l’emporter sur toutes les autres, malgré la concurrence. Et je crois que pour cette raison, il acceptera une rivalité loyale. Portes-lui ce message et rapporte-moi sa réponse. Tu as bien compris ?

Taraka hésitait. Son visage et son bras gauche devinrent fumée.

— Sam…

— Oui ?

— Quelle est la bonne voie, la vraie voie ?

— Tu me demandes cela, à moi ? Comment le saurais-je ?

— Les mortels t’appellent Bouddha.

— C’est uniquement parce qu’ils ont le malheur d’avoir le langage et d’être ignorants.

— Non. J’ai regardé tes flammes et t’ai appelé Seigneur de Lumière. Tu les lies comme tu nous as liés. Tu les délies comme tu nous as déliés. Tu as eu le pouvoir de leur donner une croyance. Tu es ce que tu as prétendu être.

— J’ai menti. Je n’y ai jamais cru moi-même et je n’y crois toujours pas. J’aurais pu tout aussi bien choisir une autre voie. La religion de Nirriti, par exemple – mais la crucifixion, c’est douloureux. J’aurais pu choisir une religion qu’on appelle l’islam, mais je sais trop bien comment elle s’entend avec l’hindouisme. Mon choix a été fondé sur un calcul, non sur l’inspiration, et je ne suis rien.

— Tu es le Seigneur de Lumière.

— Va transmettre mon message. Nous discuterons de religion un autre jour.

— Les Lokapalas, dis-tu, sont Yama, Krishna, Kubera et toi ?

— Oui.

— Alors, il est en vie. Sam, avant que je m’en aille, dis-moi, pourrais-je vaincre Yama au combat ?

— Je ne sais pas. Mais je ne le crois pas. Je ne pense pas que personne puisse jamais le vaincre.

— Il pourrait te battre ?

— En un combat loyal, probablement. Quand nous nous sommes rencontrés en ennemis, dans le passé, j’ai eu parfois de la chance, et parfois j’ai réussi à le duper. J’ai fait de l’escrime avec lui récemment, et il est sans égal. En matière de destruction, ses talents sont trop variés.

— Je comprends, dit Taraka, tandis que son bras droit et son torse devenaient nuées. Alors, bonne nuit, Siddharta. Je vais porter ton message.

— Merci et bonne nuit.

Taraka ne fut plus que fumée et disparut dans l’orage.

Taraka tournoyait au-dessus du monde.

L’orage se déchaînait autour de lui, mais il se souciait peu de sa violence.

Le tonnerre grondait, les éclairs déchiraient le ciel, la pluie tombait, le Pont des Dieux était invisible.

Mais rien de tout cela ne le troublait.

Car il était Taraka des Rakashas, maître du Puits d’Enfer.

Et il avait été la plus puissante créature du monde, mis à part l’Enchanteur.

À présent, l’Enchanteur lui avait dit qu’il en était une plus grande encore… et ils allaient combattre côte à côte, comme avant.

Avec quelle insolence s’était-il dressé dans son vêtement rouge, enveloppé de son Pouvoir, ce jour-là, il y avait plus d’un siècle. Sur les bords du Védra.

Tuer Yama-Dharma, vaincre la Mort… Taraka serait alors le plus grand, le seul.

Prouver qu’il était le plus grand devenait plus important que de vaincre des dieux qui passeraient un jour, car ils n’étaient point de la race des Rakashas.

Donc ce message de l’Enchanteur à Nirriti – auquel ce dernier répondrait favorablement, avait-il dit – ce message il ne le transmettrait qu’à l’orage, et Taraka regarderait ses flammes et saurait qu’il disait la vérité.

Car l’orage ne ment jamais… il dit toujours Non !

Le sergent noir l’amena au camp. Resplendissant dans son armure aux ornements éclatants, il n’avait pas été capturé, il était venu à lui et avait déclaré qu’il avait un message pour Nirriti. Le sergent avait donc décidé de ne pas le tuer sur-le-champ. Il lui prit ses armes et l’emmena dans le camp, au milieu du bois près de Lananda. Et il le laissa sous bonne garde, pendant qu’il allait prendre conseil de son chef.

Nirriti et Olvegga étaient assis sous une tente noire, une carte de Lananda étalée devant eux.

Quand ils eurent permis au sergent de leur amener le prisonnier, Nirriti lui jeta un coup d’œil, et renvoya son garde.

— Qui es-tu ?

— Ganêça, de la Cité. Celui qui t’a aidé à quitter le Ciel.

— Je n’ai pas oublié mon seul ami des jours anciens, dit Nirriti. Pourquoi viens-tu me voir ?

— Parce que les temps sont propices. Tu as enfin entrepris la grande croisade.

— Oui.

— Je voudrais conférer en secret avec toi là-dessus.

— Tu peux parler.

— Devant cet homme ?

— Parler devant Jan Olvegg, c’est parler devant moi. Dis ce que tu as à l’esprit.

— Olvegg ?

— Oui.

— C’est bien. Je suis venu t’apprendre que les dieux de la Cité sont faibles. Trop faibles, je le crains, pour te battre.

— Je le pensais.

— Mais ils ne sont pas si débiles qu’ils ne puissent te faire grand mal s’ils partent en guerre contre toi. S’ils rassemblent toutes leurs forces au bon moment, la victoire peut balancer longtemps.

— J’y ai pensé quand j’ai décidé de me battre.

— Il vaudrait mieux que ta victoire soit moins coûteuse. Tu sais mes sympathies pour le christianisme.

— Qu’as-tu donc à l’esprit ?

— Je me suis porté volontaire pour diriger la guérilla à seule fin de te dire que Lananda est à toi. Ils ne la défendront pas. Si tu continues d’avancer comme tu l’as fait, sans consolider tes positions en pays conquis, si tu marches sur Khaipour, Brahma ne la défendra pas non plus. Mais quand tu arriveras à Kilbar, ton armée sera affaiblie par les batailles livrées pour conquérir trois villes, et par nos raids contre elle en chemin, Brahma frappera alors avec toute la puissance du Ciel, pour que tu sois vaincu sous les murs de Kilbar. Tous les pouvoirs de la Cité Céleste sont prêts. Ils attendent que tu oses forcer les portes de la quatrième ville au bord du fleuve.

— Je vois. Il est bon de le savoir. Ils craignent donc ce que je porte avec moi ?

— Bien entendu. Iras-tu jusqu’à Kilbar ?

— Oui. Et je vaincrai à Kilbar aussi. J’enverrai chercher mes armes les plus puissantes avant d’attaquer cette ville. Les énergies que je voulais utiliser contre la Cité Céleste seront déchaînées sur mes ennemis quand ils viendront défendre Kilbar déjà condamnée.