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« Avant que la machine soit là, nous avions un moment de répit. J’en profitai pour prendre connaissance du message de Niup. Je vis que c’était un plan très détaillé de la région. Je repérai facilement le tertre où nous étions, adossé à la muraille ; à quelque distance, il y avait un demi-cercle dessiné sur la paroi et de là une flèche partait, qui traversait des salles et aboutissait à une représentation du Rosny. Je compris que c’était le chemin de la liberté, et remerciai mentalement mais chaleureusement, Niup.

« D’après le plan, l’ouverture devait se trouver à environ 200 yards à gauche. Je montrai le dessin à mes compagnons et leur fis comprendre par gestes que cette route menait hors de la caverne. Nous allâmes rapidement. Effectivement nous trouvâmes l’entrée, à environ 3 yards au-dessus du sol. Je pris mon élan, bondis, et par un rétablissement me hissai à l’entrée d’une galerie. Je déroulai ma ceinture, et aidai ainsi les martiens à grimper.

« Après un kilomètre ou un kilomètre cinq cent de galerie ascendante, nous débouchâmes dans une vaste grotte, occupée par une dizaine de noirs. Ils nous virent trop tard pour esquisser un geste de défense, et ce fut un massacre sans pitié. Je découvris une porte diaphragme, mais ne pus l’ouvrir. Un des jeunes s’approcha alors, tâtonna un instant, et la porte s’ouvrit. Elle donnait dans une salle plus petite contenant 6 crabes. Je tirai alors mon casque de ma musette, me disposai à le mettre, et m’arrêtai. Je venais de m’apercevoir que les martiens jaunes n’avaient pas de scaphandres. Je ne voulais pas abandonner ces vaillants alliés aux hordes noires qui n’allaient pas tarder à apparaître. Je me tournai vers eux, montrai mon scaphandre. Un d’eux comprit, sourit et montra à son tour les crabes. Ils se glissèrent à l’intérieur de cinq de ces engins. Je mis alors mon casque, et nous sortîmes. Je vis alors que j’étais à environ 1 km du Rosny, que je distinguais très nettement. Il était à peu près 16 h. J’essayai d’entraîner les jaunes avec moi, par gestes. Ils me répondirent en dirigeant les pinces de leurs machines vers le sud, et partirent. Je me rapprochai du Rosny et allais me montrer quand je vis un crabe qui montait la garde au milieu des carapaces détruites. Je me sentis glacé. Vous avaient-ils vaincus ? Étiez-vous prisonniers ? Je restai là, épiant jusqu’à la tombée de la nuit. Le crabe s’arrêta alors, et je vis en sortir une silhouette que je reconnus pour celle d’Arthur. Je compris alors que vous aviez capturé ce crabe, et j’arrivai juste à temps pour dîner. Voilà mon histoire ! »

Ils restèrent un moment silencieux. Trop de questions affluaient à la fois à leurs lèvres. Enfin Paul, pratique, demanda :

— Quels sont leurs moyens scientifiques d’attaque ?

— Oh, ils ont bien dégénéré depuis l’ère de la puissante martienne ! Ils ont encore, si j’en crois Niup, quelques explosifs assez violents et des sortes de canons, pneumatiques. Nous ne tarderons pas à le savoir ! Le délai de 75 jours expire demain, et le sacrifice a lieu bientôt.

— Oui, mais nous n’allons pas les attendre. Nous ne restions là que dans l’espoir de te voir revenir. Maintenant, nous allons essayer de trouver les martiens jaunes. De quel côté habitent-ils ? Je suppose qu’ils t’ont gardé quelque reconnaissance.

— Toujours d’après Niup, ils habiteraient des grottes sous ce que nous appelons le Solis Lacus.

— Bon. Nous allons lever le camp. Ne vous éloignez à aucun prix hors de la lumière des projecteurs. Le Wells et le Jules Verne vont réintégrer leur garage.

