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« Le prophète avait édicté, entre autres lois, que les victimes ne devraient jamais être volontaires et qu’elles devraient être capturées vivantes sans le secours d’armes autres que les armes blanches. Dans le cas où elles résisteraient avec des armes scientifiques, il était permis d’employer tous les moyens contre elles dans un délai de 75 jours. Voilà pourquoi vous avez été attaqués avec des moyens si inefficaces. Il espérait entretenir ainsi des dissensions sans fin. Dans l’esprit du fou-prophète, les victimes devaient être les martiens noirs. Mais il omit de le spécifier. Chaque planète ayant ses jésuites, les casuistes déclarèrent après sa mort qu’il fallait au dieu 100 jeunes gens de n’importe quelle race. D’où la reprise des guerres contre les martiens jaunes, d’où aussi l’attaque contre vous et mon enlèvement. Quand 15 jours avant la date du sacrifice le nombre de 100 victimes n’est pas atteint, commencent les « jours de terreur ». Les prêtres du crabe et leurs aides parcourent le pays, enlevant les jeunes gens. Personne n’ose sortir. Au besoin ils donnent l’assaut aux maisons. Chaque martien, sauf les hexadactyles, est hypnotisé dès son enfance par les prêtres qui croient fermement remplir un devoir sacré, étant eux-mêmes sous le coup d’une suggestion, de père en fils. On leur imprime ainsi cette idée qui est pour eux une évidence, qu’ils ne doivent ni être volontaires, ni résister en groupes.

« Voici ce que j’ai appris sur l’histoire et la religion des Martiens noirs. J’ai trouvé en Niup un allié précieux. Hélas ! J’ai bien peur que lui et les siens aient payé mon évasion de leur vie. Ils haïssaient terriblement les autres martiens noirs. Mais comme ils ne pouvaient aller vivre ailleurs – ils ont essayé en vain d’entrer en contact avec les martiens jaunes – ils ont bien été obligés de rester à Nro – c’est le nom de leur village souterrain.

Chapitre VI

L’évasion

« Vers la fin du deuxième mois de ma captivité, Niup me prévint que je serai bientôt présenté au Dieu.

« Ne craignez rien. Le sacrifice n’a lieu que le surlendemain. D’ici-là, je vous aurai fait évader. Laissez-vous conduire. Vous acquerrez ainsi la connaissance du terrain.

« J’avais gardé avec moi mon scaphandre. On avait voulu me l’enlever, mais j’avais protesté que la pression me gênait beaucoup. J’avais également mon Leica – pas assez de pello, hélas ! – et mon revolver. Je suppose qu’ils n’y avaient pas fait attention au début. Ensuite, je l’avais caché dans le scaphandre. Je crois aussi que d’après ce que leur avait dit Niup, ils devaient me croire résigné à mon sort.

« Un jour, on vint donc me chercher. Je fus encadré par une garde qui brandissait des épées nues. On me conduisit à une rivière où flottait un bateau plat. Il était chargé de guerriers en armes qui encadraient une troupe d’êtres ligotés. Ils étaient au nombre de 99, disposés par paquets d’une dizaine. C’étaient des martiens jaunes.

« Ce sont bien les êtres les plus beaux que je connaisse. Leur peau est véritablement dorée, leurs yeux sont violets, et leurs cheveux comme des fils d’or. Leur taille varie de 1 m 60 pour les femmes à 1 m 70 ou 75 à peu près pour les hommes. Ils étaient vêtus de toges comme les martiens noirs, mais de couleurs brillantes. Leurs traits sont absolument humains et feraient honneur aux races les plus élevées de chez nous. Quand ils me virent, ils me regardèrent avec un intérêt marqué, et se mirent à parler entre eux. Leurs gardiens les frappèrent alors brutalement avec le plat de leurs épées. J’ai encore devant les yeux le visage splendide d’une jeune fille dont la bouche saigna. Je ne pus me contenir, bondis dans l’embarcation, arrachai une épée à un garde, et me mis à taper dans le tas. Comme vous le savez, je suis d’origine écossaise, et on a conservé dans ma famille l’art de se servir d’une épée. Je crois qu’au premier coup j’en ai coupé un en deux. La bataille s’engagea alors ; j’étais handicapé par le fait que l’épée était trop petite pour moi, et d’autre part, je devais faire très attention à ce qu’ils ne déchirent pas mon scaphandre. Pour me gêner encore plus, mon casque que j’avais mis dans une musette, me battait les reins. Tout en me battant de la main droite, de la gauche je cherchais à atteindre mon revolver qui était également dans ma musette. J’y parvins, tirai coup sur coup les quatorze balles. Cela fit un vide. J’en profitais pour bondir jusqu’au groupe le plus proche de jaunes et je réussis à en délivrer cinq avant que les noirs ne reviennent à l’assaut. Mais maintenant nous étions 6, et si mes alliés étaient moins vigoureux que moi, avantagé comme je l’étais par le fait que j’avais grandi dans un monde où la gravitation est bien plus forte, ils étaient très supérieurs à nos ennemis et très habiles dans le combat à l’arme blanche. Finalement, au moment où mon bras fatigué de se lever et de s’abaisser sans cesse, était la proie de crampes douloureuses, nous réussîmes à faire une trouée. Nous prîmes de l’avance rapidement sur nos poursuivants. J’avais d’abord cru que mes nouveaux alliés ne pourraient courir aussi vite que je bondissais. Mais bientôt je vis que c’était moi qui aurais de la peine à les suivre. Leur rapidité à la course est extraordinaire, et ils battraient sans peine tous les records du monde. Nous nous enfuîmes ainsi au hasard, pendant un moment, tournant dos à la ville et allant vers les vergers. Mon idée était de gagner un ascenseur et d’essayer de s’en emparer. Il était évident que mes alliés ignoraient autant que moi la topographie du pays. Soudain, derrière un bosquet se dressa un noir. Je bondis vers lui, l’épée levée. Il sourit et me tendit un papier. C’était un hexadactyle, envoyé certainement par Niup. Tandis que je déroulais le papier, le messager s’effondra, une flèche dans le dos. Diable, pensai-je. Les flèches sont aussi des armes blanches. Nous refluâmes devant les nouveaux arrivants, et nous grimpâmes une pente qui menait vers la paroi même de la caverne. Nous étions à peu près cernés, et je voyais au loin accourir une de leurs machines à tentacules. Nos assiégeants la virent aussi, et cessèrent de nous tirer des flèches. Ils ne cherchaient du reste pas à nous tuer, mais à nous immobiliser par une blessure aux jambes.