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— Ils auront aussi des armes puissantes.

— Alors, quand nous nous rencontrerons, le sort de la bataille ne sera plus entre leurs mains ni entre les miennes.

— Renfrew, il y a un moyen de faire pencher la balance en ta faveur.

— À quoi penses-tu ?

— Bien des demi-dieux sont mécontents de la situation dans la Cité. Ils voulaient une campagne prolongée contre l’accélérationisme et les disciples de Tathagata. Ils ont été déçus quand on s’est arrêté à Keenset. On a aussi rappelé Indra du continent oriental, où il faisait la guerre aux sorcières. On pourrait l’influencer, lui faire comprendre les sentiments des demi-dieux. Ses partisans arriveront tout échauffés d’un autre champ de bataille. Et il se peut bien qu’ils ne se battent point pour défendre Kilbar.

— Je comprends. Et qu’y gagneras-tu, Ganêça ?

— La satisfaction.

— Rien d’autre ?

— Je voudrais que tu te rappelles un jour ma visite.

— Je ne l’oublierai pas. Plus tard, tu auras ta récompense. Garde !

Un pan de la tente se souleva et celui qui avait amené Ganêça réapparut.

— Accompagne cet homme où il veut aller, et relâche-le sain et sauf, ordonna Nirriti.

— Tu as confiance en lui ? demanda Olvegg quand il eut disparu.

— Oui, mais je lui donnerai ses pièces d’argent après la bataille.

Les Lokapalas tenaient conseil dans la chambre de Sam, au palais de Kâma à Khaipour. Il y avait aussi Tak et Ratri.

— Taraka me dit que Nirriti refuse nos conditions, dit Sam.

— Parfait, dit Yama ; quant à moi, je craignais qu’il ne les accepte.

— Au matin, ils attaquent Lananda. Taraka pense qu’ils prendront la ville. La victoire sera un peu plus difficile qu’à Mahartha, mais il est sûr qu’ils la remporteront. Moi aussi.

— Nous aussi.

— Ensuite, il s’avancera sur cette ville de Khaipour. Puis sur Kilbar, Hamsa, Gayatri. Il sait que quelque part sur sa route, les dieux se dresseront contre lui.

— C’est évident.

— Nous sommes donc entre les deux. Nous n’avons pu nous entendre avec Nirriti ; pensez-vous que nous puissions conclure un marché avec le Ciel ?

— Non ! cria Yama en tapant du poing sur la table. De quel parti es-tu donc, Sam ?

— De celui de l’accélération. Si nous pouvons l’obtenir par des négociations, plutôt qu’en versant le sang inutilement, tant mieux.

— Je préférerais m’entendre avec Nirriti qu’avec le Ciel.

— Alors, votons là-dessus, comme nous avons voté quand il s’est agi de contacter Nirriti.

— Il ne te faut qu’un oui pour l’emporter.

— Ce furent mes conditions quand j’ai accepté de devenir un des Lokapalas. Vous m’avez demandé de me mettre à votre tête, j’ai exigé d’avoir deux voix. Mais avant de voter, laissez-moi vous expliquer mes raisons.

— Parfait. Explique.

— Ces dernières années, le Ciel a montré une attitude plus libérale envers l’accélération, à ce que j’ai cru comprendre. Il n’y a pas eu de changement de position officiel, mais on n’a pris aucune mesure contre l’accélération, probablement à cause de la raclée qu’ils ont reçue à Keenset. Ai-je raison ?

— En gros, oui, fit Kubera.

— Il semble qu’ils aient décidé que des expéditions de ce genre chaque fois que la science relève sa vilaine tête seraient trop coûteuses. Des humains se sont battus contre eux dans ces combats. Contre le Ciel. Et ces gens, à la différence d’êtres comme nous, ont des familles, des liens qui les affaiblissent. Et il leur faut avoir un dossier karmique vierge s’ils veulent une renaissance. Ils ont pourtant combattu. En conséquence, le Ciel a été poussé à montrer plus de clémence ces dernières années. C’est une situation de fait, ils n’ont rien à perdre à le reconnaître. Ils pourraient même la transformer en leur faveur, en faisant de leur acceptation un geste gracieux de la bienveillance divine. Je crois qu’ils seraient prêts à des concessions que refuserait Nirriti.