Une demi-heure après, ils étaient affairés à démonter toutes les installations provisoires du camp de l’Heptagone. Déjà l’auto et l’avion, soulevés par les grues, avaient disparu dans le ventre de l’astronef. Alors brutal et rapide, survint le drame : Louis et Arthur démontaient l’excavatrice. Il y eut soudain derrière eux comme un bouillonnement de sable, une trappe s’ouvrit. Deux longues tentacules tâtèrent l’air avec des gestes aveugles. Ils les rencontrèrent, les saisirent, les entraînèrent dans la trappe qui se referma. Le sable croula et effaça toute trace…

Chapitre VII

Le sacrifice au dieu-crabe

Ils se tenaient dans la salle commune, fous de colère. L’enlèvement avait été si imprévu, si rapide, qu’ils restaient pantois, sans énergie ni plans. Sig se ressaisit le premier.

— Nous ne voulons pas, nous ne pouvons pas laisser nos amis aux mains de ces brutes, pour être sacrifiés à leur idole. Nous devons agir !

— Oui, dit Paul, mais comment ? Bernard, qu’en penses-tu ? Bernard n’était pas là. On l’entendait qui fourrageait dans les soutes à munitions.

— Bernard ?

— Oui. Quoi ?

Il apparut, à demi équipé.

— Qu’est-ce que vous foutez là ? Il faut faire quelque chose ? Bien sûr ! Quoi ? Délivrer les copains ! Commenta ? Par ruse ou par force ? Nous entrerons bien chez eux, quitte à défoncer une porte à coup de dynamite. Mais qu’est-ce que vous fichez, nom de Dieu !

Sig et Ray étaient déjà à demi équipés à leur tour. Tout en achevant d’endosser son scaphandre, Sig dit :

— Paul, tu restes ici avec Ingrid et Hélène. Ray, Bernard et moi, nous y allons. Non, il faut que tu restes. Il ne s’agit pas de courage ! Tu en as autant que nous. Il s’agit de force physique, peut-être. Dans le corps à corps tu nous gênerais. Il n’y a pas de honte. Il y a peut-être autant de danger ici ! Et tu es indispensable, il faut que quelqu’un reste !

Il lançait ses arguments à la volée. Puis, se tournant vers Hélène, effondrée dans un coin.

— T’en fais pas. On te le ramènera, ton Louis !

Elle eut un sursaut, et levant ses yeux mouillés de larmes :

— Tu sais ?

— Tout le monde sait. C’est assez évident !

Bernard, nerveusement, achevait de garnir une ceinture de munitions. Ray, flegmatique, amorçait des grenades. Musettes pleines, ils visèrent leur casque et disparurent. Paul les vit par le hublot, gigantesques silhouettes se dandinant, s’effacer derrière les rochers.

Sitôt dehors, ils marchèrent très vite. Ray les conduisait. En peu de temps, ils furent à la porte par où Ray s’était enfui. Bernard se disposait à la faire sauter quand ils s’aperçurent qu’elle jouait librement. Ils entrèrent donc dans l’antichambre. Elle était vide. La porte se referma automatiquement. L’autre, intérieure, s’ouvrit à la manœuvre de Ray, et ils furent dans la salle où les noirs rangeaient leurs machines. Elle était déserte. Un seul crabe était accroupi dans un coin, avec un air de méchanceté étrange.

— Curieux ce vide, dit Ray. Ça ne me dit rien qui vaille !

Ils avancèrent par un long couloir, sans rencontrer personne. Ils débouchèrent ainsi dans la petite grotte qui avait permis à l’américain de s’évader. Il se pencha avec précaution et inspecta la vallée souterraine.

— Ça va. Enlevons les casques. Nous allons laisser tout le barda dans cette crevasse.

— Mais si nous ne pouvons pas revenir par le même chemin ?

— Alors nous ne pourrons pas revenir du tout.

Ils ne gardèrent sur eux que les armes et les munitions. Allégés, ils sautèrent sur le sol de la caverne.

— Étonnant cette voûte, fit Bernard.

— Tu en verras d’autres. Viens !

Silencieusement ils filèrent au ras de la muraille, parvinrent dans un éboulis où ils pouvaient se dissimuler.

— Sais-tu, demanda Sig, où ils ont bien pu emmener les copains ?

— Non, nous allons être obligés de chercher. Et ici, il n’y a pas de nuit !