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Primo : Katkarre.

On ne lui connaissait que des amis, vu que sa bonne femme lonche avec tout ce qui a des velléités d’érection, entre quinze et soixante-quinze ans. L’ignorait-il ? Probablement pas car depuis quelques années, il s’était mis à boire, lui que l’on considérait comme sobre pour un Breton, car avant de s’adonner à l’alcool, il ne buvait qu’une bouteille de calva par jour.

Ses affaires allaient mal. Il naviguait de moins en moins, passant ses journées au café de la Marine avec les matelots de son équipage.

Deuxio : Tango, il le sait, est une verminerie irrécupérable. La honte d’une famille honorable. Son père est mort de chagrin ; sa mère fait le ménage du curé et s’abîme en dévotions. L’un de ses frères s’est exilé à l’île de Nichemar’h. Ses sœurs sont parties, qui à Quimper, qui à Rennes. L’une est religieuse, l’autre taille des pipes à Paris. Le retour de l’enfant prodigue a surpris, mais la population lui a fait bonne figure car il fait peur. Ses agissements sont innocents, sauf qu’il se rend chaque jour au bureau de poste de la rue des Bignous pour téléphoner à Pantruche, et pourquoi qu’il téléphonerait de la sorte s’il avait vraiment rompu avec la maléfique capitale de perdition, il me demande, le poète excrémentiel.

Troisio : le phare.

Eh bien il va me dire, le barde, tout, le fond de sa pensée jusqu’à la doublure. Un acte de l’O.L.B. ? Son cul ! Vous m’entendez ? Son cul ! Il sait de quoi il cause. Air entendu laissant à supposer qu’il en fait partie, lui, de l’O.L.B., breton à son point ! Folklorique jusqu’à plus pouvoir. Et qu’il est persona gratin, là-dedans, le barde Delar’r. Pas du lampiste tout venant, grande gueule à coller les affiches ! Tête pensante, voilà. Cerveau de ce mouvement louable. Alors que non, non, non et son cul pour le phare. S’agit d’autre chose. Jamais l’O.L.B. n’aurait zigouillé un gardien de phare ultra bretonné, essence de la race. Ja-mais ! Un gardien de phare, c’est un emblème. Lui, le barde, il a proposé de mettre dans le blanc du drapeau blanc Breton-Libre un phare stylisé, alors ?

Cet attentat, je veux qu’il me dise ? Un coup du gouvernement, parfaitement, pour donner motif à représailles. Ça va se durcir pour l’O.L.B., mais ils ne flancheront pas, les gars du mouvement. Ils iront jusqu’au bout, créeront la Nation Bretonne. Ils auront la bombe anatomique un jour, pour garantir leur Indépendance conquise.

Et si la France bronche, continue d’emmerder selon ses belles habitudes, ils la conquerront, la France, cette bougresse grande gueule, toujours à se croire plus maligne que les autres, et si parfaitement conne qu’on la cite en exemple de connerie à l’extérieur. Oui : la Bretagne annexera la France, ça fera pas un pli. Et elle annexera la Corse aussi raide. Et la Savoie avec ses radicelles ritales. Et l’Alsace-Lorraine choucrouteuse par-dessus le marché. Enfin, y aura une nation unie, forte, rayonnante. Telle que le grand de Gaulle la rêvait, cet utopiste à la flan, toujours le front sous ses deux étoiles mesquines, çui-là, à se croire, à nous vouloir, merde, cette manière de sauver imperturbablement, de tenir les françouzes à bout de bras, faire croire qu’ils sont grands et que lui clamsé, pouf : des gnomes ! Encore une bolée de calva, commissaire ! (C’est pas une propose, mais un ordre.) Oui, le phare détruit, c’est signé gouvernement français. Des loustics, des louches, des tortueux, des évasifs, des pleutres.

Alors, profitant de ce qu’il biberonne sa énième bolée de ramonetripes, je lui demande (et me demande) à brûle-gilet, pardon : à brûle-pourpoint :

— Existe-t-il un lien entre les trois choses ?

Le poète-barde-plombier me flagelle les tympans d’un rot comme une corne de brume.

— Quelles trois choses ?

— La mort de Katkarre, le retour au pays de Tanguy Liauradéshome, le dynamitage du phare… Tout cela en un laps de temps si réduit !

Moi, je dis lien ! Lien et lien !

