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Yama se jeta de côté, et la lame en passant l’entama de la poitrine à l’épaule.

Puis ses yeux devinrent deux lances et le Rakasha perdit sa forme humaine et devint fumée. La tête de Brahma retomba sur sa poitrine.

Taraka hurla quand Siddharta avança vers lui sur un cheval blanc. L’air crépita et sentit l’ozone.

— Non, Enchanteur ! Retiens ton pouvoir ! Ma mort appartient à Yama !

— Oh ! démon stupide, fit Sam, il n’était pas nécessaire que tu meures !

Mais Taraka n’était plus.

Yama tomba à genoux à côté de Brahma, mit un tourniquet à ce qui restait de son bras gauche.

— Kâli ! dit-il, ne meurs pas ! Kâli, parle-moi !

Brahma haletait. Ses paupières battirent, elle entrouvrit les yeux, les referma.

— Trop tard ! murmura Nirriti. Il tourna la tête et regarda Yama. Tu es Azraël, n’est-ce pas, l’Ange de la Mort ?

Yama le gifla et le sang sur sa main tacha le visage de Nirriti.

— « Heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des Cieux est à eux, dit Nirriti. Heureux les affligés, car ils seront consolés. Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage. »

Yama le gifla encore.

— « Heureux les affamés et assoiffés de justice, car ils seront rassasiés. Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu… »

— « Et heureux les artisans de paix, dit Yama, car ils seront appelés fils de Dieu. » Où est ta place dans tout cela, Mauvais ? De qui es-tu le fils, pour avoir fait ce que tu as fait ?

Nirriti sourit.

— « Heureux les persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux », dit-il.

— Tu es fou, dit Yama, et pour cela je ne t’ôterai pas la vie. Débarrasse-t-en toi-même quand tu seras prêt, ce qui ne saurait tarder.

Il prit alors Brahma dans ses bras et repartit vers la ville.

— « Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute, et si l’on vous calomnie de toutes manières à cause de moi », continua Nirriti.

— De l’eau ? lui demanda Sam en ôtant le bouchon de sa gourde et en soulevant la tête de Nirriti.

Nirriti le regarda, passa sa langue sur ses lèvres sèches, et fit un petit signe de tête. Sam versa lentement un filet d’eau dans sa bouche.

— Qui es-tu ?

— Sam.

— Toi ? Encore une résurrection ?

— Elle ne compte pas, elle n’a pas été pénible.

Les yeux de Nirriti le Noir se remplirent de larmes.

— Mais cela veut dire que tu l’emporteras, fit-il, haletant. Je ne peux comprendre pourquoi il a permis ta victoire…

— Il ne s’agit que de ce monde, Renfrew. Qui sait ce qui se passe ailleurs ? Et ce n’est pas vraiment le combat que je voulais ni la victoire que je désirais remporter. Tu le sais. Je suis désolé pour toi, je regrette tout ce qui s’est passé. J’approuve tout ce que tu as dit à Yama, comme le font les disciples de celui qu’ils appellent le Bouddha. Je ne me rappelle même plus si j’ai vraiment été celui-là ou si c’était un autre. Mais je me suis éloigné de lui à présent. Je vais redevenir un homme, et je laisserai les autres hommes garder le Bouddha qui est en leur cœur. Quelle qu’en fût la source, le message était pur, crois-moi. Et pour cette raison seulement il a pris racine et s’est développé.

Renfrew but encore un peu à la gourde.

— « Ainsi, tout arbre bon donne de bons fruits », dit-il. Une volonté plus haute que la mienne a décidé que je devais mourir dans les bras du Bouddha, qui décida que cette Voie était bonne pour ce monde… Donne-moi ta bénédiction, ô Gautama. Je vais mourir…

Sam inclina la tête.

— « Le vent souffle vers le sud, puis tourne vers le nord. Il tourbillonne continuellement et revient selon ses révolutions. Tous les fleuves se jettent dans la mer, et pourtant la mer n’est pas pleine. Car les fleuves retournent au lieu d’où ils sont venus. Ce qui a été sera, ce qui est fait sera fait. Il n’y a pas de souvenirs des choses du passé, il n’y aura pas de souvenirs des choses à venir pour ceux qui viendront après nous. »

Puis il couvrit Nirriti le Noir de son manteau blanc, car il venait de mourir.