— Je veux voir le Ciel tomber, dit Yama.

— Bien entendu. Moi aussi. Mais réfléchissons soigneusement. Avec ce que vous avez donné aux humains dans le dernier demi-siècle, comment le Ciel pourrait-il faire beaucoup plus longtemps de ce monde son fief ? Le Ciel est tombé le jour de la bataille de Keenset. Dans une autre génération ou deux, son pouvoir sur les mortels aura pris fin. Cette bataille contre Nirriti leur portera un autre coup, même s’ils sont vainqueurs. Donnez-leur encore quelques années de gloire décadente. Ils sont chaque saison plus impuissants. Ils ont atteint leur apogée. Le déclin commence.

Yama alluma une cigarette.

— Voudrais-tu que quelqu’un tue Brahma pour toi ? demanda Sam.

Yama, silencieux, tirait bouffée sur bouffée de sa cigarette.

— Peut-être, dit-il enfin. Oui, c’est peut-être cela. Je ne sais pas. Je n’aime pas y penser. Mais c’est probablement vrai.

— Veux-tu que je te garantisse que Brahma mourra ?

— Non ! Si tu essaies de le tuer, je te tue !

— Tu ne sais pas vraiment si tu désires que Brahma vive ou meure. Peut-être est-ce parce que tu aimes et que tu hais en même temps. Tu fus vieux avant d’être jeune, Yama, et c’est le seul être que tu aies jamais aimé. Ai-je raison ?

— Oui.

— Alors je ne puis t’aider à trouver la solution de tes ennuis. Mais tu ne dois pas les mêler à notre problème actuel.

— Bien, Siddharta. Je vote pour arrêter Nirriti ici même à Khaipour, si le Ciel nous soutient.

— Tout le monde est d’accord ?

L’accord fut unanime.

— Alors, allons tous au temple réquisitionner les moyens de communication.

Yama éteignit sa cigarette.

— Mais je ne parlerai pas à Brahma, dit-il.

— Je m’en charge, déclara Sam.

Ili, la cinquième note de la harpe, résonna dans le jardin du Lotus pourpre.

Quand Brahma alluma l’écran de son pavillon, il vit un homme qui portait le turban bleu-vert de Terrath.

— Où est le prêtre ? demanda Brahma.

— Dehors, pieds et poings liés. Je peux le faire traîner ici, si tu veux entendre une ou deux prières.

— Qui es-tu, toi qui porte le turban des Premiers et pénètre armé dans un temple ?

— J’ai l’étrange sentiment de rejouer une scène ancienne, dit l’homme.

— Réponds à mes questions !

— Voulez-vous qu’on arrête Nirriti, Madame ? Ou préférez-vous lui abandonner toutes les villes au bord du fleuve ?

— Tu mets la patience du Ciel à l’épreuve, mortel. Tu ne sortiras pas vivant du temple.

— Tes menaces de mort n’impressionnent pas le chef des Lokapalas, Kâli.

— Les Lokapalas sont morts et ils n’avaient pas de chef.

— C’est pourtant lui que tu regardes, Durgâ.

— Yama ? C’est toi ?

— Non, mais il est ici avec moi, tout comme Krishna et Kubera.

— Agni est mort. Et tous ses remplaçants sont morts, depuis…

— Keenset. Je sais, Candi. Je n’étais pas membre de la première équipe. Rild ne m’a pas tué. Le tigre fantôme, dont il vaut mieux ne pas dire le nom, avait fait du bon travail, mais cela n’a pas suffi. Et à présent, je suis revenu, en traversant le Pont des Dieux. Les Lokapalas m’ont choisi comme chef. Nous défendrons Khaipour, et battrons Nirriti, si le Ciel nous aide.

— Sam ! Ce n’est pas possible ?

— Alors, appelle-moi Kalkin, ou Siddharta ou Tathagata, ou Mahasamatman, ou l’Enchanteur, ou Bouddha, ou Maitreya. Je suis bien Sam, pourtant. Je suis venu t’adorer et conclure un marché.

— Explique-toi.