— Possible, convient le barde Delar’r, mais alors c’est un coup du gouvernement.

Soudain, il se dresse, les mains plaquées aux oreilles, comme pour contenir la charge d’un bruit insoutenable.

— Et c’est pas fini ! braille-t-il. Et c’est pas fini ! Nous sommes au début d’une ère calamiteuse ! Le ciel nous tombera sur la tête et l’océan remontera jusqu’à Rennes !

CHAPIT SIX

OÙ LA PRÉDICTION DU BARDE SE RÉALISE

L’orage fait rage.

Pluie, grêle, vent, crachin, cochon, couvée !

Le ciel à la Wlaminck est comme halluciné. Des éclairs l’éventrent. Il se déchire jusqu’au bout de l’horizon marin, tout là-bas que les albatros cessent d’hasarder au cul des navires capitalistes.

Docile, l’adorable petit con motocycliste qui m’a attendu près d’une plombe devant la maison du barde-plombier, me stoppe devant la maisonnette de feu Katkarre. La grand-mère gâteuse est toujours installée devant la porte, trempée jusqu’au squelette.

Je demande au pétaradeux de m’aider et nous la rentrons dans le logis.

— Y a quelqu’un ? m’enquiers-je à pleine et belle voix.

N’obtenant pas de réponse, je me dirige vers la pièce hautement contiguë. La fraîche veuve est en train de se faire trousser par M. le maire, revenu catimineusement après ses fustigations à mon endroit.

Tristet dans la copulation, l’édile. Un peureux dans son genre, puisqu’il ne s’est point totalement séparé de son pantalon et que celui-ci lui enserre les chevilles. Fesses blafardes, de bleu veinées, et mal velues. Le tricot de corps inchangé depuis les dernières élections municipales, la chemise retroussée, le gilet idem, de même que le veston dont le pan lui remonte à la nuque. Il ne besogne pas magistratement, le premier magistral de la commune, mais par petites saccades sans préalable de mammifère herbivore. Il ne trousse pas foncièrement mais s’assure. On le dirait en doute de jonction. D’ailleurs, il porte fréquemment la main à son sexe pour vérifier qu’il est toujours là et en fermeté convenable pour mener à bien.

Il émet un sombre cri migrateur, m’sieur le maire en cours de limage. Un cri qui évoque des récifs détrempés. Il fait grouïiï grouïiï, avec ses petites tremblées du cul miséreuses. Il a le paf ricocheur. La fornication désemparée. Il s’en va à vau-le foutre. Il achemine du zob, mornement, et son désir brandonne si tant tellement que tu lui soufflerais volontiers au cul pour l’exalter.

Le petit motard regarde de tous ses deux grands yeux naïfs à hurler et me dit à l’oreille :

— C’est not’maire.

— Je sais, réponds-je. Mais j’espère qu’il gère les affaires communales mieux qu’il ne brosse, car tu vois, fiston, c’est cela, mal baiser.

— Ah, oui, m’sieur ? s’étonne le chevaucheur de centimètres cubes (les meilleurs après les centimètres carrés), garçon con mais docile, apte aux enseignements élémentaires pour peu qu’ils fussent appris sur le vif.

— On ne fait pas reluire une dame de cette manière désordonnée et inquiète, mon ami. Vois comme ce monsieur embroque malencontreusement, sans fougue ni envol. Constate à quel point il manque d’assurance pour se contrôler le nœud à tout bout de champ, comme un chauffeur de taxi vérifie qu’il est bien en prise tant la lenteur de son véhicule le trouble. Ce personnage éminent ne fait pas l’amour : il baisouille. Son sexe balbutie, comprends-tu ? Fais-en ton profit, mon jeune camarade, prends toujours possession d’une dame avec détermination, sans barguigner. Dis-toi que la bandaison va de soi, et qu’il n’y faut plus songer lorsqu’elle est en chemin. Laisse-la aller : elle connaît le parcours si toi tu l’ignores. Depuis bien avant le paléolithique, une queue mâle sait le mécanisme de l’engendrement. Personne n’a appris au bourgeon à s’ouvrir pour produire des feuilles ; il en va de même de l’espèce humaine. Le gus se complique la vie par des doutes qui lui perturbent le cerveau. Il parvient à force de trop se mettre en cause à détraquer une merveille que le créateur voulait indétraquable. Et c’est sacrilège, mon cher petit motard.