Выбрать главу

— C’est vous qui avez bâti les transchangeurs ?

— Les quoi ?

— Les transchangeurs. Les passages interstellaires. Les portes sur l’espace…

— Transchangeurs… répéta l’homme de verre en hochant la tête. Le nom est bien trouvé. Oui, nous les avons créés.

Keith sentait le sang battre à ses tempes.

— Qu’attendez-vous de moi ?

Nouveau rire carillon.

— Vous semblez sur la défensive, Keith. Je croyais que vous aviez un discours standard en cas de premier contact… À moins qu’il soit encore trop tôt pour ça ?

Trop tôt ?

Keith déglutit.

— Euh… oui. Moi, G.K. Lansing, commandant de Starplex, vous adresse la bienvenue de la part du Commonwealth des Planètes, une association pacifique des quatre races supérieures de trois planètes différentes.

— Ah, voilà qui est mieux. Merci.

Keith cherchait un lien logique entre l’humanoïde transparent, la reconstitution de forêt, le vaisseau dragon, la capture de sa navette… N’en trouvant pas, il déclara :

— J’aimerais savoir ce que vous attendez de moi.

L’homme de verre hocha la tête.

— Au risque de paraître mélodramatique, je vous répondrai que c’est en rapport avec l’avenir de l’univers.

Keith fronça les sourcils.

— Mais auparavant, reprit son compagnon, j’aimerais vous poser quelques questions. Car, voyez-vous, Keith Lansing, vous ne détenez pas seulement les clés de l’avenir, mais aussi celles du passé.

II

Une nouvelle zone spatiale venait de s’ouvrir de façon totalement inattendue. Keith et Rissa se précipitèrent sur le pont central, entrèrent par la porte tribord… ce qui obligea Keith à passer devant Lianne Karendaughter. Brillante (elle possédait une maîtrise en ingénierie électrique), belle (une épaisse chevelure platine maintenue par des pinces dorées encadrait son séduisant visage aux traits asiatiques), et jeune, Lianne avait rejoint l’équipage de Starplex six semaines plus tôt après une expérience remarquée d’ingénieur en chef à bord d’un grand vaisseau commercial. Elle adressa un large sourire à Keith. Un sourire radieux, un sourire supernova… qui le laissa avec un drôle de creux au milieu de l’estomac.

Le pont central de Starplex semblait n’avoir ni murs, ni sol, ni plafond. En fait, il était entouré d’un hologramme sphérique qui reproduisait l’image des abords du vaisseau et faisait apparaître les stations de travail comme flottant parmi les étoiles. La salle véritable était rectangulaire avec un encadrement de porte dans chaque mur, mais aucune ouverture visible. Dissimulées dans le paysage spatial de l’hologramme, les portes s’ouvraient par le milieu et glissaient de chaque côté, révélant alors des couloirs qui apparaissaient comme perdus dans l’espace. Apparemment suspendues dans le vide, mais en fait accrochées aux murs invisibles juste au-dessus des portes, scintillaient trois pendules réglées selon le système horaire en vigueur sur chacune des trois planètes.

Tandis qu’ils se pressaient vers leurs stations de travail, Keith et Rissa paraissaient courir au cœur de l’espace.

Les stations étaient disposées en deux rangées de trois, avec le poste de commandement au centre du deuxième rang. Si le premier rang était constamment occupé, le second ne servait qu’occasionnellement, lorsque Jag, Keith ou Rissa ne travaillaient pas dans les bureaux individuels qui leur étaient réservés dans une autre partie du vaisseau. L’un des écrans de Keith affichait par défaut la liste des personnes autorisées à utiliser les stations du pont central pendant le roulement assuré par l’équipe Alpha :

Le directeur des Opérations internes était responsable de toutes les activités à bord du vaisseau, y compris l’ingénierie. À l’autre bout de la pièce, lui faisait face son équivalent hiérarchique, le directeur des Opérations externes, chargé de superviser les baies d’amarrage et les missions effectuées par les cinquante-quatre vaisseaux qui y étaient entreposés. À gauche de Keith se trouvait la station de travail de Jag, chargé des Sciences physiques, et à sa droite, toujours au même niveau hiérarchique, celle de Rissa, chargée des Sciences de la vie.

La plupart des recherches dans le domaine de la physique se menant à bord du vaisseau, ce poste de travail était situé à dessein en face des OpIns. Ainsi, il suffisait à Lianne de tourner son fauteuil ou de faire pivoter sa station de travail sur sa base pour discuter avec Jag. Selon le même principe, on avait installé les Sciences de la vie dont les études se menaient principalement à l’extérieur du vaisseau mère face aux OpExs, afin que Rissa et Losange puissent se consulter facilement (comme tous les Ebis, Losange possédait un angle de vision de 360 degrés qui le dispensait de l’obligation de se tourner pour voir sa collaboratrice).

Afin de faciliter les communications, des hologrammes en temps réel de dix centimètres de haut représentant les visages de Lianne et de Thor et une vue globale de Losange flottaient au-dessus des consoles de Jag, Keith et Rissa. Eux-mêmes avaient au-dessus de leurs têtes l’hologramme des occupants du premier rang.

Un grand bassin retenu par un champ de force bordait chaque côté de la pièce, une disposition qui permettait de transférer les fonctions de chaque poste de travail aux dauphins qui y évoluaient. Une rangée de neuf chaises polymorphes derrière les stations de travail était prévue pour les visiteurs éventuels.

Keith regarda Jag franchir la porte d’entrée. Le Waldahud avançait à petits pas sur ses jambes courtaudes dans le champ d’étoiles virtuel, ses quatre bras raides le long du corps. Outre quelques accessoires fonctionnels : une ceinture pleine de poches fourre-tout et, autour de son bras gauche supérieur, une bande vide-poches, la créature ne portait pour tout vêtement que son épaisse fourrure brune… Une autre raison de rancœur pour Keith qui mourait de froid dans les parties communes du vaisseau où régnait constamment une température de quinze degrés (l’équivalent d’un bel après-midi d’été sur Rehbollo !).

Quand Jag s’assit devant eux, ses écrans se configurèrent de façon à devenir deux fois plus hauts que larges, ce qui lui permettait d’en consulter deux simultanément de ses deux paires d’yeux verticales. Car si à l’instar de celui des humains, le cerveau des Waldahuds se divisait en deux parties, chaque hémisphère avait la capacité de produire sa propre image stéréoscopique.

Keith ne remarqua aucune expression particulière sur le visage de Jag – il est vrai qu’il n’était pas doué pour déceler ce genre de choses, de toute façon. Apparemment, le Waldahud estimait que leur dispute dans le couloir, une heure plus tôt, ne méritait aucun commentaire. Mais, après tout, pourquoi en aurait-il été autrement ? Ce genre d’altercation faisait partie de la routine pour lui.

Keith secoua la tête et se détourna. Thorald Magnor, au poste de pilotage, était une sorte de géant humain d’une cinquantaine d’années, à la barbe rousse et hirsute. Aux Opérations externes, l’escamotage du siège polymorphe dans le sol et le réglage de la console à sa hauteur minimum indiquaient que le poste de travail était occupé par un Ebi, c’est-à-dire Losange qui, comme tous ses congénères, ressemblait à un fauteuil roulant de pierre sur lequel on aurait posé une pastèque.