Jan Olvegg fut transporté en ville sur une litière. Sam envoya dire à Kubera et Narada de venir le rejoindre dans la Salle du Karma. Car il était évident qu’Olvegg ne vivrait pas longtemps dans son corps actuel.

Quand ils entrèrent dans la Salle, Kubera trébucha sur un cadavre qui gisait sous la voûte.

— Qui est-ce ?

— Un des Maîtres.

Trois autres porteurs de la roue jaune gisaient dans le couloir qui menait aux chambres de transfert. Tous avaient des armes.

Ils en trouvèrent un autre près des machines. Un coup d’épée l’avait transpercé exactement au centre de son cercle jaune et il semblait une cible utilisée par un tireur d’élite. Sa bouche était encore ouverte pour le hurlement qu’il n’avait pas eu le temps de lancer.

— Les habitants de la ville les ont peut-être massacrés ? dit Narada. Ils étaient devenus de plus en plus impopulaires ces dernières années. Ils ont peut-être profité des combats… du chaos…

— Non, dit Kubera en levant le drap taché de sang qui couvrait le corps allongé sur la table d’opération – il regarda le cadavre, rabaissa le drap. Non, ce n’étaient pas les gens de la ville.

— Qui, alors ?

Kubera jeta un nouveau coup d’œil sur la table.

— C’est Brahma là-dessous.

— Oh !

— Quelqu’un a dû vouloir empêcher Yama d’utiliser les machines pour tenter un transfert.

— Mais où est Yama ?

— Je n’en sais rien. Nous ferions mieux de nous mettre au travail rapidement si l’on veut sauver Olvegg.

— Oui. Allons-y.

Un beau jeune homme de haute taille entra dans le palais de Kâma et demanda Kubera. Il portait sur l’épaule une longue lance luisante. Il ne cessa d’arpenter la pièce tandis qu’il attendait.

Kubera entra, vit la lance, le jeune homme.

— Tak ?

— Oui, c’est moi. Une lance neuve et un Tak tout neuf. Inutile de rester singe plus longtemps. Le moment du départ approche et je suis venu vous dire au revoir à Ratri et à toi.

— Où vas-tu ?

— Je voudrais voir le monde, Kubera, avant que vous n’en fassiez disparaître l’enchantement avec vos machines.

— Ce n’est pas encore pour demain, Tak. Tu ne veux pas rester un peu avec nous ?

— Non, merci, Kubera. Le capitaine Olvegg est impatient de partir. Nous voyagerons ensemble.

— Où irez-vous ?

— À l’est, à l’ouest, qui sait ? Vers tout ce qui nous appelle. Dis-moi, Kubera, à qui appartient le char de la foudre à présent.

— À l’origine, il était à Çiva, bien entendu. Mais il n’y a plus de Çiva. Brahma l’a utilisé longtemps…

— Mais il n’y a plus de Brahma. C’est la première fois que le Ciel vit sans un Brahma – puisque Vichnou le Conservateur règne. Aussi…

— Yama l’a construit. C’est à lui qu’il appartient, s’il appartient encore à quelqu’un.

— Mais il n’en a pas besoin. Je pense donc qu’Olvegg et moi allons l’emprunter pour voyager.

— Yama n’en a pas besoin ? Qu’entends-tu par là ? Personne ne l’a vu depuis la bataille, il y a trois jours.

— Bonjour, Ratri, dit Tak, quand la déesse de la Nuit entra dans la pièce. « Garde nous de la louve et du loup, garde nous du voleur, ô Nuit, sois bonne et laisse-nous passer. »

Il s’inclina et elle toucha son front.

Puis il leva les yeux vers son visage et pendant un instant merveilleux la déesse emplit tout l’espace, dans ses hauteurs et ses profondeurs. Son éclat repoussait les ténèbres…